25 juin 2022
[Les éléments de la revue de presse sont sélectionnés à titre informatif et ne reflètent pas nécessairement la position du Comité Laïcité République.]
"« Gilet jaune » qui vote Macron, jeune loup de la finance qui vote Le Pen, fils d’immigrés maghrébins qui vote Zemmour… Juste avant les législatives, « Marianne » a interrogé cinq types d’électeurs incongrus. Âgés de 24 à 42 ans, ces votants écartelés entre leur origine sociale et leurs idées politiques disent quelque chose de notre époque. Leur choix à la présidentielle s’apparente à un numéro d’équilibriste. Au point que, pour certains, le bulletin électoral a une odeur de trahison…
Comment les qualifier ? Ovnis ? Anomalies statistiques ? Trous noirs de l’analyse électorale ? À la veille du second tour des législatives qui devraient changer le visage de l’Assemblée nationale, Marianne a voulu se pencher sur une catégorie atypique d’électeurs, peu mise en avant, émergente. Ce sont ces cadres dans la finance qui votent Marine Le Pen ; ces « gilets jaunes » qui votent Emmanuel Macron ; ces enfants de l’immigration maghrébine qui votent Éric Zemmour… Des électeurs « dissonants » qui, s’ils ne représentent qu’une maigre proportion du corps électoral, font à eux seuls mentir les expertises guindées faisant de Zemmour le candidat des « Français de souche » ou de Le Pen celle des ouvriers et petits commerçants… [...]
Bienvenue chez les électeurs honteux. « Ce phénomène a toujours existé mais il se développe » observe Pascal Perrineau, professeur émérite des universités à Sciences-Po Paris et spécialiste en sociologie électorale. « Dans les années 1950, il existait un vote communiste honteux. Dès que l’on n’était pas du milieu ouvrier et que l’on votait communiste, on avait du mal à le dire : on était considéré comme favorable à Moscou et à Staline. Ensuite, on a eu un vote FN honteux. Tellement stigmatisé, tellement traité de raciste, que l’électeur taisait son vote. » De tels spécimens de votants qui culpabilisent, vous en trouverez dans notre panorama qui suit, notamment parmi ceux qui ont voté utile pour Mélenchon ou Le Pen…
Ce n’est pas seulement qu’ils sont totalement déphasés avec leurs parents et/ou leurs proches : c’est aussi qu’ils semblent voter contre leurs propres intérêts et leur classe sociale. Pourquoi le cadre d’une filiale du CAC 40 préférerait-il Mélenchon, qui, élu, le taxerait davantage ? Pourquoi un représentant de la France en colère se prononcerait-il pour le « candidat des riches » ? Aux yeux de Pascal Perrineau, la grande volatilité de ces électeurs est surtout la conséquence d’une « crise des grandes affiliations idéologiques ». « Jadis, il existait un vote de classe. Les paysans à droite. Les curés à droite. Les ouvriers à gauche. Les fonctionnaires à gauche. C’est de moins en moins vrai », note-t-il. Car, dans les têtes, la frontière droite/gauche se brouille ; les repères idéologiques et sociaux traditionnels fondent. On vote de plus en plus rarement « en famille » ou « selon les régions ». Les liens familiaux se sont distendus, et si, jadis, on disait encore du Limousin qu’il était « rouge » (communiste) et de la Vendée qu’elle était « blanche » (catholique de droite), aujourd’hui, on naît dans une région et on travaille dans une autre.
Ce diagnostic est connu. Mais on n’en a pas encore mesuré toutes les conséquences. Selon Perrineau, ces électeurs dissonants seraient les révélateurs d’une société devenue quasi « liquide » d’un électorat flottant, imprévisible, soumis à des « pressions croisées ». Il y a eu les ouvriers cathos pratiquants qui, par fidélité religieuse, votaient à droite. De nos jours, « le financier qui vote à gauche, il devrait normalement voter à droite pour défendre ses intérêts financiers. Mais si, par exemple, il fait partie de la communauté LGBT, il va considérer que la gauche est plus proche des LGBT, et donc plus à même de défendre ses intérêts ». [...]"
Lire "Arabe pro-Zemmour et gilet jaune pro-Macron : typologie des électeurs "honteux"".
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