21 novembre 2011
"René Lebouvier n’aurait jamais imaginé que son "affaire ferait autant de foin". C’est pourtant devant la justice que se règlent désormais les relations, longtemps sans histoires, entre ce retraité normand et l’Eglise catholique. Et l’issue juridique de sa plainte pourrait bien provoquer une brèche dans une tradition remontant au XVIe siècle : la tenue du registre des baptêmes par l’institution catholique.
Le tribunal de grande instance de Coutances (Manche) vient en effet d’ordonner au diocèse de Coutances et d’Avranches de "procéder à l’effacement définitif sur les registres de baptêmes de la mention selon laquelle René Lebouvier a été baptisé le 9 août 1940". Se fondant sur "le droit au respect de la vie privée", la justice exige que cette suppression soit effectuée "dans un délai de trente jours, sous peine d’une astreinte de 15 euros par jour de retard, et par tout moyen", comme "le surlignage à l’encre noire indélébile". Car si le registre n’est pas public, il est toutefois accessible "à des personnes tierces à l’individu", précise le jugement.
Contestant la notion de respect de la vie privée, l’évêque de Coutances et d’Avranches, Mgr Stanislas Lalanne, a fait appel. "Le baptême constitue un événement à caractère public. C’est un acte qui a eu lieu, il fait partie de l’histoire, il ne peut donc pas être effacé." L’Eglise affirme aussi respecter ainsi la volonté des parents qui ont souhaité baptiser leur enfant : René Lebouvier fut baptisé à l’âge de 2 jours. Enfin, plaide l’Eglise en reprenant des arguments théologiques, "le baptême est l’acte fondateur d’une nouvelle naissance dans la foi. Doit-on effacer l’acte historique de la naissance d’une personne ?". Une traduction de ce que dit, à sa manière, le Vatican : "Le lien sacramentel d’appartenance au Corps du Christ qui est l’Eglise, donné par le caractère baptismal, est un lien ontologique permanent, et aucun acte ou fait de défection ne le fait s’évanouir." [...]
Pour le Vatican, ce type de "défection" est considéré comme un "acte d’apostasie, d’hérésie ou de schisme". Mais, pas question pour René Lebouvier d’être tenu pour un "apostat". Comme le rappelle la Fédération nationale de la Libre pensée, qui fait son miel de cette affaire et a mis son avocat à la disposition du plaignant, ce statut d’apostat "s’est révélé très dangereux au cours de l’histoire".
L’enjeu de cette plainte est, pour l’Eglise, difficile à évaluer. Si, à l’issue de la procédure, la justice facilite et clarifie cette démarche de "débaptisation", l’affaire Lebouvier suscitera-t-elle des vocations ? Certains évêques le craignent, alors même que le nombre des baptisés est, lui, en constante baisse depuis plusieurs décennies. En 2009, 316 286 personnes ont été baptisées, dont 295 582 enfants de moins de 7 ans. Elles étaient encore 401 000 dix ans plus tôt.
Aujourd’hui longue et compliquée, la démarche pour "sortir de l’Eglise" concernerait un millier de cas par an, selon des estimations non officielles. Des pics interviennent régulièrement après des prises de position polémiques du Vatican, comme la levée de l’excommunication des évêques lefebvristes. Ces dernières années, les révélations de scandales de pédophilie ont aussi accentué le phénomène. Mais l’Eglise ne comptabilise pas ces demandes au niveau national, assure-t-on à la Conférence des évêques de France. Elle préfère mettre en avant les quelque "3 000 baptêmes d’adultes" célébrés chaque année."
Comité Laïcité République
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