3 juillet 2012
"C’est bien parce qu’il a fédéré la « coalition arc-en-ciel » rêvée par Olivier Ferrand que François Hollande a gagné. Mais il faut ajouter que la « ligne Terra Nova » est en quelque sorte la face cachée de la « stratégie Buisson », puisque l’une et l’autre prennent symétriquement en compte, à partir de ses rives respectives, la fracture identitaire et culturelle qui traverse la société. D’ailleurs, en observant la campagne des deux principaux candidats, on voyait bien que leurs stratégies ne cessaient de s’alimenter mutuellement : à la focalisation sur les musulmans correspondait la fascisation par la gauche du discours de Sarkozy − que Mélenchon a traité de « petit Blanc raciste » tandis qu’Axel Kahn comparait le meeting du Trocadéro à ceux… de Nuremberg ! Peu de commentateurs ont repéré le saisissant jeu de miroirs droite/gauche dans lequel le discours sur l’« halalisation » de la société française répondait au discours sur sa fascisation. Ces deux campagnes négatives étaient donc porteuses de messages subliminaux complémentaires et opposés : « voter à gauche », c’est soutenir l’islamisation et la disparition de notre nation, d’un côté ; et « voter à droite », c’est voter raciste, voire antimusulman de l’autre.
Il faut croire que le deuxième a plus porté que le premier, donc que la France redoute plus le racisme que l’islam…
En réalité, ces deux stratégies ont parfaitement fonctionné ! Sarkozy a atteint un score inespéré, notamment parce qu’il a attiré au second tour une majorité de l’électorat frontiste, majorité plus courte qu’en 2007, d’où son échec final, mais majorité tout de même. De son côté, Hollande a réalisé des scores exceptionnels dans les Dom-Tom, les banlieues et au sein de la communauté musulmane. Cela signifie qu’indépendamment de toute préférence axiologique (pro ou anti-immigration, islamophile ou islamophobe), les discours identitaires parlent aux Français de toutes origines, notamment dans les milieux populaires.
Et même aux « prolos », d’ailleurs, puisque l’inexorable déclin du PS chez les ouvriers, entamé il y a vingt-cinq ans, semble avoir été enrayé. Il semble d’ailleurs que François Hollande partage une partie de vos analyses. En s’engageant, entre les deux tours, à réduire l’immigration de travail, le futur « président normal » n’a-t-il pas voulu courtiser l’électorat « identitaire » ?
Hollande a parfaitement compris les préoccupations des classes populaires, notamment de la classe ouvrière, concernant l’immigration. C’est pourquoi il a sensiblement fait évoluer le discours de la gauche sur la question en précisant qu’il fallait réduire l’immigration économique en temps de crise, mais aussi en concédant pour la première fois que 200 000 étrangers entraient légalement chaque année sur le territoire. Il a également, très discrètement − et très habilement − enterré le droit de vote des étrangers aux élections locales en expliquant, au cours du débat d’entre deux tours, qu’il devrait être adopté par trois cinquièmes des parlementaires ou soumis à référendum1], ce qui signifie que la mesure est repoussée à la Saint-Glinglin. Pour répondre à votre question, je dirais qu’Hollande a compris les revendications populaires, mais qu’il reste prisonnier d’un électorat toujours largement acquis au multiculturalisme."
Comité Laïcité République
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