12 mai 2023
[Les éléments de la Revue de presse sont sélectionnés à titre informatif et ne reflètent pas nécessairement la position du Comité Laïcité République.]
"Les bénédictines du Sacré-Cœur de Montmartre (BSCM) ont publié mardi 2 mai un communiqué écrit conjointement avec des religieuses ayant quitté la communauté. Elles reconnaissent « un système d’emprise, aux conséquences graves et durables, mis en place sur plusieurs décennies » par les anciennes responsables.
Alice d’Oléon
Lire "Abus spirituels : les bénédictines de Montmartre demandent pardon aux sœurs victimes"
et sur le site des Bénédictines de Montmartre "Communiqué de presse du 27 avril 2023".
► Que dit le communiqué des bénédictines de Montmartre ?
Pour la première fois publiquement, les bénédictines de Montmartre, reconnaissent « des années d’emprise » et des violences au sein de leur communauté qui ont « engendré de graves traumatismes, dont les effets perdurent encore chez certaines aujourd’hui » et qu’elles vont jusqu’à qualifier de « perversion de la vie religieuse ». « Ces dérives ont causé de nombreux départs de sœurs, dans des conditions trop souvent douloureuses et difficiles, l’autorité de l’époque ne les ayant ni soutenues, ni accompagnées, mais ostracisées », reconnaissent-elles dans un communiqué publié le 2 mai.
La liste des violences infligées aux sœurs « broyées par l’ampleur des souffrances qu’elles ont subies durant tant d’années » semble infinie : « Abus spirituels et de conscience, abus de pouvoir et d’autorité, séparation des sœurs d’avec leur famille et leur référent spirituel, violences morales et physiques, menaces, mensonges systématisés, calomnies, climat de peur et de manipulation, humiliation, privation de liberté, absence de discernement vocationnel… »
Ce système d’emprise et de graves dysfonctionnements s’est étendu sur plusieurs décennies mais sœur Marie-Jérémie Rorthais, la conseillère générale de la communauté jointe par la Croix, date « la période particulièrement complexe entre 1998 et 2012 ». Quant au nombre de victimes, impossible de l’établir, précise-t-elle, car « d’une certaine manière, nous avons toutes été victimes ».
Dans cette démarche inédite, les responsables actuelles de l’institut demandent publiquement pardon aux sœurs qui ont été victimes de ces dérives. Elles le font même nommément en s’excusant auprès de Roseline de Romanet (mère Marie Vianney) « empêchée, malgré elle, d’exercer sa charge de prieure générale de 1998 à 2004, humiliée, gravement et durablement calomniée (ainsi que sa famille) auprès des sœurs et de l’Église ».
► Pourquoi cette demande de pardon ?
Désireuses de faire la lumière sur les violences endurées pendant plusieurs décennies au sein de la communauté, plusieurs sœurs sorties de l’Institut des bénédictines du Sacré-Cœur de Montmartre ont pris contact avec l’actuelle prieure générale. D’un commun accord, elles ont décidé de vivre un week-end de « relecture » du passé les 11 et 12 février derniers duquel est né ce communiqué.
« C’était une étape très importante pour les sœurs sorties mais aussi pour celles qui sont encore à l’intérieur de la congrégation », précise sœur Marie-Jérémie Rorthais. « Pouvoir mettre des mots communs sur notre histoire est absolument fondamental pour renouer un dialogue et avancer sur un chemin de réconciliation », détaille-t-elle.
► Pourquoi une déclaration si tardive ?
Le communiqué fait état de « l’ampleur, la puissance et la profondeur de l’emprise » pour expliquer le caractère tardif de cette déclaration. Une première visite apostolique a pourtant eu lieu dès 2004, puis une deuxième en 2012 à la suite de laquelle un « un chemin de réforme et de conversion » a été entamé par la communauté.
« Le fait de communiquer onze ans après la dernière visite apostolique peut surprendre, et a été une source de souffrance pour certains, mais beaucoup d’entre nous ont eu besoin de ce temps pour sortir totalement de cette emprise et nous remettre sur pied », font valoir les sœurs dans le communiqué. « Cela a été très long, trop long, ajoute sœur Marie-Jérémie Rorthais, mais ce processus a nécessité beaucoup de temps pour que nous puissions aussi être lucides sur notre histoire et pouvoir en parler avec une plus grande liberté. »
► La communauté peut-elle encore se réformer ?
Les signataires de cette déclaration souhaitent voir la mise en place d’une commission indépendante pour « mieux identifier, comprendre et analyser l’ensemble des dérives qui ont eu lieu ainsi que d’envisager les contours d’une juste réparation ».
Les modalités de cette commission ne sont pas encore définies ; sa mise en place sera une nouvelle étape sur le « chemin de compréhension », d’après la conseillère générale. « C’est un processus. Nous souhaitons réparer dans la mesure du possible car évidemment la souffrance des personnes victimes est profonde et a des conséquences, précise-t-elle. Chaque étape contribue à cette réparation. »
D’autres communautés féminines ont, ces dernières années, reconnu elles aussi des systèmes d’emprise et d’abus spirituels comme les sœurs de Bethléem, en 2021, mais cette démarche portant uniquement sur des abus de pouvoir et des manipulations reste assez rare."
Voir aussi dans la Revue de presse la rubrique Eglise catholique, le dossier Le Sacré-Cœur classé monument historique (2020-22) dans Commémorations dans Histoire (note du CLR).
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