Aurélie Jean, docteure en sciences et entrepreneure, auteure de "Les algorithmes font-ils la loi ?" (L’Observatoire, 2021). 25 mai 2022
[Les éléments de la revue de presse sont sélectionnés à titre informatif et ne reflètent pas nécessairement la position du Comité Laïcité République.]
"Les scandales de ces dernières années ont fait du tort à la discipline algorithmique et à ses acteurs. Les discriminations technologiques basées sur le genre, l’ethnicité, ou encore l’âge, ainsi que la propagation accélérée de contenus transgressifs sur les réseaux, ont rythmé l’actualité scientifique, laissant peu de place aux récits sur l’innovation et le progrès.
À cela, on tend à assimiler tous les algorithmes à ceux des réseaux sociaux uniquement, en les supposant tous mauvais et menaçants pour nos libertés fondamentales. Mais en réalité et en pratique c’est à nous, individuellement et collectivement, de choisir ce que les algorithmes sont : libérateurs ou liberticides.
Ce choix est multidimensionnel car il dépend de plusieurs facteurs dans lesquels chaque protagoniste a un rôle pour agrandir le champ des possibles. En cela, le système est beaucoup plus interdépendant qu’on l’imagine, et chaque personne sur l’échiquier socio-économique et technologique a un levier d’action et d’influence.
Tout d’abord, les concepteurs – scientifiques et ingénieurs – et les propriétaires de ces algorithmes ont le droit de privilégier ou de refuser un développement dans l’objectif de faire mieux ou d’éliminer le mal, même fait à une minorité d’individus.
Puis, les utilisateurs que nous sommes tous, peuvent décider des outils et des applications à adopter en connaissant leur fonctionnement algorithmique sous-jacent et donc les risques probables. Pour cela, nous devons comprendre un minimum les mécanismes de construction et d’action d’un algorithme. Les États quant à eux, doivent construire des politiques publiques pertinentes qui encouragent l’innovation tout en protégeant les libertés. Cela passe par des grands projets de financement ainsi que par des régulations judicieusement articulées et appliquées.
Les algorithmes bien construits et correctement utilisés sont des vecteurs d’émancipation, et la pandémie de Covid-19 nous l’a démontré. La conception accélérée d’un vaccin, l’anticipation des évolutions démographiques, géographiques et temporelles du virus, la réorganisation en temps quasi-réel d’urgences médicales, ou la détection de cas asymptomatiques, sont des exemples concrets.
La communication, le transport, la gestion des chaînes de production, l’énergie, la chasse aux fraudes financières, ou encore l’enseignement, sont d’autres domaines dans lesquels les algorithmes aident à innover en profondeur afin de minimiser le risque d’accidents et d’erreurs, rendre les processus plus inclusifs et sécuriser les systèmes.
De manière générale, asseoir ses choix sur des faits et un raisonnement affûté est souvent difficile mais pas impossible. Cela demande du temps, de l’énergie et des efforts de toutes les parties. Peu importe sa position sur l’échiquier, on doit être exigeant envers tous les acteurs incluant sa propre personne, en commençant par s’interroger. Et c’est bien sûr une exigence de chaque jour, sans quoi nos libertés disparaîtront."
Lire "« Algorithmes : libérateurs ou liberticides, à nous de choisir » – par Aurélie Jean".
Voir aussi dans la Revue de presse le dossier L’Opinion, 9e anniversaire : La liberté, notre combat (13-14 mai 22) (note du CLR).
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