Revue de presse

"Au Pakistan, une campagne impossible pour les laïques traqués par les talibans" (AFP, 29 av. 13)

29 avril 2013

"Comment se faire réélire quand on a un mauvais bilan et qu’on est poursuivi par des tueurs kamikazes ? C’est la mission quasi impossible des députés laïques pakistanais, contraints à une campagne souterraine pour échapper aux attaques de leurs ennemis jurés talibans.

Le 16 avril, Ghulam Bilour, 73 ans, figure du Parti national Awami (ANP) à Peshawar, la grande cité du nord-ouest, est sans raison particulière monté dans sa voiture côté gauche, ce qui lui a sauvé la vie.

Quelques minutes plus tard, alors qu’il arrivait à une réunion de campagne en vue des élections générales du 11 mai, un kamikaze taliban caché parmi les militants s’est précipité sur son véhicule côté chauffeur, à droite.

L’attentat a projeté le lourd 4X4 blindé à plus d’un mètre de hauteur, tuant sur le coup le chauffeur et 16 autres personnes. Par miracle, Bilour s’en est tiré avec des égratignures.

Laïque, modérée et considérée comme pro-occidentale, l’ANP a été l’une des cibles de choix des insurgés ces cinq dernières années, alors qu’elle était au pouvoir dans le nord-ouest, où elle se dispute les faveurs de la grande ethnie pachtoune avec les talibans.

Selon le parti, plus de 750 de ses militants ont été tués durant ce quinquennat. Et depuis le début de la campagne, les insurgés sont passés à la vitesse supérieure.

Ils ont menacé les responsables et sympathisants des trois partis laïques membres du gouvernement fédéral sortant à Islamabad, dont l’ANP, coupables d’avoir soutenu les offensives militaires anti-talibans de ces dernières années dans le nord-ouest. Depuis le 11 avril, ces violences ont fait plus de 50 morts.

Dans son fief de Peshawar, l’ANP n’avait pas besoin de ça. Plombé par son mauvais bilan économique et sécuritaire et des accusations de corruption, le parti semblait avant même ces violences promis à la défaite au parlement provincial selon nombre d’observateurs.

En décembre, les talibans avaient frappé l’ANP à la tête en tuant Bashir Bilour, 69 ans, frère de Ghulam. Depuis Ghulam, petit homme fin et voûté, poursuit seul le combat. « Je suis un musulman et un pachtoune : je ferai face à la mort et ne me rendrai pas », dit-il.

Face aux menaces, l’ANP a renoncé aux meetings de masse et ne réunit plus ses militants et sympathisants que dans de petits espaces sécurisés.

« C’est comme si on nous demandait de courir le marathon pieds et poings liés », note Haroon Bilour, fils de Bashir et candidat à sa succession à l’assemblée provinciale, en dénonçant une « élection truquée d’avance ».

Car ses rivaux de droite conservateurs — partis religieux et PTI de l’ancienne star du cricket Imran Khan — déjà dopés par la volonté d’alternance, n’ont aucun problème pour organiser de grands rassemblements, relève-t-il, en accusant à mot couvert l’armée et ses services secrets d’intrumentaliser les talibans pour réduire à néant les chances des partis laïques. [...]

Autre cador du parti, l’ancien ministre provincial Mian Iftikhar Hussain tourne comme un lion en cage à Peshawar. Poursuivi lui aussi par les kamikazes du TTP, il ne peut aller faire campagne dans sa circonscription de Pabbi, pourtant en proche banlieue.

Sur place, rares sont les électeurs qui disent vouloir réélire celui qu’ils accusent d’avoir déserté sa circonscription et privilégié Peshawar et les projecteurs des médias.

Son concurrent du PTI, Khaliq Ur Rehman, séduit bien plus avec son programme social et ses appels au dialogue avec les talibans. Les attaques contre l’ANP ne l’émeuvent guère. « Ils ont mené une guerre qui n’était pas la nôtre », dit-il, suggérant que l’ANP s’est fourvoyée en suivant la ligne américaine.

Même Ghulam Bilour aura fort à faire pour conserver son siège à l’assemblée nationale avec face à lui Imran Khan, l’étoile montante du Pakistan.

A l’automne dernier, Ghulam avait promis une récompense de 100.000 dollars à quiconque tuerait le réalisateur du film anti-islam « Innocence des musulmans ». Cet appel avait été critiqué en Occident mais avait conforté son image d’« amoureux du prophète » et sa popularité à Peshawar. [...]"

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