27 avril 2015
"[...] De quoi s’agit-il ? En raison de la multiplication des actes racistes et antisémites, le gouvernement veut exclure de la loi sur la presse de 1881, pour les incorporer directement dans le code pénal, les délits de provocation à la haine ou à la violence, d’injure ou de diffamation « à l’égard d’une personne ou d’un groupe de personnes en raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, à une nation, une race ou une religion ». Il serait même question d’élargir la mesure aux propos sexistes et homophobes. Cela signifie en clair que ce genre de délit ne bénéficierait plus des garanties que la République, succédant au régime de censure et de répression du second Empire avait, dans un esprit authentiquement libéral, accordé à la presse : pas de comparution immédiate, pas de détention préalable, délais de prescription raccourcis. Imaginez un instant les mêmes mesures annoncées par Sarkozy : tout ce que la France compte d’esprits libres serait aujourd’hui vent debout !
On dira que le racisme et l’antisémitisme ne sont pas des opinions, mais des délits. Sans doute. Mais, dans les faits, la distinction entre les deux n’est pas aussi claire. Quand on sait tout l’effort de l’islamisme depuis des années, en France, à l’étranger, à l’ONU, pour créer un délit de blasphème et de sacrilège envers les religions, on ne peut qu’être inquiet. Surtout si l’on ajoute que le président de la République lui-même s’est mis à employer le terme incongru et liberticide d’ « islamophobie », concession majeure au cléricalisme islamiste.
A plus forte raison quand le Premier ministre, intervenant dans un domaine qui n’est pas le sien, désigne à la réprobation publique des livres et des auteurs soupçonnés arbitrairement d’hostilité aux musulmans. On pense à Michel Onfray, et plus encore à Michel Houellebecq, qui au lendemain des attentats de janvier fit l’objet d’attaques hystériques dans la presse bien-pensante. Etrange, tout de même : au moment où la tentative islamiste de soumission de la France par la terreur se faisait jour, l’hypothèse romanesque d’une séduction par la douceur était jugée absurde, voire raciste ! S’il y eut jamais amalgame, c’est là qu’il faut le rechercher. Et dans le succès colossal du livre de Houellebecq (plus de 500 000 exemplaires vendus en trois mois !) s’exprime sans conteste la résistance silencieuse de la population, gauche et droite confondues, au conformisme des élites, qui n’ont en vérité qu’un programme : capituler en douce devant les pressions communautaristes.
On dira encore que, depuis quelques années, les actes racistes contre les juifs et les musulmans se sont multipliés, émanant parfois de ceux-là mêmes qui par ailleurs s’en proclament les victimes... C’est vrai. Mais la répression de la parole, fût-elle déviante, fût-elle haineuse, est une arme à double tranchant. En essayant de faire taire Dieudonné et de mettre un terme à ses odieuses provocations, on en a fait un martyr chez les jeunes musulmans. Seuls en vérité les régimes totalitaires ou dictatoriaux s’imaginent que, pour juguler une idée, un préjugé, une idéologie, il suffit d’en empêcher l’expression.
Chaque époque se fait une idée qui lui est propre du bien et du mal, et surtout du mal radical. [...]
Toutes ces formes de la morale sociale sont inexplicables en dehors de leur contexte historique. La tâche des partisans de la liberté peut être dans certains cas de combattre l’aveuglement de leur époque. Mais, dans tous les cas, elle est de s’opposer à la transformation de la morale dominante en un ordre moral qui la soumet toute entière à un arsenal légal. Dans un pays démocratique, le mal lui-même, ou plutôt ses auteurs, ont droit à des garanties juridiques. La loi que l’on nous présente n’est pas conforme à la tradition républicaine. J’appelle tous les républicains à la combattre."
Lire aussi "Liberté de la presse : halte au feu !" (SNJ, 13 av. 15) (note du CLR).
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