30 avril 2010
"Admettons que l’affaire soit trop belle, admettons que le président de la République se fourvoie en ne respectant pas le temps de débat au Parlement, admettons qu’il eût mieux valu ne pas demander l’avis du Conseil d’Etat, pour finalement s’en passer. D’accord, c’est de bonne guerre en démocratie de critiquer tout cela, on verrait mal les partis d’opposition dérouler un tapis rouge sous les pieds de ceux qui sont au pouvoir.
Mais faut-il pour autant qu’encore et toujours la gauche, et singulièrement les ténors ou petites voix du Parti socialiste ou des Verts, en profitent pour nous assener qu’"il y a des lois plus utiles et plus urgentes sur la condition des femmes", "que les Français ont des soucis plus importants en tête", "qu’il s’agit d’une entreprise de diversion sur une pratique certes choquant mais ultra-minoritaire", que "ça suffit cette stigmatisation systématique d’une religion", "qu’après le voile voilà la polygamie, où va-t-on s’arrêter ?"...
Incontestablement, toutes les femmes voilées intégralement ou non n’ont pas un mari polygame et il y a gros à parier que l’écrasante majorité d’entre elles n’ont pas envie qu’un jour leur époux leur dise qu’il a fait venir une autre femme. [...] Et pourtant, en portant le voile, quelle que soit sa taille sa forme, sa couleur, cette femme – ces femmes – signifie que la polygamie entre dans le champ des droits accordés au mari.
Non, la polygamie n’est pas un problème secondaire ! Il est au cœur du combat pour la libération des femmes dans tout une partie du monde et concerne des millions de femmes. Rien ne peut mieux faire comprendre qu’un homme vaut plusieurs femmes que lui donner ce droit, même encadré. Dans un texte particulièrement percutant intitulé "L’Enigme du Maghreb", la grande féministe algérienne Wassyla Tamzali rappelle que seule la Tunisie a interdit la polygamie, ajoutant : "C’est une lutte féroce qui est engagée pour conserver tous les symboles de cette domination [celle des hommes sur les femmes], notamment le plus sacré, la polygamie, si emblématique de la morale sexuelle des hommes musulmans. Un privilège qui était peu pratiqué, mais qui est dorénavant en hausse."
C’est vrai, il ne faut pas tout mélanger, mais le problème c’est que le premier à avoir tout mélangé est sans doute le mari de la conductrice voilée intégrale de Nantes. C’est aussi les religions, et en particulier la religion musulmane, qui sont réfractaires à la critique sous prétexte qu’elles ne font que transcrire les paroles de Dieu.
Tant que les religions n’auront pas eu le courage de faire un véritable tri dans leurs textes fondateurs afin d’en extirper les considérations, prescriptions ou licences contraires à l’égalité hommes/femmes, la laïcité sera la seule véritable politique de promotion du droit des femmes contre les résidus d’un passé que l’on croyait révolu. Voilà pourquoi, dans le cas précis qui nous occupe, la Ligue du droit international des femmes tout en réaffirmant son attachement au vote d’une loi d’interdiction du voile intégral, souhaite qu’on en revienne aux fondamentaux de la laïcité – qui auraient dû aussi être ceux de la gauche – et demande l’interdiction générale du port de signes religieux ostensibles dans l’espace public."
Lire “Non, le voile ou la polygamie ne sont pas des problèmes secondaires !”.
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