Revue de presse

A. Shalmani : "Soutenir la LDH, ça n’est plus du tout soutenir les défenseurs de Dreyfus !" (L’Express, 27 av. 23)

Abnousse Shalmani, journaliste et écrivaine. 2 mai 2023

[Les éléments de la Revue de presse sont sélectionnés à titre informatif et ne reflètent pas nécessairement la position du Comité Laïcité République.]

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Lire "Soutenir la LDH, ça n’est plus du tout soutenir les défenseurs de Dreyfus !, par Abnousse Shalmani".

"La Ligue des droits de l’homme n’en a plus que le nom. Largement déshonorée lors de son soutien actif aux procès de Moscou en 1936, elle a initié ces dernières décennies une lente mais vigoureuse dérive d’accommodements avec l’islamisme (condamnation publique des caricatures de Charlie, défense de l’Imam Iquouissen, défilé avec le CCIF - interdit depuis pour séparatisme -, on en passe et des nombreuses…). Nonobstant, elle continue d’exercer son emprise sur une grande partie de la gauche qui en réfère à l’affaire Dreyfus – la LDH le soutiendrait-elle aujourd’hui, elle qui a tendance à ramener toute question concernant les Français juifs à la question d’Israël, qu’elle dépeint comme le grand méchant colonisateur ? Cette gauche, disions-nous, s’engouffre, et creuse la tombe de la démocratie à coups de légitimation des violences et de défense des "nouveaux opprimés" même s’ils sont terroristes. Certains vont jusqu’à afficher leur soutien à l’association en signant des pétitions et en prenant leur carte au nom de la liberté et des droits que rejette et piétine justement la LDH.

Si la Ligue des droits de l’homme est bien née au moment de l’affaire Dreyfus, fondée en 1898 par le sénateur de la Gironde Ludovic Trarieux, sa matrice existait déjà depuis dix ans. Le 23 mai 1888, Clemenceau crée "la Ligue des droits de l’homme et du citoyen pour défendre la République contre les menaces de dictature", en réponse aux victoires électorales du général Boulanger. Né du radicalisme et soutenue par des hommes venus de l’extrême gauche radicale ou socialiste, le "parti national" de Boulanger bénéficie de l’assise populaire de la Ligue des patriotes, fondée en mai 1882 par Paul Déroulède, républicain convaincu et ancien combattant, forte de 200 000 adhérents.

Toute ressemblance avec des faits d’aujourd’hui….

La jeune IIIe République est en crise : entre la perte de l’Alsace-Lorraine après la défaite de 1870 (7 % de la capacité industrielle de la France, tout de même), la raréfaction du crédit, la crise boursière de 1882 et la profonde crise agricole, la baisse de la natalité et une hausse notable de la délinquance (la loi Bérenger introduit la "petite récidive" pénale, qui alourdit les peines pour les délits mineurs à répétition), une poussée de la xénophobie (les ouvriers français font la chasse aux immigrés italiens à Marseille et Arles, poussant le Parlement à adopter une loi qui durcit les conditions de l’immigration), tout va mal – toute ressemblance avec des faits d’aujourd’hui, etc.

Ce que réclament Boulanger et l’obscur éventail qui l’entoure (de l’extrême gauche à la droite antiparlementaire), c’est la fin de la république du compromis et du parlementarisme vicié. Le mot d’ordre est simple : "dissolution, constituante, révision" - toute ressemblance avec des personnages existants aujourd’hui, etc. C’est la naissance du populisme français, ni droite ni gauche, national, autoritaire, social et interventionniste. Boulanger sera élu en avril 1888, en bénéficiant d’une forte abstention électorale – toute ressemblance, etc. - mais la crise est grave : la République est remise en cause – toute ressemblance avec des faits et des personnages existants d’aujourd’hui, etc.

Le boulangisme ne durera guère, divisé entre sa gauche et sa droite, et c’est l’échec aux élections législatives de 1889. Et, comme il se doit en France, où les passions amoureuses vont de pair avec la grandeur et la décadence politique, le général Boulanger se suicide en Belgique sur la tombe de sa maîtresse, la si bien nommée Mme de Bonnemains.

L’Histoire est indispensable pour permettre de mesurer le présent, sans excès, sans dramatisation, sans réécriture partisane. La LDH a perdu son latin en soutenant des groupes et des idéologies contraires à son ADN, il suffit d’ouvrir un livre d’histoire pour le constater et condamner la LDH aujourd’hui sans oublier celle d’hier.

Je ne sais pas de quel mal sont pris nombre de commentateurs, de politiques, de journalistes qui s’étouffent à hurler que jamais la France n’a jamais été dans une crise si grave et n’a jamais autant manqué de tomber dans l’abîme de l’autoritarisme. Crise institutionnelle, crise de régime, crise la plus grave depuis la guerre d’Algérie (Pierre Rosanvallon, entre autres, s’égare dans d’étranges chemins aussi éloignés de la réalité que possible) pour décrire ce qui est une crise politique, né du choix des citoyens français d’une Assemblée qui leur ressemble. Les institutions tiennent, ce sont les politiques qui se tiennent mal. Il suffit là encore d’ouvrir un livre d’histoire pour éviter de trébucher sur un fantasme. Fantasme dont se nourrissent autant ceux qui voient la LDH pour ce qu’elle n’est plus depuis longtemps que ceux qui espèrent un chaos institutionnel dont ils espèrent sortir vainqueur."


Voir aussi dans la Revue de presse le dossier Ligue des Droits de l’Homme (LDH) (note du CLR).


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