2 mars 2015
"Au cœur de la polémique déclenchée par deux tribunes rédigées par un ancien professeur du lycée de l’établissement qui y dénonçait notamment un antisémitisme culturel chez les élèves, le lycée Averroès a longtemps été présenté comme un lycée modèle. Si son enseignement et sa pédagogie ne sont pas en cause, ce que confirme la mission d’inspection, la galaxie intellectuelle et religieuse qui gravite autour du lycée est plus problématique.
Le lycée Averroès pensait avoir trouvé la parade pour répondre aux virulentes critiques adressées par son ancien professeur de philosophie dans Libération [1] : organiser des journées portes ouvertes pour les journalistes autorisés à venir passer plusieurs jours dans ce lycée privé musulman « modèle » qui affiche des taux de réussite au bac à faire pâlir les très chics et très parisiens Louis-Le-Grand et Henri-IV. Une sorte de voyage touristique dont la plupart sont revenus rassurés, dédramatisant la tribune de Soufiane Zitouni qui pointait le double langage de la direction, un antisémitisme « culturel » chez les élèves, mais aussi un goût obsessionnel pour le complotisme et la diffusion dans les têtes d’un islam orthodoxe.
De tout cela, on ne perçoit que quelques signes dans les récits publiés par les journalistes accueillis sur place. Etonnant ? Il y a sans doute peu de choses à reprocher d’un point de vue pédagogique à un lycée qui affiche 100% de réussite au bac et la mission d’inspection diligentée par le rectorat de Lille a tout juste recadré l’établissement sur des détails liés à la place du religieux. L’image du lycée modèle n’en demeure pas moins écornée et la déclaration de guerre formulée récemment par Manuel Valls contre les Frères Musulmans et l’UOIF (l’Union des organisations islamiques de France dont dépend l’établissement) n’est pas étrangère à cette polémique. Car le soupçon demeure. Derrière le vernis du lycée modèle, Averroès est-il en fait l’incubateur d’un islam radical, voire la fabrique d’une élite islamiste ?
C’est l’exclusion d’une vingtaine de lycéennes d’établissements publics lillois, sur fond d’affaires de voiles islamiques au milieu des années 1990, qui servit de base de lancement au « projet Averroès » en 2003. L’UOIF vise alors la mise en place d’une école confessionnelle musulmane, sur le modèle des établissements catholiques.
Quand le lycée a obtenu, en 2013, la première place du classement des lycées de France, Amar Lasfar, le président de l’association Averroès qui gère le lycée -le rectorat réclame que le rôle de cette instance soit distingué de l’établissement- n’a pas manqué de dédier cette réussite aux jeunes musulmanes qui portent le voile interdit, rappelant que le lycée avait connu « son émergence par les larmes ».
L’intéressé, qui a le sens du tragique, a aussi de l’influence : en plus de présider l’association, il est président de l’UOIF, président de la Ligue islamique du Nord et recteur de la mosquée de Lille-Sud. Amar Lasfar a aussi le sens des affaires puisqu’il est à la tête ou actionnaire de plusieurs tours operators qui baladent régulièrement les élèves du lycée partout dans le monde…
En 2004, Nicolas Sarkozy, alors ministre de l’Intérieur en fera l’un de ses interlocuteurs. L’ancien président de la République est alors opposé à la loi sur l’interdiction du voile, signifiant à l’UOIF qu’il les considère comme des « orthodoxes » et non comme des « intégristes ». La nuance est d’importance, puisqu’elle intronise l’organisation comme un représentant officiel de l’islam de France. Aujourd’hui encore Amar Lasfar reste le personnage clé de cette organisation proche du mouvement islamiste des Frères musulmans.
A ses débuts, le lycée Averroès est directement logé dans les locaux de la mosquée Lille-Sud avant de déménager pour que se développe la struture, mais aussi pour une question d’image. « Il fallait donner l’image d’une indépendance du lycée par rapport à la mosquée. Mais ce n’est qu’une question d’image, ce sont les mêmes qui dirigent la mosquée et le lycée Averroès. Les grandes décisions notamment par rapport au financement se prennent au niveau de la direction de l’UOIF. Les directeurs et directeurs adjoints ne sont là que comme des pantins » nous explique Mohamed Louizi, un ancien de l’UOIF qui a quitté l’organisation sur fond de désaccord idéologique.
Une question d’image également que le nom choisi pour l’établissement. Au lycée Averroès, impossible de trouver un livre de celui qui reste l’un des plus grands philosophes arabes, selon Soufiane Zitouni. Une absence qui ne doit rien au hasard : Averroès a toujours cherché à concilier la philosophie rationaliste d’Aristote avec la foi musulmane. Rien à voir avec l’approche prônée par l’islam « frériste » et dont le fondateur Hassan El-Banna défendait, lui, l’idée d’un djihad offensif dans le cadre d’une révolution islamique. En nette perte de vitesse sur le plan international, supplantés par les mouvements salafistes, les Frères musulmans ont mis en oeuvre une stratégie de conquête de l’hégémonie intellectuelle. Un islam idéologisé dont Tariq Ramadan sera la tête de proue en Europe.
Interrogé maintes fois sur le sujet, Amar Lasfar a toujours récusé l’existence de liens entre l’UOIF et les Frères musulmans. Un déni de réalité dont même le récit de la promenade organisée sur place pour Mediapart donne quelques indices : « C’est une accusation sans fondement. Mes références, c’est Keynes, Friedman autant que les Frères musulmans. Je ne vais pas résumer ce que j’ai dans la tête à une seule pensée. Je n’ai pas ouvert cet établissement pour enseigner la morale islamique » confie-t Amar Lasfar à Mediapart. De son côté, le professeur d’éthique musulmane, Sofiane Meziani, proche du prédicateur islamiste Tariq Ramadan, assume sans problème l’influence de l’imam Hassan El-Banna.
En 2010, un rapport de l’EHESS (Ecole des hautes études en sciences sociales) et de l’IISMM (Institut d’études de l’islam et des sociétés du monde musulman), commandé par le ministère de l’Intérieur, qui portait sur l’enseignement musulman en France décrivait précisément l’influence de la Confrérie et l’objectif politique de la mise en place de cet enseignement : « Les Frères musulmans en Europe, représentés par l’UOIF, sont à l’origine d’au moins la moitié des projets d’établissements dans l’Hexagone, mus par une volonté de préserver l’identité musulmane des communautés immigrées et de "réislamiser" les jeunes générations, pour créer une "citoyenneté musulmane", à la fois intégrée dans la société et gardant sa spécificité religieuse. Leur action militante s’est traduite d’abord par la construction de mosquées et l’organisation de séminaires religieux. La construction d’écoles est vue comme une étape supplémentaire dans cette dynamique de réislamisation ».
C’est peu dire que les tribunes du professeur de philosophie Soufiane Zitouni, qui cherche à lever un coin du voile sur l’atmosphère qui règne dans cet établissement, ont jeté un trouble au sein de l’Education nationale, et chez les responsables politiques locaux, qui préfèrent éviter le sujet. Même refus du côté de Michel Soussan, un personnage clé de la certification obtenue par le lycée en 2008. Conseiller municipal d’opposition (UMP) à la mairie de Lille, cet ancien inspecteur d’académie, actuellement à la tête d’un cabinet de conseil en éducation, souvent décrit comme le véritable « maître à penser » de la direction du lycée, a préféré ne pas répondre à Marianne dans le contexte actuel. Rien à déclarer non plus du côté de Hassan Oufker, directeur du lycée Averroès.
Auteur de La question musulmane en France, récemment paru aux éditions Fayard (1), Bernard Godard a longtemps été présenté comme le « Monsieur islam » du ministère de l’Intérieur. Face à ce sujet qu’il juge « très délicat », il préfère garder une certaine prudence : « Ce que décrit Monsieur Soufiane Zitouni sur le discours antisémite dans les classes ne m’étonne malheureusement pas et, on le sait maintenant, ça n’est pas propre aux lycées musulmans mais je reste prudent car il faut être précis. Au lycée Averroès, il faut voir s’il y a des problèmes au niveau de l’enseignement. C’est un lycée conventionné et pour obtenir le contrat de l’Etat, il y a des critères à respecter. Par exemple, dans ce qu’ils appellent les cours d’éthique musulmane, si c’est la même éthique qu’on enseigne au lycée et à la mosquée, ou si on incitait les jeunes filles à porter le voile pour se distinguer, ce serait problématique. De même, tout ce qui est cultuel doit être séparé de l’enseignement. De ce que je sais, l’UOIF a toujours été très prudent dans le système d’enseignement qu’ils mettent en place. Mais le cordon ombilical avec l’UOIF existe et il y a une tradition antisémite chez les Frères musulmans. Il y a par ailleurs un profil de conférenciers, toujours les mêmes, invités dans le lycée. Tout cela participe évidemment d’une atmosphère et d’un environnement idéologique. »
Une distinction que fait aussi Mohamed Louizi qui, sur son blog, a écrit un article très documenté sur les méthodes de l’UOIF, la personnalité d’Amar Lasfar et la polémique qui touche actuellement le lycée. Il voit dans cette distinction le problème majeur du Lycée Averroès : « Il faut différencier l’établissement scolaire qui a des performances exemplaires du point de vue des critères de l’Education nationale : discipline, qualité de l’enseignement, classes non surchargées et l’idéologie qui y est véhiculée. De ce point de vue, l’argument du lycée modèle ne tient pas ».
Pour lui, le lycée n’est pas seulement un territoire de recrutement pour l’UOIF, mais le lieu de diffusion d’une idéologie : « C’est plus profond. La plupart des membres de l’UOIF ont inscrit leurs enfants là-bas. Les dirigeants de l’UOIF d’aujourd’hui espèrent que l’UOIF de demain sera représentée par les jeunes qu’ils ont formé à travers l’école coranique de la mosquée, le collège et le lycée Averroès. L’objectif est de créer des cadres, une élite qui adhère à la vision de l’islam véhiculée par l’UOIF. C’est ce que l’UOIF appelle ses "associations de rayonnement" qui sont chargées de préserver une certaine identité. La plupart des élèves, notamment les collégiens, vont écouter les prêches d’Amar Lasfar à la mosquée de Lille le samedi et dimanche ou apprendre la langue arabe à la mosquée ».
L’intéressé refuse pour autant de faire du lycée un simple « territoire d’endoctrinement », estimant que les jeunes passés par Averroès peuvent aussi découvrir d’autres textes et développer leur esprit critique.
Sociologue de l’islam, Omero Marongiu, autrefois membre — également démissionnaire — de l’UOIF qui connaît la direction du lycée ne nie pas l’existence de problèmes au sein de l’établissement mais relativise, lui, leur importance : « Evidemment qu’il y a des élèves qui ont certainement tenu des propos déplacés au moment de la minute de silence après la tuerie de Charlie Hebdo, d’autres qui ont pu tenir des propos antisémites et qui ont une pratique radicale de l’islam.Mais Monsieur Zitouni transforme des problèmes qu’il a constatés, en quelque chose qui relèverait d’un effet structurel de l’établissement. Pour connaître cet établissement, il a fait beaucoup d’efforts pour obtenir une certification et s’imposer comme un établissement élitiste, ce qui pour moi, pose d’ailleurs d’autres questions. Mais le lycée Averroès affiche une certaine cohérence entre son enseignement général et religieux ».
Il ne nie pas, pour autant l’influence de ces « associations de rayonnement » citant l’exemple de nombreuses associations d’accompagnement scolaire musulmane, établies partout en France, qui se revendiquent du prédicateur Tariq Ramadan : « Le courant idéologique dominant parmi les établissements nés au début des années 2000 est celui des Frères musulmans dont Tariq Ramadan est proche. Mais l’influence de Tariq Ramadan est largement liée à l’envergure médiatique dont il dispose. Tariq Ramadan diffuse un idéal maximaliste, au sens strict du terme, de l’islam. Une pensée relayée par les milieux "islamo-gauchistes" qui ajoutent à ce maximalisme l’idée qu’être un bon musulman, c’est forcément être altermondialiste [2]. C’est par ce courant politique que Tariq Ramadan parvient à diffuser sa pensée. Ainsi se répand un véritable idéal de vie qui rencontre un écho démesuré dans les médias et touche aussi les élèves ».
Contacté par Marianne, Soufiane Zitouni confirme, lui aussi, l’influence de cet environnement : « Les prêches des imams sont signés UOIF, les cours d’éthique religieuse sont signés UOIF, faute d’avoir des livres d’Averroès dans le lycée Averroès, on y trouve des brochures de l’UOIF et des livres de Tariq Ramadan. Les frères Ramadan ont fait des conférences au lycée Averroès. Certains professeurs du lycée, les plus intégristes, font parfois office d’imams. Et l’embrigadement se fait surtout à partir des cours d’éthique musulmane et des prêches ». Le rectorat préconise d’ailleurs de lever les ambiguïtés entre le cours de philosophie et celui d’éthique religieuse.
C’est dans cet environnement que l’on retrouve la trace des personnalités controversées qui gravitent autour du lycée. Il en va ainsi de Hassan Iquioussen, aujourd’hui prédicateur très populaire de la mosquée de Quiévrechain, dirigeant de l’UOIF, autrefois professeur d’éthique musulmane à Averroès. Lors d’une conférence, en 2004, dont le contenu avait été révélé par l’Humanité, il déclarait : « Les textes aujourd’hui le prouvent. Les sionistes ont été de connivence avec Hitler. Il fallait pousser les juifs d’Allemagne, de France... à quitter l’Europe pour la Palestine. Pour les obliger, il fallait leur faire du mal ».
En 2013, le site Rue89 affirmait que l’intéressé accompagnait encore des élèves en voyage de classe en Turquie, en mars 2012, et avait été reçu pour une conférence, en décembre 2011, deux événements dont les récits ont mystérieusement disparu sur le site du lycée qui fait pourtant la promotion de nombreuses sorties et des conférences auxquelles assistent les élèves. Le même Hassan Iquioussen a participé à plusieurs conférences avec Alain Soral arguant de la nécessité de dialoguer avec tout le monde. La dernière rencontre était annoncée à Rennes en octobre dernier.
Sofiane Meziani, l’un des professeurs d’éthique musulmane d’Averroès, reconnaît sa proximité avec Hassan Iquioussen. Amar Lasfar assume son amitié avec lui. On retrouve nombre de ses discours sur le site de la mosquée de Lille et il participe également à des voyages organisés en partenariat avec le site Havredesavoir.fr. Un site qui diffuse abondamment la pensée des Frères musulmans les plus radicaux et s’affiche en soutien fervent du lycée Averroès en diffusant la pétition de soutien à l’établissement ou en publiant les textes de Sofiane Meziani. En 2012, il signait ainsi un texte sans ambiguïtés intitulé « L’Histoire a tranché en faveur de Hassan El-Banna », saluant à l’époque la victoire de Mohamed Morsi et des Frères musulmans en Egypte.
Parmi les conférenciers, figure également Hani Ramadan, frère de Tariq Ramadan, mis à pied de l’Education suisse par le tribunal administratif de Genève en 2002 pour avoir affirmé dans Le Monde que la lapidation « constitue une punition, mais aussi une forme de purification ». Hani Ramadan est lui, ouvertement antisémite. Un antisémitisme affiché encore récemment lors du 31e congrès de l’UOIF en mars 2014.
Sur le site de la mosquée de Lille, on trouve sans distinction les conférences organisées au lycée, les discours d’Amar Lasfar ou encore le compte-rendu de certaines manifestations. Les vidéos les plus regardées sont les prêches du cheikh Mohamed Hassan, télé prédicateur égyptien, salafiste, qui estime, par exemple, que le « sida » n’est qu’une conséquence du choix des infidèles. Il est venu parler aux élèves d’Averroès en 2010.
Plus récemment, le lycée a opportunément annulé – après l’attentat contre Charlie Hebdo — une conférence qui devait se tenir le 13 février avec l’essayiste belge Michel Collon. Sous couvert d’un militantisme d’extrême gauche, le journaliste belge donne beaucoup et systématiquement dans le complotisme très bas de plafond. On comprend que ce genre de conférences, quelques semaines après la diffusion en masse de théories complotistes sur les attaques de Charlie Hebdo, aurait été du plus mauvais effet…
Nabil Ennasri fait aussi partie des invités réguliers du lycée. Spécialiste autoproclamé du Qatar et sympathisant assumé de la pétromonarchie, Nabil Ennasri est un Frère musulman qui a quitté le site Oumma.com sur fond de divergences éditoriales. On raconte que la direction du site ne supportait plus sa qatarophilie... Disciple du prédicateur Youssef Qaradawi, un égyptien exilé au Qatar, aujourd’hui en disgrâce, qui fut longtemps une référence théologique et un habitué des prêches anti-chiites et antisémites. Nabil Ennasri s’est fait, lui, surtout remarquer au moment de la polémique sur les ABCD de l’égalité et la théorie du genre, s’affichant très favorable aux Journées de retrait et en soutien de Farida Belghoul.
Le débat sur la « théorie du genre », en 2014, donnera lieu à une violente polémique au sein même de l’UOIF. C’est Farida Belghoul, figure du mouvement antiraciste, longtemps proche d’Alain Soral, qui crée alors le mouvement des « journées de retrait de l’école » (JRE), soutenu par Dieudonné et Alain Soral. Invitée à s’exprimer lors du congrès de l’UOIF, Amar Lasfar décide finalement d’annuler son invitation, sous la pression dit-on, du ministère de l’Education nationale. L’argument invoqué est le risque d’une « instrumentalisation des enfants sur un sujet qui concerne les adultes ». Louable de la part du directeur d’un lycée. Sous la pression de la base de l’UOIF, le débat, auquel participera Nabil Ennasri, est finalement reprogrammé. Le risque d’instrumentalisation des enfants pèse finalement moins que les militants de l’UOIF.
Au-delà du lycée à proprement parler, c’est donc dans son environnement direct, sur les sites Internet proches de l’UOIF, de la mosquée de Lille, ceux où s’expriment régulièrement certains professeurs du lycée que l’on trouve les références idéologiques les plus douteuses. C’est pourtant là aussi que le travail devrait se faire selon Omero Marongiu : « Les nouvelles générations sont plus attirées par les matrices islamistes. C’est quelque chose que l’on ne constatait pas chez leurs grands-parents, moins chez leurs parents. En plus, les élèves structurent leur pensée critique en dehors de l’école. Les professeurs disent une vérité, ils en trouvent une autre sur Internet. Il faut essayer de contrer la diffusion tous azimuts, notamment sur Internet, de ces discours musulmans de rupture avec le monde. Nous devons travailler, avec les responsables musulmans, dans les écoles, dans les mosquées, pour qu’ils soient capables de déconstruire ces fantasmes ».
Très peu ont été les responsables politiques locaux qui ont réagi à la tribune de Soufiane Zitouni dans Libération, car la polémique qui touche le Lycée Averroès pourrait aussi avoir un impact électoral. Amar Lasfar, par ses multiples fonctions, a une voix qui porte dans l’électorat musulman et est régulièrement courtisé par tous les politiques qui comptent sur Lille.
Le service de presse de Martine Aubry à la mairie de Lille se contente d’un « no comment ». La maire de Lille, favorable à l’implantation d’un lycée privé musulman à Lille Sud en 2003, a longtemps entretenu des rapports plutôt cordiaux avec Amar Lasfar.
La rupture a lieu en 2013. Dans un courrier adressé à Amar Lasfar, organisateur de la 7ème rencontre des musulmans, la maire de Lille se dit alors « choquée » de voir parmi la liste des invités, Tariq Ramadan et le Sheik Salah Sultan, président du Haut Conseil islamique d’Egypte, membre du Conseil européen de la fatwa et de la recherche, ainsi que de l’Union internationale des savants musulmans.
A droite, Michel Soussan, conseiller de la direction du lycée Averroès - « Il passe ses journées là bas » selon Soufiane Zitouni- est également conseiller municipal d’opposition (UMP) à la mairie de Lille.
Un travail de consultant en matière d’éducation non dénué d’arrières pensées électorales. Le seul sigle UMP a longtemps été un repoussoir du côté de Lille-Sud. Les temps ont changé. Récemment, la Voix du Nord rapportait qu’un groupe d’une quinzaine de jeunes avait tracté en faveur de Jean-René Lecerf, le candidat UMP-UDI. Du jamais vu selon le quotidien régional.
Une évolution pas étrangère aux liens de Michel Soussan avec le Lycée Averroès : « Ma rencontre avec ces jeunes de Lille-Sud m’inspire dans mon travail de sénateur. Dans mon récent rapport sur les discriminations éthiques, raciales et religieuses, je préconise l’enseignement du fait religieux à l’école publique, c’est à Lille-Sud que j’ai entendu parler de cela en premier » répondait l’intéressé à la Voix du Nord. Contacté par Marianne, il n’a pas souhaité répondre à nos questions.
« L’UMP a compris qu’il fallait brosser dans le sens du poil l’électorat musulman proche de l’UOIF, c’est-à-dire la ligue islamique du Nord, l’islam rigoriste. Ils sont, par exemple, très remontés contre l’enseignement de la théorie du genre dans les écoles. Résultat, l’UMP a distribué des tracts dans les boites aux lettes de l’électorat musulman, disant que le PS allait enseigner la théorie du genre. C’est un échange de bons procédés entre l’UOIF et l’UMP » rapporte un connaisseur de la politique locale."
Lire "Averroès : un lycée "modèle" à l’environnement douteux".
[1] Lire S. Zitouni : "Pourquoi j’ai démissionné du lycée Averroès" (Libération, 6 fév. 15) (note du CLR).
Lire aussi “Piscines pour femmes : la polémique poursuit Aubry” (lefigaro.fr , 23 av. 10) (note du CLR).
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