Anne Rosencher, directrice déléguée de la rédaction de "L’Express". 17 juin 2022
[Les éléments de la revue de presse sont sélectionnés à titre informatif et ne reflètent pas nécessairement la position du Comité Laïcité République.]
"Au premier tour des législatives, 52,5% des inscrits se sont abstenus. Les raisons à cette immense désaffection sont nombreuses.
[...] Passons rapidement, d’abord, sur les causes structurelles. Non qu’elles soient mineures, au contraire. Mais elles dessinent une pente générale contre laquelle il faudra des décennies et le sursaut de tous - citoyens, corps intermédiaires, politiques etc. - pour espérer lutter vraiment. Je parle là de la pente individualiste que l’on observe dans toutes les sociétés occidentales, qui conduit à un repli sur la sphère privée, le cocon et l’horizon du "jour le jour", au détriment de l’espace et du temps publics. Cette évolution culturelle accouche d’un rapport à la politique qui se borne à lui demander un minimum de sécurité - physique et sociale - et se désintéresse du reste... Voilà qui grignote peu à peu les rites de la citoyenneté.
Et disons que l’actuel paysage politique français n’arrange rien à l’affaire. Car enfin, où en est-on de la recomposition commencée en 2017, quand l’élection d’Emmanuel Macron a fait voler en éclat la vieille alternance droite/gauche, que les Français avaient fini par juger factice et insatisfaisante ? Réponse : nous nous installons dans une (autre) crise de régime. Pour le comprendre, il faut écouter ce que disent les macronistes eux-mêmes de ce que représente la majorité présidentielle : l’autre soir, dans une émission sur France 5, l’homme de lettres Camille Pascal - ex-plume de Nicolas Sarkozy, puis, récemment, de Jean Castex - disait du nouveau gouvernement, qu’il était "enfin, le cercle de la raison, dans sa version large, au pouvoir".
C’est bien ainsi que les macronistes - et avec eux, une partie de leurs électeurs - voient les choses. Qu’ils y réfléchissent, néanmoins : si "le cercle de la raison" est au pouvoir, cela veut dire que tout le reste relève de la déraison. Or s’il n’y a plus d’alternative, il n’y a plus de politique. Et il n’a plus, au reste, qu’une forme dégradée de démocratie. Voilà à mon sens, une cause conjoncturelle fondamentale de l’abstention et de l’aboulie démocratique qui nous guette.
[...] Les désaccords ne sont pas le résultat d’un manque de "pédagogie" comme semblent le croire trop souvent nos ministres : ils sont consubstantiels aux sociétés, et c’est le rôle de la politique que de les exposer, les fouiller et les arbitrer. [...]
Ensuite. Pour que le miracle démocratique fonctionne, il faut que les options et les propositions de l’opposition soient portées par des représentants crédibles. [...]"
Lire "Abstention record : les fautifs ne sont pas ceux que vous croyez".
Voir aussi dans la Revue de presse Le vainqueur des législatives : l’ennui (Riss, Charlie Hebdo, 15 juin 22) et « Une part non négligeable de citoyens ne savait pas qu’il y avait des élections dimanche » (J.-Y. Dormagen, Le Figaro, 15 juin 22) dans la rubrique Elections 2022 (note du CLR).
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