Note de lecture

Anne Sinclair - Mille Juifs déportés, les prémices de la Solution finale (G. Durand)

par Gérard Durand. 23 décembre 2020

[Les échos "Culture (Lire, entendre & voir)" sont publiés à titre informatif et ne reflètent pas nécessairement la position du Comité Laïcité République.]

Anne Sinclair, La Rafle des notables, Grasset, mars 2020, 128 p., 13 e.

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C’est le 12 décembre 1941 que ce produisit l’une des multiples abominations de l’occupation de la France par les nazis. Episode peu connu qu’Anne Sinclair nous décrit à partir des rares documents disponibles retrouvé au mémorial de la Shoah ou dans les archives de Serge Klarsfeld. Souvent attribuée au gouvernement pétainiste il apparaît en fait qu’elle est dû à l’armée allemande, même si les autorités françaises ont fourni une partie de la logistique, sans rien faire pour s’y opposer.

L’objectif de l’occupant était simple, capturer mille personnalités françaises juives, dans le but de les déporter ensuite vers les camps polonais. Il fait voler en éclats la fable de la prétendue volonté de Pétain de protéger les juifs français en ne livrant aux Allemands que des juifs étrangers réfugiés en France. Pour les nazis, un juif n’a pas vraiment de nationalité, sa condition de juif l’inscrit dans la liste de ceux qu’il faut détruire. La rafle dont nous parle Anne Sinclair intervient peu de temps avant l’adoption de la Solution finale, dont elle constitue les prémices, confirmée par la rafle du Vel’ d’Hiv en juillet 1942.

L’auteure écrit ce livre en hommage à son grand père Léonce Schwartz dont l’histoire la hante depuis l’enfance. Il a fait partie des 742 notables juifs réveillés à l’aube de ce 12 décembre et conduits dans le camp de Compiègne Royallieu. Ils y seront rejoints par 300 prisonniers du camp de Drancy afin d’atteindre le chiffre de mille, exigé par Berlin.

Le mélange de bourgeois assimilés depuis des générations, dont plusieurs anciens combattants s’étaient illustrés lors de la première guerre mondiale et de juifs étrangers de toutes conditions ne facilite pas une vie dans des conditions déjà atroces.

En 1941 il y a dans ce complexe de Compiègne Royallieu trois camps différents ; le premier est destiné aux prisonniers politiques et aux opposants français, le second détient pour l’essentiel des prisonniers russes capturés en France après la rupture du Pacte germano-soviétique, et tout au fond se trouve le camp des juifs, aux conditions d’accès renforcées.

Le récit est très personnel, nous voyons l’isolement absolu, la volonté réelle des Allemands de faire les détenus mourir de faim et de froid dans cet hiver glacial, où très peu avaient eu le temps d’emporter avec eux couvertures et vêtements chauds. Seul réconfort, les quelques subsistances passées à haut risque par les prisonniers russes, autorisés à recevoir des colis, en très petites quantités. Réconfort intellectuel aussi et l’on peine à imaginer les conférences organisées par ceux, spécialistes de domaines très divers allant de la poésie française au Moyen-Âge à la tenue d’une bonne comptabilité, pour un public dont une partie ne parvenait plus à tenir debout.

La suite est connue : embarquement des survivants en mars 1942 dans un train spécialement venu à Compiègne à destination d’Auschwitz, dont très peu reviendront.

La lecture est poignante sans être pleurnicharde et le style permet de redonner de la chair à ces hommes parfois oubliés. A lire en témoignage.

Gérard Durand


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