Culture / Cinéma

Adults in the room : Punir un peuple qui a mal voté (G. Durand)

par Gérard Durand. 28 novembre 2019

[Les échos "Culture (Lire, entendre & voir)" sont sélectionnés à titre informatif et ne reflètent pas nécessairement la position du Comité Laïcité République.]

Adults in the room, de Costa-Gavras (2 h 04 min). Avec Christos Loulis, Alexandros Bourdoumis, Ulrich Tukur. Sorti le 6 novembre 2019.

PNG - 89.1 ko

Qui se souvient de la grande crise grecque, peut-être moins de gens qu’il parait, le temps a passé et le drame est ancien, au fait, comment va la Grèce en cette fin d’année 2019, combien de reportages, de bilans ? Eh bien pas grand-chose, l’Europe a d’autres soucis, d’autres problèmes à gérer pour s’émouvoir encore du sort de ce petit peuple.

Quand Costa Gavras s’est emparé du sujet on pouvait espérer un regain d’intérêt, voir comment les recettes de l’ultra libéralisme fonctionnent… ou pas. Mais on est un peu déçu, le film est conçu comme un reportage sur les négociations ayant suivi la victoire électorale de Tsipras et de son parti Siriza. Sans doute par souci de crédibilité il a poussé le détail jusqu’à choisir ses personnages sur leurs ressemblances physiques avec les auteurs réels de la tragédie, cheveux presque rasés de Varoufakis, ministre allemand dans son fauteuil roulant, rondeur du ministre français, élégance de la Française présidente du FMI (Christine Lagarde), on s’y croirait.

Les règles du jeu sont vite posées. Pour la troïka (BCE, Commission et FMI), l’élection d’un gouvernement de gauche est une véritable gifle, un affront qu’il faut punir en ne lui accordant plus rien. Pour la Grèce, il faut au contraire sortir de l’ornière. Et il n’y a qu’un seul moyen : renégocier la dette. Et les masques tombent : la dette doit être payée, disent tout particulièrement les Allemands, mais aussi les Français, car ils savent qu’en sauvant la dette ils sauvent surtout leurs banques.

Rien n’y fera, surtout pas si on leur explique ce qu’ils savent déjà, que les fameux plans de sauvetage de la Grèce n’étaient que du bluff pour les infos télévisées des autre pays. L’argent sitôt versé retournait dans les coffres des banques et les Grecs n‘en voyaient qu’une toute petite partie.

Le film sera une longue série d’allers et retours, d’Athènes à Berlin ou Francfort, de négociations interminables que la majorité des acteurs ne veulent pas faire aboutir, Varoufakis finit par démissionner, et quand Tsipras prend le relais, la scène finale nous le montre enfermé dans un cercle dont il est prisonnier et dont il ne pourra sortir qu’après avoir capitulé.

Le plus extraordinaire est que tout se décide au sein de l’Eurogroupe qui rassemble les ministres des finances mais qui ne figure dans aucun traité, n’a par conséquence aucune existence légale et ne doit rendre compte à aucun parlement et encore moins aux peuples de chaque pays. Ainsi va la démocratie en Europe.

Les images sont réussies et les acteurs convaincants, il n’en manque qu’un seul, le peuple grec, dont l’apparition est limitée à des images de foule puisées dans les archives. Même s’il soutient Tsipras dans sa démarche par un oui massif au référendum, il ne semble pas décider grand-chose.

La vengeance est claire, bien au-delà des problèmes financiers, il faut punir, pour l’exemple, pour effrayer d’autres peuples européens qui voudraient s’extraire du carcan financier et de l’ultra-libéralisme. En cette fin de 2019, la Grèce est gouvernée par une équipe de droite, les fascistes ont doublé leur score et la gauche est discréditée pour longtemps.

A voir si l’on s’intéresse à l’Europe et son fonctionnement

Gérard Durand


Comité Laïcité République
Maison des associations, 54 rue Pigalle, 75009 Paris
Voir les mentions légales