Revue de presse

"Cantines scolaires : hypocrisies à la carte" (Marianne, 28 août 15)

3 septembre 2015

"[...] Au centre, Yves Jégo détourne l’attention en proposant une loi rendant « obligatoire un menu végétarien en alternative du menu quotidien ». Il a fait un tabac auprès des Verts qui expliquent pourtant que les cantines constituent souvent pour les enfants défavorisés la seule possibilité de manger de la viande, un décret récent recommandant des protéines animales dans le plat principal des menus scolaires...

Mais, outre ces tartufes, à gauche le clivage est de plus en plus important entre les apparatchiks médiatiques qui ânonnent par réflexe l’air de la « stigmatisation » et les élus locaux qui, sur le terrain, n’en peuvent plus. La plupart se reconnaissent dans la mise au point commune de François Baroin (Les Républicains) et d’André Laignel (Parti socialiste), respectivement président et vice-président de l’Association des maires de France, expliquant que « c’est aux familles de s’adapter aux règles de l’école républicaine et non l’inverse », le double choix à la cantine, coûteux, « n’étant pas une obligation mais une latitude ». Un rappel peu commenté : il a jeté un froid, en soulignant à quel point les accommodements aux revendications communautaires s’étaient multipliés et éloignés des règles officielles. [...]

Ne se contentant pas de prendre en compte les demandes religieuses, mais acceptant (au nom de tous les contribuables) de les prendre en charge (très peu d’entre eux ont instauré la tarification spéciale prévue par le ministère pour financer le surcoût des menus de remplacement), beaucoup de ces maires ont désormais le sentiment d’être abusés par la surenchère de revendications particulières, de plus en plus souvent exigées de manière désagréable comme un dû. Après l’alternative au porc, la demande de tables différentes, ce séparatisme réclame de la viande halal. Depuis leur échec sur le voile à l’école en 2004, les islamistes ont misé sur le halal et, par suivisme, le Conseil français du culte musulman a décrété cette revendication « pas extravagante ».

Les municipalités qui ont les moyens transigent en offrant un menu supplémentaire non plus seulement sans porc mais sans viande, comme à Lyon et à Toulouse. Celles qui ne peuvent s’offrir trop souvent le luxe de plats alternatifs réduisent ou suppriment le porc des cantines, crèches et centres sociaux. C’est la face cachée de cette polémique. Quand, se disant « extrêmement préoccupés par l’exclusion de plus en plus fréquente de la viande de porc et des produits de charcuterie des cantines scolaires », les responsables de l’Interprofession nationale porcine (Inaporc) ont adressé une lettre aux maires des communes de plus de 3 000 habitants, tout le monde a fait semblant de ne pas les entendre. Et de ne pas comprendre le problème qu’ils soulevaient, au-delà de la question de la laïcité. Rappelant que le « goût se forme dès l’enfance », ils estimaient que le « respect de chacun » ne devait pas nuire à « la possibilité d’avoir accès à toute la richesse gastronomique de notre pays » et à son « patrimoine culinaire ». Dont fait partie le porc, représentant 40 % des produits carnés consommés en France. Qu’il ne fallait donc pas imposer à tous les refus de certains.

Ces « ploucs » n’ont pas compris que dans les cantines l’assimilation fonctionnait désormais à l’envers. Que la tradition française devait s’effacer au nom du vivre-ensemble. Soulignant il y a quelques années « la fragmentation non seulement sociale mais culturelle de nos territoires », le philosophe Marcel Gauchet analysait déjà ce processus : « Les municipalités s’empêtrent dans toutes sortes d’“accommodements raisonnables” avec des groupes qui affirment leur droit d’imposer chacun son mode de vie. Ce qui, pratiquement, fait une coquille vide de la laïcité qui était la prévalence des valeurs et des mœurs communes sur les particularités. » Cette inversion semble sur la bonne voie, la ministre de l’Education nationale qualifiant le menu d’alternative au porc de « menu non confessionnel » et celui excluant toutes viandes étant présenté par ses promoteurs comme « le plus laïque de tous »."

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