Tribune libre

Contraintes sanitaires : servitude volontaire ? (J. Servia)

par Jacques Servia, membre du Conseil d’administration du CLR. 17 mai 2021

[Les tribunes libres sont sélectionnées à titre informatif et ne reflètent pas nécessairement la position du Comité Laïcité République.]

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À l’idée de la servitude volontaire de La Boétie, nous pouvons opposer que si elle est volontaire, elle n’est plus servitude.

Ce qui laisserait à penser que les victimes ne sont pas innocentes, et pourtant ... elles le sont souvent, enchaînées, endormies assoupies dans la règle et la contrainte. Le rôle ténu des temps d’auparavant, des temps des secrets, des revanches, des rancœurs engourdissent les respirations et les aspirations.

À la pensée de la servitude , s’oppose l’idée de se tenir debout, de ne plus mettre un genou à terre.
Cette idée d’appauvrissement des esprits, au bénéfice du « trône et de l’autel » de l’enrôlement des hommes dans des cohortes de l’inutile et de la soumission doit nous faire frémir, penser et construire !

Frémir, s’étirer, se réveiller, détacher ses liens, briser ses chaînes et fers et bouger, bouger se lever pour l’autre, pour celui qui n’est pas encore libre ...

Cette idée de l’esclavage mondain d’Athènes, de l’esclavage concentrationnaire, de l’esclavage commerçant et triangulaire de Gorée , du servage royal et religieux, des cilices des trônes et des autels nous renvoie à l’idée de marcher à la conquête de l’esprit critique, de la liberté de conscience...

Et puis l’oubli de ce que nous sommes au profit de ce qui enchaîne, n’est ce pas l’image de cet ours qui tourna dans cette cage pendant des années, promené de cour des miracles en cour des miracles...
Et puis un jour, quand nous lui ouvrîmes la porte, exaltés que nous fûmes par notre geste, l’ours continua de tourner et de tourner dans sa cage...

L’idée même de la liberté, de la fracture des fers s’était enfuie.

La brise des grands espaces, l’enivrante odeur des grosses gouttes d’orage sur un sol asséché et assoiffé furent vaincues ainsi d’ailleurs que les sens qui nous habitent .

La vue s’arrêtait aux grilles de l’enfermement.

Le toucher et le goût de l’amour furent vaincus par la solitude.

L’ouïe ne s’était accoutumée volontairement qu’au Larsen continu des voix de ses maîtres dans la machine à distribuer des confiseries et dans la pensée unique. En abandonnant le vagabondage auditif, les rêves disparurent. L’idolâtrie et l’« asservissement panurgien » volontaire gagnèrent encore en chemin.

Le goût trouva ses papilles empâtées aux pennes et aux psalmodies asservies par les discours abscons d’une cour médiocre où les favoris et les gourgandines régnaient en suzerains.

Ainsi, nombreux sont ceux où celles qui parlent de résilience, du jour d’après, des réflexions à mener pour demain !
Mais si l’asservissement volontaire de l’ensemble ou presque des peuples nous interpellent, comment donner du grain à moudre à ceux qui n’ont plus de moulin pour faire de la farine, de l’huile, de l’amour et du partage, du nectar, du conceptuel ?

Hors les malades et celles et ceux qui se donnèrent à l’esprit républicain pour garantir la continuité du « faire ensemble », de l’envie de la vie , l’ "enfer sanitaire" ne fut pas l’enfer, les camps de la mort, les goulags, les prisons chinoises, l’esclavage, la misère, la famine.

L’asservissement volontaire c’est de croire que ce fut terrible, violent , tellement inouï que la résilience se distille dans des éléments langage inacceptables. Utiliser le mot résilience en ces temps est une escroquerie intellectuelle volontaire.

Devenir dramaturge pour exister, pour être un recours, un recours à l’incurie et l’impéritie créées par le même dramaturge ?

Faire croire à un lendemain chantant , d’autant plus chantant que la dramatisation de ces mots, de ces moments fut grandement réfléchie et appuyée.
La guerre, les guerriers, les héros ne créeront pas un événement au rendez-vous parce que les mots sont faux, volontairement faux.

La liberté involontaire n’existe pas plus que l’asservissement volontaire en ces temps de chien.
Il faut changer, ne pas aménager, il faut lutter et ne pas marcher seulement à l’ombre des vélos électriques verts et des productions bio.

Ne plus être asservis, c’est aller au-delà , bien au-delà du minimum déculpabilisant !

C’est changer les regards , tous les regards sur soi et sur les autres , c’est avoir été vivants, avant d’avoir entretenu le foyer l’athanor des humain(e)s.

Difficile voire impossible d’être un affranchi volontaire après avoir été un asservi volontaire...

Jacques Servia


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