Revue de presse

Christophe Deloire (RSF) : "Pour le droit de tout dire" (Le Monde, 21 sept. 12)

Par Christophe Deloire, directeur général de Reporters sans frontières 23 septembre 2012

[Les éléments de la Revue de presse sont sélectionnés à titre informatif et ne reflètent pas nécessairement la position du Comité Laïcité République.]

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Lire "Pour le droit de tout dire".

"Les dirigeants politiques et les responsables religieux sont-ils obligés d’imputer la responsabilité des violences à l’auteur d’un navet foutraque, L’Innocence des musulmans, comme pour accorder des circonstances atténuantes à l’ire des intégristes ? Doivent-ils dénoncer comme une "provocation" l’initiative de Charlie Hebdo de publier des caricatures ? Devant l’embrasement, des paroles d’apaisement ont été prononcées. Regretter les "excès de la liberté d’expression" est peut-être avisé sur le plan tactique. A long terme, c’est un danger pour la liberté de l’information, condition de l’épanouissement politique, économique et social.

En 2011, le propriétaire d’un journal pakistanais était abattu pour s’être opposé à la loi sur le blasphème. Au Bangladesh et en Afghanistan, des journalistes ont été menacés ou emprisonnés pour les mêmes raisons. Faisons en sorte de n’être pas forcés de considérer demain comme "provocateur" un journaliste dont le travail aura déclenché les foudres intégristes.

Que devient une liberté que l’on s’interdit d’exercer ? Ceux-là mêmes qui se montrent si blessés, si sensibles, ne sont guère respectueux des croyances d’autrui et des vérités factuelles. Si chacun impose ses interdits, les journalistes en seront réduits à commenter la météo.

En 2010, Reporters sans frontières se déclarait préoccupée par la résolution contre la "diffamation des religions" votée au Conseil des droits de l’homme des Nations unies. Par bonheur, l’Assemblée générale de l’ONU a décidé jusqu’ici de traiter l’intolérance religieuse par d’autres moyens. Car les sectateurs du crime de blasphème ne désarment pas. En Tunisie, la version de la Constitution en cours de discussion criminalise l’atteinte au sacré. [...]

Au-delà de la question du blasphème, une coalition hétéroclite plaide à l’échelle mondiale en faveur d’un resserrement de la liberté sous couvert de "défense des valeurs traditionnelles". Le 14 septembre 2011, la Russie, la Chine, l’Ouzbékistan et le Tadjikistan déposaient, à l’ONU, une proposition de résolution en faveur d’un "code de conduite pour la sécurité de l’information" au nom de la diversité culturelle et historique. Au Conseil des droits de l’homme, le rapporteur russe a poussé les positions les plus rétrogrades, telle la soumission de toutes les normes internationales à des "valeurs traditionnelles". [...]

Faut-il rappeler ici la condamnation à deux ans de camp de travail des Pussy Riot au nom de "l’incitation à la haine religieuse" ? La poussée politique (diplomatique) menée par la Russie, la Chine, l’Organisation de la conférence islamique et des Etats d’Asie centrale, renforcée par la violence de groupuscules islamistes, est inquiétante. Nous ne signifions pas que l’Occident aurait une vision du monde plus lucide et équilibrée que le reste du monde. [...]

La liberté d’expression, et d’information, est un principe universel. Si je l’exige pour moi, je la veux pour autrui. Si je la refuse à autrui, il la récusera pour moi. Que personne ne sache s’en servir à la perfection, sans doute. Mais prêtons attention à ce que les serviteurs des doctrines imposées de la propagande ne finissent pas, à force de pressions et d’astuces à tous les niveaux, par rogner l’article 19 de la Déclaration universelle des droits de l’homme, qui précise que chacun a le droit de chercher, de recevoir et de répandre les informations, sans considérations de frontières."


Repères

Dans la nuit du 11 au 12 septembre, à Benghazi (Libye), une manifestation contre un film anti-islam, L’Innocence des musulmans, coûte la vie à l’ambassadeur américain, Christopher Stevens, ainsi qu’à un agent, tué par balles, à l’intérieur du consulat assiégé par les manifestants ; quatre heures plus tard, deux hommes de la sécurité américaine sont tués par balles.

Mercredi 19 septembre, l’hebdomadaire satirique Charlie Hebdo publie sur plusieurs pages des caricatures du prophète Mahomet. Le Conseil français du culte musulman (CFCM) exprime sa "profonde consternation" face à ce qu’il estime des pages "insultantes à l’égard du Prophète de l’islam" tout en appelant les musulmans à ne pas céder à la provocation."


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