23 décembre 2020
[Les éléments de la revue de presse sont sélectionnés à titre informatif et ne reflètent pas nécessairement la position du Comité Laïcité République.]
"La vague écologiste aux élections municipales de juin 2020 a permis de mettre au jour un phénomène encore méconnu et peu étudié : la forte présence de chrétiens parmi les militants écologistes depuis les années 1970.
[...] Faucheur volontaire d’OGM, tête de liste écologiste aux municipales de Pontarlier (Doubs) en 2008 et membre du conseil fédéral d’Europe Écologie-Les Verts (EELV), [...] François Mandil fréquente depuis vingt ans ces deux univers très codés que sont l’écologie politique et les mouvements catholiques. Deux univers qu’un observateur hâtif pourrait juger très éloignés : libertaires contre conservateurs, transgressifs contre moralistes, activistes contre contemplatifs. Et pourtant…
Alors que François Mandil fait défiler les contacts de son smartphone à la recherche de profils similaires au sien, un constat le surprend : la liste est bien plus longue qu’il ne le pensait ! L’égrenage des noms et CV de croyants, cadres d’EELV, dure de longues minutes. Ils sont à des postes-clés dans nombre de collectivités locales, et certaines commissions nationales du mouvement en regorgent.
Sa surprise a d’ailleurs été partagée dans des travaux récents. Docteure en sociologie et en science politique, Vanessa Jérôme introduit ainsi sa thèse, soutenue en 2014 sur la sociologie politique chez les Verts : « Nous avons découvert la présence prépondérante d’(ex)-catholiques et de plusieurs générations distinctes de soixante-huitards. » Une découverte remarquée aussi par Ludovic Bertina, docteur en science politique, observateur avisé des catholiques « convertis » à l’écologie : « Le croisement de l’écologie et du catholicisme est resté un sujet très peu étudié. »
Le sujet commence cependant à être mis en lumière par les cadres d’EELV. Le maire de Bordeaux, Pierre Hurmic, revendique haut et fort sa foi catholique. La maire de Poitiers, Léonore Moncond’huy, reconnaît la place importante du scoutisme protestant (éclaireurs unionistes) dans sa vie.
Le premier magistrat de Grenoble, Éric Piolle, affirme être en même temps non croyant et présent à la messe du dimanche aux côtés de sa femme catholique. Les trois anciens patrons d’EELV, Cécile Duflot, Gilles Lemaire et Jean-Luc Benhamias, ont évoqué leur passage formateur respectivement à la Jeunesse ouvrière chrétienne (JOC), la Jeunesse étudiante chrétienne (JEC) et aux éclaireurs unionistes. Les ex-députés européens et ex-candidats à la présidentielle, les écologistes José Bové et Noël Mamère, non croyants tous deux, ont souligné l’influence majeure des théologiens protestants Jacques Ellul et Bernard Charbonneau sur leur pensée politique. [...]
Le solide compagnonnage entre écologistes et chrétiens peut s’expliquer en premier lieu par des préoccupations communes, au premier rang desquelles la préservation de la nature. Si l’Église catholique a longtemps été accusée d’anthropocentrisme (Lynn White Jr), ses textes fondateurs peuvent aussi se lire dans le sens d’une éthique environnementaliste (John Baird Calicott). Une figure tel saint François d’Assise, qui évoque le soleil et les oiseaux comme ses « frères », en est l’illustration.
En 2015, la publication de l’encyclique Laudato si’ du pape François a mis un terme à toute ambiguïté. Ce texte dénonce un « anthropocentrisme despotique » et rejoint de nombreuses analyses d’EELV et d’ONG environnementalistes sur les causes de la crise climatique, économiques notamment.
Dans les années 1960 et 1970, d’autres sujets ont scellé une sorte d’alliance entre militants chrétiens et écologistes : le pacifisme, le tiers-mondisme, l’opposition au nucléaire, des formes de vie communautaires… L’occupation du Larzac de 1971 à 1981, pour dénoncer l’extension d’un camp militaire et l’expropriation de cent trois paysans, « fondatrice de l’identité des mobilisations écologistes françaises », selon la politiste Sylvie Ollitrault, en a sans doute opéré la synthèse la plus flagrante.
« J’ai découvert l’Évangile en même temps que le Larzac », raconte François Vaillant, rédacteur en chef de la revue Alternative non violente, adhérent d’EELV depuis vingt-cinq ans et ancien frère dominicain. C’est aussi sur le Larzac qu’un jeune réfractaire au service militaire, José Bové, a été accueilli par deux catholiques qui ont marqué son parcours : Bernard Lambert, fondateur en 1981 de l’ancêtre de la Confédération paysanne, et Robert Pirault, prêtre-ouvrier franciscain. [...]
Au-delà des thématiques partagées, ce sont aussi les pratiques d’EELV qui séduisent les chrétiens. Basées sur une liberté de conscience et de parole, elles contrastent avec la forte discipline en vigueur dans les autres partis de gauche. « Je n’ai jamais eu aucun mal à dire que j’étais à l’aumônerie catholique quand je suis entré chez les Verts », se souvient Olivier Longeon.
« On critique souvent EELV parce que c’est un parti ingérable avec plein de courants et de points de vue, mais je n’ai jamais considéré cela comme un défaut, souligne François Vaillant. C’est un mouvement vraiment démocratique qui respecte chacun et qui a démontré qu’il savait aussi gérer des villes ou des ministères. »
Un mot revient souvent pour décrire ce fonctionnement : consensus. « On retrouve à EELV une caractéristique très présente dans les mouvements catholiques qui laissent chacun s’exprimer et demandent à tous d’écouter, confirme Olivier Longeon. On m’a beaucoup critiqué quand je suis devenu secrétaire départemental des Verts car j’avais tendance à faire dix-huit tours de table avant de prendre une décision ! » [...]
Enfin, ce qui rapproche écologistes et chrétiens, ce sont aussi quelques grandes figures. L’une d’elles revient souvent : Théodore Monod. [...] D’autres croyants sont très présents dans les bibliothèques vertes : Ivan Illich, prêtre catholique et philosophe autrichien, auteur, entre autres, d’Une société sans école ; Lanza del Vasto, philosophe catholique italien, militant non violent fondateur des communautés de l’Arche ; et les théologiens protestants Jacques Ellul et Bernard Charbonneau [...]."
Lire "Comment le christianisme influence l’écologie politique".
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