18 novembre 2020
[Les éléments de la revue de presse sont sélectionnés à titre informatif et ne reflètent pas nécessairement la position du Comité Laïcité République.]
"Enquête Le Collectif contre l’islamophobie en France (CCIF) pourrait être dissous ce mercredi 18 novembre en conseil des ministres. La Croix s’est plongée dans la rhétorique de cette organisation accusée de jouer le jeu du communautarisme et de l’islam politique.
Mélinée Le Priol.
Que reproche-t-on vraiment au Collectif contre l’islamophobie en France (CCIF), que le ministre de l’intérieur Gérald Darmanin a qualifié le 1er novembre d’« officine contre la République » avant d’annoncer sa dissolution « dans quinze jours », soit possiblement ce mercredi 18 novembre en conseil des ministres ?
Pour le comprendre, La Croix a déroulé, depuis le début 2020, le fil Twitter - suivi par plus de 60 000 internautes - de cette association créée en 2003 pour comptabiliser les actes antimusulmans et aider juridiquement les victimes. Restée confidentielle jusqu’à l’arrivée de son populaire porte-parole Marwan Muhammad en 2010, elle a notamment fait l’actualité en 2016, quand le Conseil d’État lui avait donné raison en suspendant un médiatique arrêté « anti-burkini », puis en novembre 2019, en co-organisant une marche contre l’islamophobie qui avait déchiré la gauche.
Indéniablement, une part importante de tweets du CCIF relève de l’assistance juridique à des musulmans victimes de discriminations : des hommes à qui l’employeur a reproché le port d’une barbe trop longue, par exemple, mais aussi et surtout des femmes à qui l’on a demandé de retirer leur voile.
« Les femmes voilées sont l’élément d’adhésion, le pivot de cette militance », analyse Isabelle Kersimon, autrice d’Islamophobie, la contre-enquête [1]. « En revanche, le CCIF ne s’intéresse pas aux musulmanes qui ne souhaitent pas porter le voile et subiraient pour cela des mauvais traitements, par exemple. » Pour cette journaliste, attaquée en diffamation par le CCIF et relaxée en juin 2019, l’association n’assure donc pas tant la défense des musulmans que celle de « l’islamité visible ». Les lois de 2004 sur les signes religieux à l’école et de 2010 sur le voile intégral, jugées « liberticides », font d’ailleurs partie de ses combats historiques.
Des conseils juridiques ? Pas seulement : des contentieux aussi, même si l’association (qui emploie une dizaine de personnes dont quatre juristes) dit résoudre la plupart de ses dossiers par médiation. Le fil Twitter du CCIF donne un bon aperçu des procès intentés par le collectif : contre le polémiste Éric Zemmour, le cofondateur du Printemps républicain Gilles Clavreul, mais aussi divers élus et intellectuels.
De tweet en tweet, on tombe immanquablement sur le rapport annuel recensant les « actes à caractère islamophobe ». Contrairement au ministère de l’intérieur et au Conseil français du culte musulman (CFCM), le CCIF comptabilise les agressions et menaces même en l’absence de plainte : soit 789 pour 2019 contre seulement 154 pour le gouvernement. Même la destruction d’un terrain de football dans une cité du Val-d’Oise est vue, le 8 juillet, comme le signe d’une « guerre contre les quartiers populaires et les musulmans ».
Dans une actualité marquée par la pandémie de Covid-19, les tweets du printemps 2020 pointent le regain d’islamophobie supposément favorisé par le confinement, avec des « contrôles discriminatoires » et une « augmentation de la haine en ligne ». Les discours présidentiels sur le séparatisme, sont scrutés avec circonspection, le CCIF y décelant une stratégie « guerrière » et « mafieuse », révélatrice d’une « islamophobie d’État ».
Pour Isabelle Kersimon, qui souligne en parallèle « la gravité des actes antimusulmans », tout cela participe de la fabrication d’un « paysage mental assiégé », assez « comparable avec le militantisme d’extrême-droite ».
À partir du 14 octobre, l’assassinat de Samuel Paty devant son collège des Yvelines s’invite évidemment sur le fil Twitter du CCIF. Mais si l’événement impose de « prendre le temps de la douleur et de la tristesse » (tweet du 16 octobre), il entraîne surtout, les jours suivants, une foule de messages indignés par les allégations d’implication du collectif dans cet attentat et par les appels répétés à sa dissolution.
Juridiquement, une telle dissolution s’annonce délicate - l’association pourrait poser des recours qui, s’ils étaient retenus, mettraient le gouvernement dans une situation inconfortable. « La contestation récurrente de la République en véhiculant l’idée d’une islamophobie d’État, ce n’est pas un argument suffisant pour dissoudre », affirme Gilles Clavreul, peu suspect de complaisance à l’égard du collectif. « Si le CCIF ne viole pas ouvertement la loi, puisqu’il ne fait jamais d’appel direct à la violence ou à la haine, il légitime - ou au minimum, maintient l’équivoque sur - des ennemis de la République, voire des djihadistes avérés. »
En cause notamment, selon ce haut fonctionnaire, le soutien du collectif, encore en juin 2014, à l’association Ana muslim, dont le prédicateur Adrien Guihal avait été condamné deux ans plus tôt pour un projet d’attentat terroriste, et qui a ensuite été le principal responsable de la propagande francophone de l’État islamique.
Suspectée de proximité avec les Frères musulmans, l’association se défend d’avoir le « moindre lien, ni idéologique ni organisationnel » avec la confrérie. « Dans les années 1990-2000, si on voulait militer pour le droit des musulmans en France, les milieux proches des Frères musulmans étaient le seul cadre existant », assure un président de mosquée de l’ouest parisien. « Alors bien sûr, les fondateurs du CCIF ont grandi sous l’aile de Tariq Ramadan, mais cela ne fait pas nécessairement d’eux des Frères. »
Cet associatif reproche en revanche au CCIF d’avoir voulu « influer sur le champ politique » en se rendant dans des mosquées et associations en amont d’élections législatives ou municipales (notamment en 2008) pour tenter de « faire émerger des candidats explicitement musulmans ». « Ce n’est pas notre rôle ! On incite seulement nos adhérents à aller voter », assure l’association, officiellement « apolitique et areligieuse ».
Si le CCIF est dissous, la bataille juridique sera, sans nul doute, âpre. Car ses militants ne sont pas du genre à renoncer : « Ne nous taisons pas », clame un slogan qu’aime à reprendre l’association, sur les réseaux.
Une association contestée par le gouvernement
Après l’attentat islamiste de Conflans-Sainte-Honorine (Yvelines) le 14 octobre, les regards se sont tournés vers le CCIF.
Le ministre de l’intérieur Gérald Darmanin l’a qualifié d’« officine contre la République », qui « invite des islamistes radicaux » et « ne condamne pas les attentats ». Il a assuré que le gouvernement disposait d’éléments permettant de proposer sa dissolution.
Le CCIF reconnaît avoir été saisi par le père de famille accusé d’avoir orchestré la campagne contre Samuel Paty sur Internet, mais assure n’avoir entamé « aucune action » faute d’avoir eu le temps de vérifier si cette affaire relevait de son champ de compétence.
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Lire "Contre l’islamophobie, les méthodes controversées du CCIF".
[1] Également fondatrice de l’Institut de recherche et d’étude sur les radicalités (INRER).
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