Revue de presse

"Comment les salafistes avancent mosquées" (Le Canard enchaîné, 2 déc. 15)

10 décembre 2015

"DEPUIS le 13 novembre, les mosquées salafistes et intégristes rivalisent de communiqués d’indignation pour condamner les attentats. Difficile, pourtant, de donner Allah sans confession à ces bonnes âmes quand on découvre d’autres déclarations, bien plus guerrières ou fort alambiquées, faites précédemment par ces mêmes religieux. Une guerre sourde, mais parfois violente, avec menaces et coups de force, oppose les ultras aux musulmans pacifiques. Petite tournée dans ces lieux de prière pas très recueillis.

Trois jours avant d’être assigné à résidence, en vertu de l’état d’urgence, Mohamed Khattabi, l’imam salafiste de la mosquée Aïcha de Montpellier, a tenté de se refaire une virginité. Dans un prêche en français mis en ligne vendredi 20 novembre, le religieux tirait à boulets rouges contre les partisans de Daech, ces « chiens de l’enfer » .

Mais, le 13 novembre, jour des attentats, c’était un tout autre discours - en arabe, cette fois - que tenait l’imam. Il implorait Allah de « soutenir les moudjahidines partout ». Et de lancer cette diatribe : « Ils veulent nous contrôler pour que nous ne nous réveillions pas de notre sommeil, car le musulman est un géant endormi et, s’il se réveille, malheur à celui qui se trouve dans les parages. »

D’autres patrons de mosquées salafistes s’adonnent aux joies du double discours. Ainsi, à Roubaix, après l’arrestation de Mehdi Nemmouche (un jeune originaire de la ville et auteur de la tuerie du Musée juif de Bruxelles), un responsable de la mosquée Abou Bakr Essedik s’était un peu énervé : « Est-ce qu’on doit encore répéter que l’islam n’a rien à voir avec ça ? » (« La Voix du Nord », 3/6/14). Pourtant, un an plus tard, sa mosquée accueillait un excité : un cheikh saoudien interdit de séjour sur le territoire « en raison de ses prêches islamiques radicaux ». Il a pu vitupérer devant 1 500 fidèles, comme l’a révélé « Le Canard » (20/5).

Quand les sermons ne suffisent plus, certains de ces joyeux drilles passent aux arguments frappants. A Lunel (Hérault), l’imam Elhaj Benasseur, qui avait fermement condamné le départ pour la Syrie de quelques-uns de ses paroissiens, s’est vu menacé par deux djihadistes qui voulaient « tabasser à l’agonie ses trois enfants » (sic).

Depuis, il a obtenu la condamnation des (complètement) fous d’Allah, mais il n’en a pas moins été contraint de quitter la ville cet automne. Quelques furieux ont même tenté de prendre le contrôle de la mosquée, dont la construction a été financée, semble-t-il, par le Qatar. Finalement, sur les conseils du préfet, l’association des fidèles a pu verrouiller juridiquement ses statuts et élire, le 1er novembre, un président d’ouverture. Ouf...

A Montpellier, un autre imam, Farid Darrouf, a dû plier bagage pour échapper aux menaces qui visaient sa famille. En 2013, ce religieux progressiste avait osé prendre la place occupée jusqu’alors par l’imam Mohàmed Khattabi à la mosquée de La Paillade...

Longtemps cette chasse à l’homme contre les modernistes a été couverte par le silence gêné de la communauté musulmane, qui répugnait à voir les kouffar (mécréants) se mêler de leurs affaires religieuses. Et, dans ces conditions, il était difficile pour les élus locaux d’y voir clair.

A Gennevilliers (Hauts-de-Seine), la municipalité communiste a soutenu la création d’un nouveau lieu de culte, inauguré en 2011. L’édifice est géré par une association légaliste et républicaine. En revanche, des salafistes ont profité du déménagement pour squatter l’ancienne mosquée du port, qui devait être détruite. Pour éviter les polémiques, les autorités ont préféré laisser faire. Jusqu’au 23 novembre, quand, au nom de l’état d’urgence, la police a pu débouler pour perquisitionner et fermer les lieux.

Un certain bazar règne également sur la scène musulmane parisienne, sans que l’on sache très bien qui est modéré et qui est extrémiste. Officiellement, la capitale ne compte qu’une demi-douzaine de mosquées. Mais d’inextricables querelles de minaret bloquent les projets.

Ainsi, la reconstruction de la mosquée de la rue de Tanger - réputée, naguère, pour être un nid d’islamistes - se fait attendre depuis dix ans. Pendant que deux associations rivales se battent comme des chiffonniers, sur fond d’accusations de malversations, les fidèles en sont réduits à prier dans des hangars provisoires. Et des sectes islamistes en profitent pour draguer les paroissiens esseulés ...

Le trop-plein de pratiquants se déverse dans près de 70 salles de prière au statut incertain. Une cinquantaine de lieux de culte se sont ainsi implantés dans des foyers de travailleurs migrants. Qui se retrouvent de facto transformés en mosquées de quartier, comme le relève une étude réalisée en 2010 par l’Atelier parisien d’urbanisme (lié à la Mairie).

Cette situation oblige parfois les associations d’alphabétisation à déménager dans d’autres lieux (réfectoires, hangars ... ), voire à émigrer à l’extérieur des locaux. Sans que personne semble s’en émouvoir..."


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