7 janvier 2017
"[...] Manuel Valls a pris à partie le New York Times après la parution d’une enquête dénonçant l’attitude liberticide de la France à l’endroit des femmes musulmanes. Est-ce l’Amérique qui veut la peau de la laïcité ? Ou cette part de l’Amérique dont l’esprit se referme ? [1]
Ce n’est pas Manuel Valls qui a pris à partie le New York Times, c’est le New York Times qui s’en est pris à la France à travers des témoignages de femmes musulmanes dont voici quelques extraits : « Etre musulmane en France, c’est vivre dans un régime d’apartheid dont l’interdiction de plage n’est que le dernier avatar. Je crois que les Français seraient fondés à demander l’asile aux Etats-Unis, par exemple, tant les persécutions que nous subissons sont nombreuses » ; « J’ai peur un jour de porter une lune jaune sur mes habits comme l’étoile de David pour les juifs il n’y a pas si longtemps. »
Le Premier ministre français a répondu à ces attaques d’autant plus blessantes que le quotidien américain qui les publiait les reprenait entièrement à son compte, et ce sont des médias français, le Monde, Libération, Mediapart, qui l’ont aussitôt rappelé à l’ordre.
Qu’est-ce à dire ?
Une même idéologie néoprogressiste est en effet à l’œuvre des deux côtés de l’Atlantique. Les exclus remplacent les exploités, et l’antiracisme joue le rôle autrefois dévolu à la lutte des classes. L’Amérique des campus est le grand laboratoire mondial de cette nouvelle doctrine. Convaincue d’avoir trouvé dans le multiculturalisme la formule définitive de la reconnaissance de l’homme par l’homme, la gauche américaine regarde de haut toutes les sociétés humaines et préconise en guise de diversité l’universalisation de son modèle. L’ouverture dont elle se prévaut la ferme à tout ce qui n’est pas elle.
Elle défend, en outre, au nom de la liberté de conscience, les manifestations d’un islam rigoriste qui punit de mort l’apostasie et qui interdit aux femmes musulmanes d’épouser des non-musulmans. L’islam orthodoxe est, comme le dit Marcel Gauchet, une religion d’avant les droits de l’homme. Plutôt que de partir à la recherche d’un introuvable islam des Lumières, il faut aider les musulmans à faire le même travail d’adaptation aux Lumières que les autres religions. Au lieu de cela, le New York Times et ses équivalents français enrôlent les droits de l’homme au service de leur négation. [...]
Le monde sera-t-il de plus en plus clivé entre ceux qui veulent des frontières et ceux qui vivent dans le cyberespace ?
Un fossé se creuse dans les sociétés occidentales entre les globaux et les locaux, les planétaires et les sédentaires, les hors-sol et les autochtones. Les premiers ne sont pas seulement mieux lotis économiquement, ils se croient moralement et politiquement supérieurs. Alors que les bourgeois d’autrefois avaient mauvaise conscience, les gagnants de la mondialisation font honte au peuple de ses réflexes identitaires.
Le malheur est que, en Amérique, ce peuple méprisé se soit choisi un porte-parole caricatural et même terrifiant, Donald Trump ; deux catastrophes menacent : que l’homme qui admire Poutine parce qu’il a des couilles et qui refuse à John McCain le statut de héros parce qu’il a été capturé soit élu président des Etats-Unis, et que, en raison même de cette victoire, il fasse des émules chez nous."
Lire "Alain Finkielkraut sur la laïcité : "Que l’Amérique arrête de donner des leçons !"".
[1] Selon la prédiction de l’essayiste Allan Bloom (The Closing Of The American Mind).
Lire aussi Sarkozy le Gaulois (note du CLR).
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