Revue de presse

Bernard Ravet : "L’Education nationale ne doit rien céder à l’intimidation" (L’Express, 13 oct. 22)

Bernard Ravet, ancien chef d’établissement scolaire. 19 octobre 2022

[Les éléments de la revue de presse sont sélectionnés à titre informatif et ne reflètent pas nécessairement la position du Comité Laïcité République.]

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Lire "Samuel Paty, deux ans après : pourquoi nous devons continuer ses combats, par Bernard Ravet".

"Deux ans après, le 16 octobre 2020 marque à jamais l’histoire de l’éducation. Tout comme le 7 janvier 2015 a marqué à jamais l’histoire de la presse, mais aussi celle de la police. Deux dates qui viennent s’ajouter à cette trop longue liste de moments tragiques où l’obscurantisme a fait couler le sang d’anonymes victimes dont le seul crime était, pour certains, d’être là au mauvais moment. D’autres, plus explicitement ciblés, ont été condamnés à mort et exécutés sauvagement à cause de leurs fonctions qui étaient de transmettre et de défendre la plus chère des valeurs de nos démocraties : la liberté.

A travers l’exécution de Samuel Paty, ce sont bien les différentes formes de liberté qui étaient visées : la liberté du pédagogue ; la liberté du journaliste, du dessinateur qui ont le droit à la satire, au blasphème ; la liberté du citoyen français qui a le droit de croire ou de ne pas croire à la liberté de la République qui s’est affranchie des dictats des religions ; la liberté d’une société démocratique qui s’est fixée comme objectif envers sa jeunesse de l’éduquer aux valeurs universalistes de la République et de développer l’esprit critique de ses futurs citoyens.

Pour moi, rendre un hommage à Samuel Paty, c’est d’abord dire haut et fort que l’Education nationale ne doit rien céder à l’intimidation. L’institution doit poursuivre sa mobilisation et sa marche en avant sur ce terrain ô combien difficile de la transmission des valeurs de la République, et défendre son universalisme et la laïcité, notre laïcité qui est en permanence menacée. Cette marche doit conforter et mobiliser nos enseignants, les inscrire dans les traces des hussards de la IIIe République à qui s’adressait Jaurès. Cette marche ne doit pas se ralentir, être moins volontariste et ce, sous prétexte qu’elle dérange une partie des élèves et leur famille.

Cette laïcité est diabolisée par les sirènes de la démagogie et de l’islamo-gauchisme qui conduit certains enseignants, pour des raisons de convictions personnelles, à vouloir l’adjectiver. Cette posture et l’autocensure de certains conduisent, à bas bruit, à faire de notre République constitutionnellement laïque un cocktail de subtils accommodements communautaristes au nom des libertés individuelles et des pressions religieuses.

"Une urgence éducative"

Si on peut saluer la décision de former tous les personnels aux valeurs de la République d’ici à cinq ans, cette formation ne fera sens que si elle est accompagnée d’un minimum d’adhésion des enseignants à ce principe de laïcité qui doit unir et non diviser les équipes comme à Conflans-Saint-Honorine. La solidarité et le strict respect de la laïcité au sein des établissements sont les conditions indispensables au libre exercice du métier d’enseignant. Cette confiance dans leur métier, les enseignants ne la retrouveront qu’avec un soutien indéfectible de leur hiérarchie à qui il revient de mettre en oeuvre la protection de ses agents à la moindre menace. Cette hiérarchie doit intensifier la réflexion pédagogique, la production de ressources et l’affectation de moyens afin de permettre aux enseignants de faire face aux contestations exprimées par certains élèves et leur famille, amplifiées par les réseaux sociaux et reprises en écho par les extrémistes de tous bords, politiques, religieux ou idéologiques.

Le combat de Samuel Paty, qui relève de l’urgence éducative, doit aussi se poursuivre en dehors de l’école. Cette urgence éducative relève de choix de société, de priorités politiques. Cette urgence éducative nécessite une mobilisation de tous les acteurs, qu’ils interviennent au niveau de l’éducation de la jeunesse, au sein des collectivités locales ; du monde associatif pour ce qui relève du périscolaire ; ou du monde des loisirs et du sport, de l’éducation populaire, de la culture. Si ces univers sont facilement mobilisables, la tâche devient beaucoup plus complexe quand on parle des autres canaux qui permettent aux jeunes de construire un système de valeurs : le religieux, l’environnement du quartier et des copains mais surtout la famille et les réseaux sociaux. Si l’on peut imaginer des dispositifs de sensibilisation et de formation des parents relatifs à la problématique de la dérive des réseaux sociaux, celle-ci ne pourra évoluer que par une modification de la loi et une impérieuse mise en place de dispositifs de régulation par les opérateurs.

Comme l’urgence climatique, l’urgence éducative passe par une mobilisation de chaque citoyen qui doit se sentir concerné et mobilisé, de façon à continuer, à sa manière, les combats de Samuel Paty."



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