24 décembre 2009
"Partout retentit le même son de cloche : les religions seraient brimées, en particulier l’islam. Tous ceux qui font l’opinion, et ceux qui la représentent, ressassent la même antienne. Le grand débat national tourne en fait autour d’une défense du religieux. Haro sur les islamophobes, sur les vilains Suisses anti-minarets, sur l’imaginaire "catho laïque"... Mais où sommes-nous donc ? En république laïque ? Ou en république théocratique ?
L’apport majeur de la laïcité - la vraie, celle qui n’est ni ouverte ni fermée, la laïcité tout court -, c’est de faire de l’espace public un lieu de partage des valeurs communes, et non un lieu d’exhibition de la différence religieuse, qui peut aller jusqu’à afficher des signes de ségrégation sexuelle. Dès lors que cette règle minimale de neutralité n’est pas respectée, on assiste à la grande empoignade en cours, qui nous égare sur des chemins dangereux, menaçant l’harmonie sociale. La loi de 1905 est une loi de pacification, nous sommes en train de l’oublier et de rouvrir un débat douloureux, où personne ne trouve son compte.
Il est temps de remettre les choses dans l’ordre, dans la grande confusion ambiante. Ce ne sont pas les religions qui sont aujourd’hui malmenées, mais la République et ses principes. Le débat a été détourné de son sens, il dérive hors des chemins de la raison. La raison qui fonde les principes républicains. Et non la foi. Or on assiste à un envahissement de notre espace par des signes et des débats où le religieux s’immisce. On est en train de tellement ouvrir la laïcité qu’on la perd de vue. Or la majorité des citoyens de ce pays ne sont pas concernés par la pratique religieuse, ils se sentent laïques, et pour la plupart athées.
Leur donne-t-on la parole ? Par qui sont-ils représentés ? Où lit-on leur ras-le-bol devant cette inflation du religieux, cette compassion obscène pour le pauvre croyant discriminé ? Il y a un Conseil français du culte musulman (CFCM). Y a-t-il un conseil supérieur de la laïcité (CSL) ? On se préoccupe plus de la défense des croyants que de celle des républicains laïques, comme si la laïcité était acquise une fois pour toutes.
Or c’est elle qui est objectivement menacée. Face à l’implantation millénaire des religions, son petit centenaire ne fait apparemment pas le poids. Fragile laïcité, esquif vaillant venu de l’esprit des Lumières, elle tangue sur la mer houleuse des credo. Elle a réussi, miracle dans l’Histoire, à dégager le spirituel de la foi, à fonder le progrès personnel sur une éthique sans péché, à soumettre la notion de respect au tamis de l’esprit critique.
Alors je demande à nos beaux esprits qui font l’opinion et qui se réfèrent au respect des cultures :
Tout n’est pas digne de respect dans une culture, ou une religion. Le respect aveugle relève d’une démarche fondée sur la foi, pas sur la raison. L’étranger se doit de respecter les us et lois du pays d’accueil.
Le principe d’équivalence fait perdre la notion du juste. Il constitue une dérive grave de la notion d’égalité. L’idée d’équivalence est paternaliste, elle fait comme si tout le monde "il est beau, il est gentil", pour ne pas faire en sorte que tout le monde soit moins inégal. Nos beaux esprits se drapent dans leur bonne conscience de fils d’ex-colonisateurs, sans voir qu’ils continuent sur la lancée de leurs géniteurs. Bon Blanc ne saurait mentir... Démagogique à vomir, leur lamento à longueur de colonnes sur les déficits de multiculturalisme, et le retour supposé de la nation. Moi, je leur demande : comment traitent-ils à la maison leur compagne et leur femme de ménage ? Seuls comptent les actes du quotidien, et le diable gît dans les détails.
Pendant ce temps, la majorité des gens, dont ils sont coupés, et qu’ils culpabilisent à bon compte, étouffe de colère, et se défoule dans les urnes. Le Front national a de beaux jours devant lui. Le problème n’est pas l’islamophobie, mais une atteinte sournoise et grave à ce qui constitue l’identité de citoyen républicain. Rien à voir avec l’idée de nation ou la crispation identitaire.
Il s’agit de préserver les fondements universels de l’idéal républicain, si chèrement acquis : liberté, égalité, fraternité, laïcité. Ils sont encore en ébauche, tous frais émoulus de millénaires d’obscurantisme. Et voilà qu’on perd de vue l’essentiel : c’est la démocratie, en plein chantier, qu’il faut défendre et parfaire, pas les religions. Et s’il flottait dans l’air comme un climat de "républicophobie" ?"
Lire "Le ras-le-bol d’une citoyenne laïque, féministe et athée".
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