(G. Tabard, Le Figaro, 1er juil. 24) 1er juillet 2024
[Les éléments de la Revue de presse sont sélectionnés à titre informatif et ne reflètent pas nécessairement la position du Comité Laïcité République.]
Lire "Cette transformation du Rassemblement National qu’Emmanuel Macron n’a pas su voir".
"Maigre consolation pour Emmanuel Macron. Sa dissolution a provoqué un sursaut civique chez les Français qui n’avaient jamais été aussi nombreux à voter aux législatives depuis 1997. Mais ce sursaut s’est fait contre lui.
Au soir de ce premier tour, le bilan du macronisme, c’est donc l’affaissement de ce grand courant central qu’il était fier d’avoir imposé il y a sept ans. Cette force nouvelle, majoritaire en 2017, encore dominante en 2022, est reléguée en troisième position. Dans un très grand nombre de circonscriptions, elle en est réduite à se demander à qui faire barrage ou qui faire élire dimanche prochain. Amer dilemme.
Deux « extrêmes »
Plus fondamentalement encore, le macronisme, dans son projet fondateur, se voulait porteur de réconciliation entre les Français, d’apaisement de la société et de dépassement des clivages, à commencer par le vieux clivage gauche-droite dans lequel le chef de l’État voyait, et non sans fondement, une source de blocage du pays. Quel paysage que celui de la France de cet été 2024 ! Jamais elle n’a été à ce point fracturée ; c’est d’ailleurs Macron lui-même qui a évoqué le risque de « guerre civile » en cas de victoire de ses adversaires.
Surtout, le nouveau clivage qui dominera la future Assemblée nationale se fait sur des bases infiniment plus tranchées que l’ancien. D’aucuns diront plus radicales, d’autres plus extrémistes. En tout cas plus brutales. C’est exactement l’inverse de ce que Macron avait désiré et promis. Jusqu’aux dernières minutes, le camp macroniste aura fait campagne sur la peur symétrique de deux « extrêmes », hâtivement et paresseusement rejetés en dehors du camp « républicain ». Mais la peur du RN ou la peur du Nouveau Front populaire n’ont pas pesé suffisamment face à la volonté de sanctionner un président en place, « coupable » non pas de son style de gouvernement, mais de l’insuffisance flagrante de résultats.
Le camp présidentiel n’a pas vu venir le réveil militant de la gauche qui, en voix, s’impose comme la deuxième force politique du pays. Mais le grand enseignement de ces législatives de l’été 2024, c’est qu’Emmanuel Macron n’a su ni endiguer la progression du Rassemblement national, ni comprendre la profondeur de sa mue. Sous les quinquennats de Nicolas Sarkozy et de François Hollande, c’est-à-dire de 2007 à 2017, le parti lepéniste a gagné près de dix points. Sous le septennat macronien, il en a gagné le double, dont plus de quinze points en deux ans seulement, de 2022 à aujourd’hui.
Le RN a radicalement changé, dans sa géographie et dans sa sociologie. Comme le PS ou l’UMP en leur temps, le parti « épouvantail » est devenu le parti le plus représentatif de toute la population française. Comment croire qu’il suffisait de reprendre le vieux logiciel usé à force d’avoir trop servi contre le FN d’antan pour conjurer une véritable vague ? Continuer à ne voir dans les bulletins RN qu’un vote de colère, de protestation ou de défoulement était un contresens. Pour les Français de 2024, le parti de Jordan Bardella est un parti de gouvernement. Désormais à deux doigts de se frotter à l’exercice des responsabilités. Emmanuel Macron qui se croyait assuré d’incarner le vote « raisonnable » a fait le 9 juin un pari déraisonnable. Il le paie trois semaines plus tard au prix fort."
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