Raphaël Enthoven, normalien, prof de philosophie, chroniqueur. 8 mars 2023
[Les éléments de la Revue de presse sont sélectionnés à titre informatif et ne reflètent pas nécessairement la position du Comité Laïcité République.]
Lire "Cancer culture : l’édito de Raphaël Enthoven".
"[...] Le Miniver [1] existe toujours en démocratie, mais il a cessé d’être l’affaire du gouvernement ; désormais, ce sont les citoyens eux-mêmes qui, à l’abri de la loi, entreprennent de contrôler la mémoire collective. Ici-bas, bénévoles ou non, les fonctionnaires du Miniver sont tantôt déboulonneurs de statues, tantôt débaptiseurs de rues, tantôt des censeurs de films, tantôt des sensitivity readers dont la fonction n’est pas de réécrire les archives mais les romans.
À la différence de son homologue orwellien qui souhaitait ouvertement la servitude, le Miniver démocratique est animé des meilleures intentions.
Mais la nature de ses méthodes est-elle soluble dans la pureté des motifs ? Le fait qu’on ait la tolérance (et non l’esclavage) pour boussole autorise-t-il la réécriture des classiques, la mise à l’index des écrivains et la suppression des paragraphes « offensants » ? La certitude de lutter contre la haine en effaçant les traces de son passage donne-t-elle aux fonctionnaires du Miniver démocratique le droit de découper tout ce qui leur déplaît ? [...]
[1] Le ministère de la Vérité (« Miniver ») dans 1984 de George Orwell (note du CLR).
Voir aussi dans la Revue de presse "L’éditeur de Roald Dahl supprime des mots jugés trop offensants dans ses livres" (lepoint.fr , 19 fév. 23), "Des livres de James Bond ont été réécrits pour supprimer des références jugées « offensantes »" (ouest-france.fr , 26 jan. 23), le dossier Les Dix petits nègres, dans Littérature, la rubrique "Cancel culture", dans Liberté d’expression : culture (note du CLR).
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