25 avril 2013
"[...] L’alliance des dictatures néolibérales et des islamistes sous-traitants a laissé place à l’alliance des islamistes avec les néolibéraux. Le pouvoir islamiste de Tunisie vient d’accepter la potion austéritaire du FMI. Pauvres altermondialistes qui de forums sociaux européens aux forums sociaux mondiaux déroulent le tapis rouge aux islamistes liés aux Frères musulmans (et notamment à Tariq Ramadan, le meilleur sophiste des Frères musulmans), alors que ceux-ci au pouvoir dans les différents pays sont devenus un rouage du néolibéralisme mondial.
Les « nouveaux chiens de garde » médiatiques du néolibéralisme français comme les ultra-laïques français (les réactionnaires d’extrême droite qui n’invoquent la laïcité que contre l’islam) ne parlent pour les pays arabes et/ou musulmans, que de libertés démocratiques, de pluralisme, sans comprendre que la vraie vie est en même temps la démocratie, la laïcité mais aussi les nouveaux droits économiques et sociaux permettant un processus de justice sociale. Et que pour cela, il convient aussi de définir un développement économique avec un processus d’industrialisation permettant d’augmenter la production de richesses car même la rente plus généreusement distribuée ne suffit pas. Et une Constitution même définie par une constituante (ce qui est une nécessité démocratique) ne suffit pas pour augmenter le niveau de vie des habitants, de construire des logements décents, une sphère de constitution des libertés permettant enfin des droits réels, du travail pour tous et partout.
Voilà où se trouve l’échec des islamistes des Frères musulmans au pouvoir en Tunisie ou en Egypte. Voilà pourquoi ils utilisent des milices meurtrières en Tunisie (les Ligues de protection de la révolution, LPR) contre les militants de la gauche sociale, démocratique et laïque. Il est à rappeler que la direction du parti islamiste Ennahda a demandé la libération des membres des LPR qui avaient assassiné le secrétaire général de Nida Tounès. Le militant de la gauche sociale et laïque Chokri Belaïd qui s’était élevé contre cette position a été à son tour assassiné sans que la troïka au pouvoir (islamistes d’Ennhada, néolibéraux du CPR et d’Ettakatol) ne cherche vraiment le coupable.
Contrairement à une idée reçue des anti-laïques sur la spécificité française du combat laïque, il y a bien aujourd’hui un combat planétaire pour la laïcité : ainsi depuis le début de l’année, dans la seule ville de Karachi, 33 responsables de l’Awami National Party (ANP) ont été assassinés. Pour la plupart, ces meurtres font suite à des pressions du Tehrik-e-Taliban Pakistan (TTP), l’une des organisations des talibans pakistanais, qui vise à instaurer un régime islamiste radical à l’un des plus importants pays musulmans.
Par ailleurs, l’histoire ne repasse jamais les mêmes plats, tout simplement parce que les situations historiques ne sont jamais identiques. Comme l’affirme Hannah Arendt :
« La sécularisation - la séparation du religieux d’avec le politique et l’essor d’un domaine séculier possédant une dignité qui lui est propre - constituent certainement un facteur crucial du phénomène révolutionnaire… À dire vrai, il se peut même, en fin de compte, que ce que nous appelons révolution soit précisément cette phase de transition qui aboutit à la naissance d’un nouveau domaine séculier. »
Alors aujourd’hui une révolution religieuse est une contradiction et un oxymore.
Comme le dit encore Yadh Ben Achour sur son blog en parlant des réactions populaires aux actions des islamistes tunisiens :
« Ces tentatives ont heureusement avorté, ce qui montre que le peuple de la révolution n’est pas aussi minoritaire qu’on pourrait le croire. Il en est ainsi de la demande de Sadok Chourou, ancien président du parti Nahdha qui a revendiqué que la Constitution contienne un article indiquant que la Sharia sera la source essentielle de la législation et qui par la suite a rappelé aux « coupeurs de route » protestataires qu’ils étaient justiciables du verset 33 de la sourate de « La Table » qui prévoit des peines de mort, de crucifixion ou d’amputation. La grande manifestation du 20 mars 2012 a mis fin à ces tentatives de théocratisation de l’Etat. Il en est également ainsi de la « complémentarité » homme-femmes, introduite dans le premier avant-projet de Constitution, puis retiré du second. Dans le même sillage, citons la criminalisation de l’atteinte au sacré consacré dans le premier avant-projet de constitution, puis également retiré. Mais les menaces sont toujours présentes, comme, dans le 2e avant-projet de Constitution, le refus de protéger expressément la liberté de conscience et la consécration du système de la religion d’Etat dans l’article 148. »
En fait, le printemps arabe n’est que le début d’un processus qui pour être porté à terme doit globaliser les combats démocratiques, laïques et sociaux. C’est ce que souhaitait notre ami tunisien Chokri Belaïd du Front populaire. Voilà pourquoi il restera pour nous un guide.
Revenons en France. Alors que les combattants pour la liberté en Afrique du Nord mettent en avant les principes de liberté, d’égalité, de laïcité , de solidarité, voilà qu’en France, Médiapart met en circulation une pétition intitulée L’appel de militants et sympathisants du Front de gauche contre l’islamophobie qui regroupe les « idiots utiles » du communautarisme : revenant sur l’arrêt de la Cour de cassation dans l’affaire Baby-Loup, ils en profitent pour attaquer la laïcité en revenant de surcroît sur la question des accompagnatrices voilées des sorties scolaires, que l’on espérait classée.
Redisons-le, une révolution citoyenne menant à la VIe République que nous appelons de nos vœux (et qui ne sera pas bien sûr un simple mistigri institutionnel) ne pourra avoir un soutien populaire que si la gauche de gauche globalise les combats démocratiques, laïques, sociaux, féministes, économiques et écologiques."
Comité Laïcité République
Maison des associations, 54 rue Pigalle, 75009 Paris
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