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Peu connu du grand public, Claude Albagli est enseignant, chercheur, directeur de collection aux éditions de l’Harmattan et membre de l’Académie des sciences de Roumanie. Il a publié de nombreux ouvrages sur les différents problèmes du développement tels Les sept scénarios du nouveau monde ou Corée du sud, le modèle et la crise. Il est aussi président du Cedimes, organisme dédié à la pensée du développement et à la mondialisation, rattaché à l’université Paris- est qui dispose d’antennes dans 34 pays.

Cet ouvrage commence par une préface de Jean Pierre Raffarin, grand connaisseur de la Chine et d’un avant-propos du professeur Zhan Su, spécialiste de la politique chinoise à l’Université Laval du Québec. Tous deux confortant l’analyse de l’auteur dans sa description de la réalité du projet chinois.

Cette description est une démonstration implacable de la pensée chinoise, tournée vers le long terme. Elle n’a rien à voir avec celle des pays occidentaux et tout particulièrement de la dialectique marxiste. Son nom réel est Belt and Road Initiative (BRI) et n’est rien d’autre que le mise en place progressive d’un projet de domination mondiale. Face aux crises récurrentes de l’occident, dont la plus récente est celle de 2008, nous voyons pour la première fois depuis un demi-millénaire qu’un nouvel élan planétaire n’est pas conduit par un pays occidental.

Cette fois, le pays le plus peuplé de la terre se projette sur le globe et offre son parcours en modèle. Mille et une routes, voies ferrées et aussi maritimes vont irriguer le monde. Et ce sont les Américains et les Européens qui, par leurs gigantesques déficits commerciaux, ont permis l’accumulation d’une cagnotte colossale pour financer leurs équipements. En clair, le système capitaliste à sciemment organisé le risque de sa propre dépendance.

Car les enjeux stratégiques sont immenses. C’est une véritable toile en trois cercles concentriques que la Chine va tracer autour du globe.

Le premier concerne les routes asiatiques, il passe par le Vietnam via l’ancienne Saïgon et par le Laos et la Birmanie jusqu’à Singapour et l’Océan indien. Il utilise le corridor pakistanais pour faire passer ses pipelines d’Asie centrale, mais aussi l’Axe sibérien du grand voisin russe.

Le second reprend les routes historiques, par les couloirs ferroviaires eurasiatiques, La ceinture russe puis la fourche méditerranéenne vers le Pirée, Gênes et Trieste.

Le troisième concerne les routes intercontinentales, la route polaire, pleine de promesses, l’Amérique latine avec un contre-Panama nicaraguayen et la voie amazonienne bi-océanique. L’Afrique est abordée par différentes voies, de la tête de pont djiboutienne à la bretelle australe par l’Angola.

L’auteur nous offre un texte particulièrement bien renseigné et argumenté. Il ne nous plonge pas dans une projection sur l’avenir mais dans une situation bien réelle et déjà largement mise en œuvre. Etranglée et méprisée par l’Europe, la Grèce n’a eu d’autre choix que de céder certains de ses plus beaux joyaux, comme le port du Pirée aujourd’hui géré par la Chine. Le même problème s’est posé à l’Italie. La France a connu quelques désillusions avec la vente d’aéroports. En Afrique, plusieurs pays ayant vu l’investissement chinois en sauveur se retrouvent étranglés par la dette et sans aucun moyen de résistance. Dans son aveuglement et sa recherche du profit à court terme, c’est tout l’Occident qui se trouve en situation de dépendance. Sans la Chine, plus de médicaments, plus de téléphones portables, plus d’ordinateurs, plus de masques contre l’épidémie etc. On nous parle aujourd’hui de relocalisation.

Essentiel pour dessiller les yeux des moins informés et des plus naïfs, ce livre se lit comme un roman.

Gérard Durand