24 novembre 2012
"Inconnu il y a encore un an, l’institut Civitas est entré à coup d’actions chocs dans le champ médiatique. L’association catholique traditionaliste, proche de mouvances d’extrême-droite, s’était fait remarquer en avril 2011 en menant la campagne de protestation contre l’exposition de la photographie de l’artiste américain Andres Serrano, Immersion (Piss Christ), (représentant un crucifix dans un bain d’urine et de sang). En octobre de la même année, Civitas avait manifesté bruyamment, voire avec une agressivité menaçante, contre la pièce de Romeo Castellucci Sur le concept du visage du fils de Dieu, et en décembre contre celle de Rodrigo Garcia Golgota Picnic, jugée blasphématoire par la communauté catholique intégriste.
Dimanche, l’association type loi 1901 avait appelé à manifester contre le mariage homosexuel à Paris aux cris de « Oui à la famille, non à l’homofolie ». La marche a fait la Une des médias avec des images de militantes féministes des Femen, et de la journaliste Caroline Fourest, brutalisées, poursuivies, frappées au sol par certains participants - de grands costauds aux cheveux très courts.
Selon le blog Droites Extrêmes, tenu par deux journalistes du Monde, spécialistes des « populismes de droite », la manifestation a été l’occasion d’une « grande réunion des familles de l’extrême droite » française. Parmi les participants - 18 000 selon les organisateurs, moitié moins selon police – certains étaient des membres, venus à titre personnel, de formations comme l’Action Française, le Renouveau Français, la Renaissance catholique, l’Alliance Royaliste, ou encore le GUD, le Bloc identitaire, les Jeunesses nationalistes. [...]
L’association née « autour des années 2000 » est héritière de la Cité Catholique fondée au lendemain de la Seconde Guerre mondiale par Jean Ousset, selon une enquête de La Croix. Contre-révolutionnaire, disciple du nationaliste Maurras, membre de la « Jeune légion » de Vichy sous Pétain, Jean Ousset et son association avaient pour but de former des cadres catholiques capables d’investir le débat politique et social, en vue d’une renaissance d’une société en perdition, selon la sémantique catholique traditionaliste.
Issu d’un schisme au sein de Cité Catholique, Civitas n’a pas d’autres buts que de « parvenir à influencer des décisions politiques afin qu’elles soient prises selon un prisme catholique », explique Alain Escada, qui ne veut adjoindre aucun qualificatif à catholique.
L’institut Civitas est pourtant très proche de la Fraternité Sacerdotale de Saint-Pie X (FSSPX). Nommée d’après le pape antimoderniste du début du XXe siècle, la société de prêtres catholiques fondée par l’intégriste Monseigneur Lefebvre (proche d’Ousset) forme le clergé de la communauté française des catholiques traditionalistes.
La société, qui occupe de force son principal lieu de culte depuis 1977, l’Eglise Saint-Nicolas-du-Chardonnet dans le Ve arrondissement de Paris, est toujours en rupture avec Rome depuis son refus de Vatican II, le concile de modernisation de l’Église.
Officiellement, Civitas et la FSSPX ne sont pas liées, mais sont très proches. « Civitas a des aumôneries, et nous avons toujours confiés nos aumôneries à des prêtres de la FSSPX », reconnaît Alain Escada, avant d’assurer : « Nos rôles et nos objectifs ne sont pas les mêmes, nous ne sommes pas un œuvre religieuse, nous sommes une œuvre politique catholique ».
Si selon son président, Civitas n’a « pas l’ambition de devenir un parti ni de s’affilier à une formation particulière, l’association a bel et bien une ambition politique, avec en ligne de mire les prochaines municipales. « Il n’y aura pas de liste Civitas, mais nous encourageons les catholiques et plus particulièrement nos adhérents à ses présenter aux élections de 2014 ». Le mort d’ordre est de privilégier les petites communes, avec ou sans étiquettes, pas même celle de l’institut. Les candidats n’ont « pas à se réclamer de Civitas », explique son président. « Le but étant que nous ayons des catholiques qui prennent des responsabilités en politique ».
Dans son œuvre de lobbying - Alain Escada préfère le terme de « groupe d’influence » - Civitas cherche à « s’opposer à des projets de lois qui vont dans le mauvais sens, et soutenir ceux qui vont dans le bon sens », comme « celui de François Hollande d’inscrire la loi de 1905 dans la constitution », assume le président, interrogé sur la laïcité. Le but est de « chercher à influencer les décisions politiques, en matière de famille, de morale », comme sur le mariage homosexuel.
Au lendemain de la manifestation qui a réuni samedi une centaine de milliers de personnes en France pour protester contre la loi, une autre marche a eu lieu dans le centre de Paris, à l’appel de Civitas. Elle était en réalité la première. « D’autres personnes ont estimé devoir faire leur propre manifestation », confirme Alain Escada, en cherchant pour une fois ses mots pour expliquer que les manifestants de la « Manif pour tous » ne voulaient pas se retrouver avec les siens. « Le message n’était pas le même. Quand les organisateurs de samedi disent tout à la fois appeler à marcher contre le mariage homosexuel et contre l’homophobie, nous considérons que c’est une erreur de communication et que c’est totalement antinomique, parce que le concept d’homophobie a été créé par le lobby homosexuel pour disqualifier ses opposants ».
« L’expression même du ‘mariage pour tous’ symbolise la volonté d’enlever toute règlementation autour du mariage. Si le mariage n’est plus que sur la base de l’amour, sans plus aucune réglementation, qu’est ce qui va empêcher que l’on verse dans d’autres folies, comme le mariage polygame ou incestueux », explique Alain Escada, prenant l’exemple de cette demande de mariage entre une grand-mère et son petit-fils en Australie.
L’Australie a beau avoir justement refusé le mariage homosexuel, le patron de Civitas y voit la conséquence de la remise en cause du mariage qui entrainera des « bouleversements catastrophiques » - terme qui n’est pas sans rappeler la sémantique catholique traditionaliste.
Alain Escada avance ensuite l’argument de la structure familiale dans la société - similaire à celui que l’on a opposé au divorce. « Il ne faut pas être grand spécialiste pour voir que les enfants de divorcés sont prêt à témoigner à quel point cela les a marqués et pas dans le bon sens », répond-il. Les enfants de divorcés jugeront.
Quand on souligne que justement, le mariage serait pour les homosexuels le moyen de fonder une famille, il récuse : « Ils veulent former une communauté qui n’est pas une famille selon la norme, ils dérogent à la norme ».
Concernant l’adoption, Alain Escada cite l’étude de Mark Regnerus, sur 3000 personnes de 18 à 39, dont 248 ayant des eu des parents homosexuels, et dont il ressort que ces derniers auraient connu plus de problèmes – psychologiques, professionnels… Le travail de cet universitaire texan, catholique, est l’argument majeur des opposants à l’homoparentalité. Financée par le Witherspoon Institute, un « think tank » conservateur opposé au mariage homosexuel, l’étude a été en partie critiquée sur sa méthode - selon le « New York Times ». Le résultat a été nuancé par son propre auteur qui a estimé que le manque de soutien aux familles homoparentales pouvait expliquer en partie les résultats - rappelle le « Daily Mail ». Le professeur texan a en outre souligné qu’il « était certainement exact d’affirmer que l’orientation sexuelle ou le comportement sexuel des parents n’ont rien à voir avec la capacité d’être un parent bon et efficace »."
Comité Laïcité République
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