Revue de presse

"A Strasbourg, Erdogan galvanise la diaspora turque contre le PKK" (lemonde.fr , 4 oct. 15)

6 octobre 2015

"Près de 12 000 personnes sont venues écouter le président islamo-conservateur, lors d’un rassemblement contre le terrorisme aux allures de meeting électoral.

Un seul drapeau, un seul pays, une seule foi : tel était le message que le président de la République de Turquie, Recep Tayyip Erdogan, est venu délivrer aux Turcs de la diaspora européenne réunis pour assister à la « rencontre citoyenne contre le terrorisme » organisée dimanche 4 octobre au Zénith de Strasbourg. Sans jamais évoquer l’Etat islamique (EI), le dirigeant a consacré l’essentiel de son discours, retransmis en direct par les principales chaînes de télévision turques, à la lutte contre la guérilla du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) et aux affrontements qui l’opposent depuis août aux forces de sécurité d’Ankara dans le sud-est majoritairement kurde de la Turquie.

M. Erdogan a appelé à l’unité de son pays devant plus de 12 000 de ses concitoyens venus de France, d’Allemagne et des pays limitrophes. Précédée par une prière collective dirigée par un imam venu de Turquie, l’allocution a rappelé la volonté d’Ankara de poursuivre le combat « jusqu’au bout » et son refus d’« abandonner le pays aux vauriens », condamnant dans un même élan le mouvement armé kurde, ses partisans installés en Europe et, à mots couverts, le Parti démocratique des peuples (HDP, prokurde).

Lors des législatives du mois de juin, le succès de ce parti légal lié au PKK auprès des kurdes de Turquie mais aussi de l’électorat de gauche avait empêché le Parti de la justice et du développement (AKP), formation politique islamiste dont M. Erdogan est le fondateur, de conserver la majorité absolue au Parlement, qu’il détient depuis son arrivée au pouvoir en 2002. A la suite de l’échec des tentatives de formation d’une coalition gouvernementale, de nouvelles élections sont prévues pour le 1er novembre, bien que les affrontements avec le PKK ne faiblissent pas dans les régions kurdes.

Alors que M. Erdogan arrivait en Europe, la journée de dimanche a notamment été marquée par des opérations militaires qui auraient fait deux morts civils en marge de combats avec des militants armés dans les villes kurdes de Silvan et Nusaybin. Se posant en chef de guerre, M. Erdogan a assuré la détermination de la Turquie, qu’il préside sans gouvernement majoritaire depuis les dernières élections, à « écraser l’organisation terroriste ». L’audience, acquise, lui a répondu en scandant « Allahou akbar ! » (« Dieu est grand » en arabe).

Excluant de fait toute sortie négociée de la crise sécuritaire en cours, il a assuré : « Tous ceux qui veulent se détacher de nous, nous (…) le leur ferons regretter », en allusion aux velléités séparatistes qu’il accuse le mouvement kurde de poursuivre. Avant de souligner, comme un avertissement, que le chaos règne encore dans les territoires dont l’Empire ottoman s’est retiré.

Les menaces de la censure des autorités électorales de Turquie, gardiennes des principes laïcs de la République, n’ont pas empêché le président turc de faire un usage appuyé des références religieuses, dans un discours émaillé de références aux valeurs et aux symboles islamiques, alliées à l’exaltation de la nation turque.

Se laissant aller à de grandes envolées historiques, il a décrit la lutte contre le PKK comme le prolongement des guerres menées par les grands conquérants turcs, mêlant la victoire de Saladin à Jérusalem contre les croisés, la prise de Constantinople par le Mehmet II et la bataille des Dardanelles qui opposa l’armée ottomane aux alliés européens en 1915. « Nos cœurs sont à l’unisson aujourd’hui comme ils l’étaient à ces périodes », a-t-il affirmé, fustigeant les « calculs » qui voudraient porter atteinte à l’unité nationale, avant de rendre hommage aux « martyrs » des forces de sécurité, tombés récemment dans la lutte contre le PKK.

Si le conflit avec le mouvement kurde a dominé le discours, le président Erdogan, qui devait rencontrer les dirigeants de l’Union européenne lundi à Bruxelles, a également condamné avec virulence la réponse des Etats européens à la crise des migrants. La foule a hué ces Etats « donneurs de leçons ». Dénonçant l’insuffisance de l’aide extérieure apportée à Ankara, qui a accueilli sur son sol près de deux millions de réfugiés syriens et irakiens, et l’absence de volonté européenne de partager ce « fardeau », M. Erdogan a présenté la Turquie comme le défenseur de « la vraie civilisation » face à une Europe affectée par « la xénophobie, l’islamophobie et le racisme ».

Selon les organisateurs appartenant à des associations communautaires et religieuses proches du pouvoir turc et soutenues par un réseau de mosquées reconnues officiellement par Ankara, la rencontre du président Erdogan avec ses partisans européens est sans rapport avec le contexte électoral dans lequel se trouve la Turquie. Les Turcs de l’étranger ayant la possibilité de participer aux élections nationales depuis 2014, le président Erdogan n’a cependant pas omis d’appeler ses concitoyens à se rendre aux urnes consulaires lors des prochaines législatives anticipées, un scrutin sous haute tension où, pour l’AKP, chaque voix comptera."

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