10 juillet 2018
[Les articles de la revue de presse sont sélectionnés à titre informatif et ne reflètent pas nécessairement la position du Comité Laïcité République.]
"Rapport publié par le consultant et banquier Hakim El Karoui, mesures promises par le président de la République à l’automne, annonces du Conseil français du culte musulman… En ce début d’été, les annonces se succèdent concernant la structuration d’un « islam de France ». Décryptage.
► Pourquoi un « islam de France » ?
Organiser un « islam de France » doit permettre aux Français de confession musulmane de pouvoir pratiquer leur culte librement et dignement, dans le respect des lois et des valeurs de la République. Et donc de disposer de mosquées aux normes, de lieux d’abattage pour la viande halal, de carrés musulmans où être enterrés… mais aussi de lieux pour se former à un islam ouvert à la liberté de conscience, au pluralisme, à l’égalité entre hommes et femmes, bref permettant de vivre de manière apaisée dans la société française.
Dans la France laïque, il est de la responsabilité des musulmans eux-mêmes de construire les mosquées, former et salarier les imams, etc. Mais, en raison de sa présence récente, de ses liens avec les pays d’origine et de la crise actuelle du monde arabo-musulman, la communauté musulmane n’est pas suffisamment organisée pour cela. Le Conseil français du culte musulman (CFCM) est empêtré dans ses querelles intestines. Chaque fédération – et parfois chaque mosquée – collecte ses propres fonds sur lesquels elle veille jalousement. Aucun projet collectif n’émerge pour proposer une formation de qualité aux imams et à ceux qui enseignent l’islam dans les mosquées.
► Quelles propositions ?
Conscient de ces divisions, l’État a, depuis les années 1980, cherché à accompagner la structuration de l’islam en France, alternant les phases interventionnistes ou au contraire de désengagement. L’actuel président de la République a promis, lui, des mesures début 2018, avant de repousser l’échéance. « Dès l’automne, nous clarifierons cette situation en donnant à l’islam un cadre et des règles garantissant qu’il s’exercera partout de manière conforme aux lois de la République. Nous le ferons avec les Français dont c’est la confession et avec leurs représentants », a-t-il promis lundi devant les députés et sénateurs réunis en Congrès à Versailles.
Dans son édition datée de vendredi, Le Monde fait état d’« une note qui pourrait inspirer » Emmanuel Macron. Elle lui a été présentée fin mars par le consultant et ancien banquier Hakim El Karoui, déjà auteur d’un rapport pour l’Institut Montaigne (L’islam, une religion française, Gallimard, 2018). Son idée est de créer une Association musulmane pour l’islam de France (Amif) « chargée de collecter suffisamment de fonds pour pouvoir financer le salaire et la formation des imams, la construction et l’entretien des lieux de culte, un travail théologique et des actions de lutte contre l’islamophobie et l’antisémitisme ». Elle serait financée par une redevance sur les ventes de viande halal, une contribution des agences organisant les pèlerinages à La Mecque et les dons des fidèles.
Son conseil d’administration serait composé de « figures exemplaires, sans conflits d’intérêts », dont des imams Tareq Oubrou (Bordeaux), Mohamed Bajrafil (Ivry-sur-Seine) ou Azzedine Gaci (Villeurbanne), et des représentants de la société civile comme les médecins Sadek Beloucif et Abderrahmane Azzouzi, ou l’islamologue Rachid Benzine.
Piquées au vif par ces propositions qui les court-circuitent, les grandes fédérations de mosquées, membres du CFCM, ont annoncé lundi 9 juillet la création imminente d’une « Association pour le financement et le soutien du culte musulman ». Un projet dans les cartons depuis 18 mois. Le communiqué ne donne toutefois aucune précision sur ce qu’elle financera, ni surtout qui en décidera.
► Quel avenir ?
En attendant un hypothétique « grand soir », le ministre de l’intérieur a demandé à chaque préfet d’organiser dans son département et d’ici au 15 septembre des « assises territoriales de l’islam de France ». A la différence de l’instance de dialogue que son prédécesseur, Bernard Cazeneuve, avait voulue nationale, ces réunions décentralisées doivent permettre la « concertation » avec « les acteurs de terrain ».
Selon la circulaire du ministère de l’intérieur, ces assises pourront se tenir sous la forme d’« ateliers, de tables rondes » ou de séances « plénières ». Le tout étant de consulter les membres de la communauté musulmane « en prêtant attention à la représentation de voix diverses, plus jeunes et plus féminines », en leur donnant « le plus largement et le plus librement la parole » sur « les questions qui les préoccupent »... et de recueillir des « propositions constructives ».
Tout ceci est-il de nature à faire émerger un discours musulman en phase avec les valeurs de la République ? Face au terrorisme islamiste, « le travail doit se poursuivre sans fébrilité et sans relâche. C’est celui d’une génération », a reconnu lundi Emmanuel Macron. C’est sans doute l’horizon le plus probable.
Anne-Bénédicte Hoffner"
Comité Laïcité République
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