Laurence de Charette, directrice adjointe de la rédaction du "Figaro". 21 février 2025
[Les éléments de la Revue de presse sont sélectionnés à titre informatif et ne reflètent pas nécessairement la position du Comité Laïcité République.]
Lire "Laurence de Charette : « Ce que cache le “grand remplacement” mélenchoniste »".
Public sensible s’abstenir : certains des propos ici cités pourraient heurter le lecteur. On y trouvera en effet un (bref) extrait du blog de Jean-Luc Mélenchon. Pourquoi diable s’infliger de telles lectures ? Sans doute parce que, dans toute pathologie - et il ne fait plus de doute que notre société est souffrante -, il faut chercher les racines du mal qui nous blesse. Jean-Luc Mélenchon n’est évidemment pas lui-même cette racine (il semblerait d’ailleurs que le mot même lui soit étranger), mais on trouvera dans son propos la manifestation symptomatique de la grande méprise qui nous tourmente.
La semaine dernière, le leader LFI s’est fendu d’une série de notes brouillonnes, s’attachant notamment à défendre - c’est l’un de ses concepts phares - l’idée que le remplacement d’un peuple par un autre, fruit d’une « créolisation » (« création collective d’une culture commune »), tiendrait du bon ordre des choses. La démonstration commence par une affirmation psychologisante dont on mesure mal la portée (« L’identité est un ressenti personnel qui distingue le “moi” du “non moi” ») de laquelle il s’agirait de déduire que toute réflexion sur le sentiment d’appartenance serait, en elle-même, d’une « brutalité » extrême, d’une « violence totale ».
« Aucun critère n’institue notre identité, sinon la clause politique qui fonde notre République universaliste », affirme Jean-Luc Mélenchon, qui ne connaît pas d’histoire à la France avant 1789 et résume l’identité à ce qui devrait en réalité précisément en être l’aboutissement : la détention d’une carte d’identité. La carte de Sécurité sociale ferait d’ailleurs aussi bien l’affaire, ajoute-t-il même, trahissant une conception à la fois parfaitement inversée et purement utilitariste : l’identité française serait ainsi le droit, forcément universel, de bénéficier de la solidarité française… Faut-il ajouter que les néophilosophes éléfistes s’obstinent à nier le lien existentiel entre une langue et le peuple qui pense, parle et respire à travers ses mots ?
C’est en vain qu’on leur présentera les magnifiques écrits de Boualem Sansal, jaillis de cette connaissance subtile, de cet attachement charnel au français d’un homme qui a tant aimé labourer ses contrées : son sort leur est indifférent. Aimer la terre qui s’ouvre à vous et s’ouvrir à elle en retour est pour eux un motif de suspicion. Il est sans doute grand temps, à ce stade, d’épargner la sensibilité du lecteur. D’autres voix, peut-être ? Las, il semble que l’identité reste, à gauche, intrinsèquement liée à la révolution comme indépassable horizon, bloquée à l’héritage « de 1789, celui du Conseil national de la Résistance », auquel Olivier Faure accole « la décolonisation, la construction européenne ».
Les langues fourchent devant le mot « culture », désormais excommunié du champ lexical autorisé, et qui suscite en général un refus d’obstacle - « Je ne sais pas de quoi il s’agit », a lâché Éric Coquerel. Sur la bande-son, quelques phrases courtes et sèches, parfois ponctuées du mot « contrat » (ce qui est certes toujours mieux que « tampon préfectoral »).
Un antidote à tant d’aridité ? Jules Michelet peut-être, qui, aimant le peuple, n’en perçut que mieux les vibrations profondes de la France qu’il voyait, ressentait, comme « une âme et une personne » - et ne craignit nullement, pour mieux la connaître, de visiter, à sa façon, tous ses âges ? Républicain s’il en est, Michelet pourra-t-il convaincre ses héritiers si étriqués des liens qui nous unissent au passé, et de ce qu’ils contiennent, non pas de figé, mais de réserve de vitalité - « Oui, un lien intime unit tous les âges… un même esprit fluide court de génération en génération », écrivait-il.
La semaine dernière, Trump a renversé la table de l’ordre mondial. Pendant ce temps, les Français se perdent dans des controverses minuscules pour savoir s’ils ont le droit d’être ce qu’ils sont, comment ils s’appellent, et d’où ils ne viennent pas…
On se doute qu’un discours de Bruno Retailleau, quoique tout à fait recommandable, n’est pas propre à séduire les amis d’Olivier Faure ou de Jean-Luc Mélenchon. Mais est-il seulement permis de leur offrir Simone Weil, cette philosophe ouvrière à la droiture d’esprit inouïe ? La patrie, disait au sortir de la Seconde Guerre mondiale la militante syndicale qui fut proche de formations d’extrême gauche, peut bien être « chose belle, fragile et périssable », et il s’agit de lui offrir non pas notre nostalgie, mais notre sollicitude, en ce qu’elle permet d’atteindre « le besoin le plus important et le plus méconnu de l’âme humaine » : l’enracinement. « Un être humain a une racine par sa participation réelle, active et naturelle à l’existence d’une collectivité qui conserve vivants certains trésors du passé et certains pressentiments d’avenir », poursuivait-elle. Qui voudrait l’en priver prend donc le risque de la déshumanisation, de la décivilisation.
Laetitia Strauch-Bonart a raison : dans cette affaire, comme dans d’autres, il manque à l’idéologie gauchiste une dose d’amour, de « gratitude », dit-elle exactement - un beau terme dont la journaliste philosophe gratifie généreusement la droite -, une façon d’être au monde plus morale (au sens non pas de la leçon de morale, mais de ce qui relève de l’exercice de la conscience profonde) que juridique.
Enfin Michéa, Guilly, Goodhart et beaucoup d’autres ont déjà magnifiquement analysé les ravages, notamment, d’un monde sans cadre ni ancrage. À sa manière, le discours de JD Vance - et, s’ils étaient fort désagréables à entendre de la part d’un invité, ses propos n’étaient pas sans fondement - les rejoint. L’affaire donc n’est pas nouvelle, certes, mais aujourd’hui elle est devenue cruciale, vitale. On ne voit pas comment un assemblage de gens qui ne sont pas, d’êtres indéfinis pourrait être à même d’accueillir quiconque - et encore moins comment cet accolement d’individus sans âme commune parviendrait à tenir une place dans le monde qui s’ouvre. La semaine dernière, Trump a renversé la table de l’ordre mondial. Pendant ce temps les Français se perdent dans des controverses minuscules pour savoir s’ils ont le droit d’être ce qu’ils sont, comment ils s’appellent, et d’où ils ne viennent pas… « Les nations ne peuvent survivre que si elles ont conscience de leur histoire et de leurs valeurs », disait Max Gallo. Ce n’est pas très bien parti.
Le cinéma a craqué : dans L’Attachement, Valeria Bruni Tedeschi incarne avec une belle justesse Sandra, une féministe aux réponses toutes faites, mais capable de s’aventurer à marcher hors de ses dogmes, pour vivre la puissance transformatrice et la grâce du surgissement d’enfant. Vite, d’autres Sandra !
Rebelote. Deux députés, issus l’un de LFI, l’autre de la majorité, viennent de présenter un nouveau rapport militant pour la légalisation du cannabis. La particularité de cette énième offensive est de suggérer en outre, une dépénalisation de la cocaïne…
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