Revue de presse

A. Finkielkraut : "L’affaire Meklat ou « la convergence des haines »" (lefigaro.fr/vox , 23 fév. 17)

24 février 2017

"Le philosophe, membre de l’Académie française, analyse l’affaire Mehdi Meklat, célébré par les médias de la gauche « branchée » alors qu’il était l’auteur de milliers de tweets orduriers.

Il y a plusieurs années déjà que la haine sévit à nouveau sur la scène intellectuelle. Au nom de l’antiracisme, des journalistes, des essayistes, des philosophes laïques et républicains sont frappés d’anathème et marqués du sceau de l’infamie par toute une partie de la gauche.

Tant que les Kids du Bondy Blog se contentaient de traduire ce rejet dans la langue abrupte des quartiers dits populaires, ils ne posaient aucun problème. Mehdi et Badrou étaient les chouchous turbulents de la gauche haineuse. Le Magazine du Monde révélait dans son édition du 1er octobre 2016 que, sous le pseudonyme de Marcelin Deschamps, Mehdi Meklat avait tweeté qu’il fallait « casser les jambes » au « fils de p*** » que je suis. La rédaction du journal qu’on a connu plus vigilante ne s’est pas formalisée : les deux compères ont fait la couverture et sous leurs visages au sourire d’ange, on pouvait lire cette légende prometteuse : « Le grand remplacement, c’est nous. »

Aucune association antiraciste n’a levé le petit doigt. Et alors même que, dans notre époque troublée, de plus en plus de gens rêvent de passer à l’acte, l’exhortation de Mehdi n’a pas empêché Les Inrockuptibles d’organiser une rencontre au sommet entre lui, son inséparable et l’ancienne garde des Sceaux Christiane Taubira. Dans la presse Pigasse, ce genre d’insulte n’est pas un handicap, c’est un sauf-conduit. De manière générale, Mediapart, Télérama, Les Inrocks et Libération (partenaire du Bondy Blog) se régalaient d’entendre Mehdi et Badrou expliquer que « la stigmatisation du voile n’est rien d’autre que du racisme et la perpétuation du colonialisme ». Et, en grands professionnels des listes noires, ils appréciaient que Manuel Valls, Caroline Fourest, Elisabeth Badinter et moi-même soyons déclarés aussi dangereux sinon plus que Marine Le Pen.

Mais voilà : le sale gosse est allé trop loin. Il a poussé la détestation de Caroline Fourest jusqu’à lui reprocher de fréquenter les campings « pour toucher des nénettes dans les toilettes », il a réagi à la cérémonie des César en 2012 par ces mots bien sentis : « Faites entrer Hitler pour tuer les Juifs. » La même année, décidément féconde, il a écrit : « Je crache des glaires sur la sale gueule de Charb et tous ceux de Charlie Hebdo. » Et ce n’est pas, comme il essaie piteusement de le faire croire, un personnage fictif inventé pour explorer le mal qui s’exprimait ainsi, c’est lui, c’est Mehdi Meklat délivré par Internet de toute précaution et de toute contrainte.

Une tweeteuse qui se présente comme féministe, athée, républicaine opposée à tous les intégrismes avait essayé d’alerter les médias depuis début 2016. En vain. Les journalistes d’investigation avaient d’autres chats à fouetter. Elle a, cette fois, brisé le mur. Et, à l’exception d’un chroniqueur si vaillamment engagé dans le combat contre l’islamophobie qu’il juge l’exhumation et la diffusion des propos de Mehdi Meklat plus détestables que leur contenu, la gauche haineuse est obligée de prendre ses distances : la convergence des luttes ne peut aller jusque-là.

Mais ne nous faisons pas d’illusions. Aucune leçon ne sera tirée de cet épisode. Il a suffi de la féroce et inexcusable interpellation policière du jeune Théo à Aulnay-sous-Bois pour que tombe dans l’oubli le quotidien de la police - pierres lancées sur des voitures en patrouille, attroupements hostiles à l’occasion de toute intervention, embuscades, pare-chocages, attaques à coups de barres de fer, jets de plaques d’égout du haut des passerelles ou de pavés du haut des toits - et que les rappeurs qui font du Marcelin Deschamps à longueur de concerts et de CD soient érigés en porte-parole de l’indignation citoyenne."

Lire "Alain Finkielkraut : l’affaire Meklat ou « la convergence des haines »".



Comité Laïcité République
Maison des associations, 54 rue Pigalle, 75009 Paris
Voir les mentions légales