Contribution

‌L’arnaque de la "Journée internationale de la femme musulmane" (G. Chevrier)

Guylain Chevrier, docteur en histoire, enseignant et formateur en travail social, vice-président du Comité Laïcité République. 2 avril 2018

"Une initiative obscurantiste justifiant son infériorisation religieuse."

Le 27 mars dernier a été, vous ne le savez peut-être pas, la Journée internationale de la femme musulmane. Le site RTL Girls [1] en a même vanté les mérites, insistant sur la nécessité de faire sortir tout un chacun des stéréotypes attribués à la femme musulmane [2]. Ne cherchez pas, il n’est absolument pas question d’égalité homme/femme, mais de faire changer notre perception considérée comme discriminatoire de celles-ci, avec une bonne dose de victimisation à la clé.

Le "Huffington Post" à cette occasion a relayé la vidéo postée à l’initiative de l’association Lallab, se réclamant d’être « féministe et antiraciste », sur le thème, « les femmes musulmanes prennent la parole » pour inviter à une « Journée internationale de la femme musulmane », le "#MuslimWomensDay, le 27 mars". Ceci en collaboration avec le site américain Muslim Girl, le quotidien français SaphireNews et le site français Cheek Magazine.

La chose est tellement bien tournée et si caricaturale, que l’on pourrait la prendre pour une fake news, un canular. Il n’en est rien. On voit la coprésidente de l’association, Attika Trabelsi, nous la présenter, portant le voile islamique façon baba cool, bien apprêtée et même quelque peu pomponnée, à contre-pied de l’image de référence en la matière, nettement moins engageante, propre à beaucoup de femmes voilées des quartiers, souvent sous la pression.

On s’attend à entendre des demandes de plus de liberté, allant avec la modération des prescriptions religieuses, susceptibles d’évoluer à la lumière de cette modernité affichée, une réclamation relative à un changement dans le statut de "la femme musulmane" pouvant s’inscrire dans le sens d’un progrès de la condition des femmes en général, ce qui n’a rien d’incompatible a priori, avec l’attachement à sa croyance. Mais nenni ! On déchante vite car la démarche dite "féministe" n’est qu’apparence.

Que nous dit Attika Trabelsi ? Que cette démarche entend combattre les stéréotypes de la femme musulmane diffusés par les médias qui en feraient un traitement « pernicieux », ainsi que les réseaux sociaux, comme « soumise et oppressée, sans libre-arbitre ». Ce qui aurait « des conséquences réelles sur les femmes musulmanes et l’image qu’elles peuvent avoir ».

Il n’est pas question de parler de progrès de la condition de la femme musulmane et des textes, mais au contraire de défendre son assignation à un cadre religieux immuable, revendiqué comme une liberté, pour autant que le fait d’être considérée par une religion comme inférieure en raison de son sexe en soit une, ce qui est loin d’être convaincant.

Dans l’article du site RTL Girls, une militante explique, avec en incrustation au dessus le titre d’un article de Caroline de Haas contre les violence faites aux femmes : "On se retrouve à être discriminées, insultées, violentées. Il y a une vraie diabolisation des femmes musulmanes et notamment celles portant le voile."

On peut au passage suggérer, pour se faire une idée sur la mauvaise foi de ces propos, une lecture de la Sourate IV du Coran sur l’infériorité de la femme, juridiquement minorée et dont la soumission à l’homme doit être totale jusqu’à en accepter les violences [3].

Faire comme si l’image de la femme musulmane était défendue au regard de fausses représentations de cette religion comme discriminatoire envers ces femmes, alors que ce sont les textes de référence de la religion dont la protagoniste se réclame qui, au contraire, sont discriminatoires, n’est rien de moins que de la manipulation.

Il est bien compréhensible que les textes religieux aient pour référence le patriarcat et la violence, à l’image des sociétés de temps révolus antiques et moyenâgeux qui les ont produits, en Europe comme en Arabie. Il faut simplement en avoir conscience et prendre en compte l’évolution des sociétés humaines pour adapter ces textes à l’expérience, à nos acquis, et donc, à la modernité. A moins que l’on ne veuille faire faire marche-arrière toute à l’histoire et plonger dans l’horreur de l’islamisme !

On ne cherche rien de moins chez les organisateurs de cet événement, à travers cette fin de non-recevoir de la modernisation quelconque de ces références religieuses, à imposer leurs exigences contre la loi civile qui protège en France toutes les femmes, ne serait-ce qu’à travers un mariage civil qui est le seul juridiquement reconnu, avec l’autorité parentale conjointe (égalité des droits des parents au regard de leurs enfants) et le droit au divorce (au lieu de leur répudiation à sens unique par l’homme)... Le mariage religieux est libre tant que la loi commune est respectée. Il n’y a, avec cet événement, rien à voir avec le féminisme ou la liberté. Il est question de propagande religieuse déguisée jouant tout sur l’apparence à la façon dont on appâte le poisson avec un leurre.

Toujours dans le même état d’esprit, Attika Trabelsi avance que « 80% des actes islamophobes touchent essentiellement des femmes ». L’affirmation de "80%" qui est modéré par l’adjuvant « essentiellement », tente de faire passer la pilule de cette énormité. On est encore ici face à une victimisation outrancière qui tente de nous faire croire que les femmes musulmanes seraient une véritable cible dans un contexte général antimusulman. Les derniers chiffres du ministère de l’intérieur nous indiquent pour l’année 2017 une forte baisse de tous les actes racistes et concernant les religions. Dans le détail, on observe une baisse des faits racistes (passage de 608 faits en 2016 à 518 faits en 2017, soit -14,8%), des faits antimusulmans (passage de 185 à 121, soit -34,5%,) et des faits antisémites (passage de 335 à 311 faits, soit -7,2%).

Ce sont les actes antimusulmans qui connaissent la plus forte baisse et en nombre, rapportés aux six millions de nos concitoyens musulmans, on doit encore faire preuve de modération. Surtout si on prend en référence les actes antisémites les plus nombreux et les plus violents (agression physique, assassinat, torture, viol...) pour 500 000 juifs vivant dans notre pays, même si le moindre acte de cette nature touchant qui que ce soit est inacceptable.

En fait, cette insistance sur les femmes musulmanes est relative à ce qui est considéré comme leur obligation à porter le voile, et la demande de le retirer à l’école ou dans le service public pour les agents, dans les relations avec la clientèle dans l’entreprise, comme discriminatoire. Quant à l’usage du terme "islamophobie", il permet tous les amalgames dès qu’il est question d’interroger l’islam, la notion même de phobie aux limites indéterminées (nosologie religieuse...) autorisant toutes les mises en accusation. On sait qu’il vaut interdiction de critique de la religion et est le faux nez des islamistes, auquel médias et bien des politiques se laissent prendre.

L’association à l’initiative de cette « Journée de la femme musulmane » est désignée par de nombreux observateurs comme proche des Frères musulmans et du Parti des indigènes de la République, dans la mouvance des "camps dé-coloniaux". Elle vante la non-mixité avec les blancs, est anti-IVG, est contre toute restriction du port du voile et mène campagne contre la loi du 15 mars 2004 d’interdiction des signes religieux ostensibles dans l’école publique.

L’Agence du service civique s’apprêtait à lui allouer trois postes afin de l’aider à développer ses activités, mais les informations concernant cette association se diffusant et face à un tollé de plus en plus important, cela a été annulé et l’association exclue de ces aides, c’était le moins..

Madame Attika Trabelsi termine son propos en expliquant que « la question de la représentation n’est pas subalterne, elle est le reflet de nous dans la société qui nous entoure, ce qui nous permet de rêver, de nous définir…, d’entrevoir un champ des possibles » Des rêves au format d’un cadre religieux qui ne laisse comme place que le droit de le défendre et de s’y soumettre, ce n’est effectivement pas subalterne !

Et si on commençait par lever les interdits moyenâgeux de la religion pour parler émancipation de la femme musulmane ? Et si on causait un peu de sa place sous les régimes théocratiques, de son aliénation et son oppression bien réelles, et du combat au risque de leur vie que certaines y mènent pour avoir le droit de ne pas porter le voile ? Ces femmes-là qui se libèrent, s’émancipent, ne les intéressent pas. Allez, reprenons une phrase célèbre puisqu’il s’agit selon cette protagoniste d’ « entrevoir le champ des possibles » : « J’ai fait un rêve… », que toutes les femmes quelles que soient leurs religions, puissent prendre à leur compte les droits et libertés universels que nous partageons, en exorcisant le piège du communautarisme qui les réduit à néant.

On pourrait aussi considérer qu’au regard de la référence à "la femme musulmane" essentialisée et stéréotypée par des textes religieux, il existe des femmes musulmanes que l’on aimerait bien entendre au lieu de ce genre de porte-parole caricaturale, endoctrinée, pour donner justement une toute autre image de nos concitoyennes de confession musulmane.

Elles méritent un bien meilleur regard en prenant toute leur place dans notre société, pourvu que l’on ait tous conscience, croyants ou non, des bienfaits de cette propriété commune qu’est notre République laïque et sociale.

Fort heureusement, en France et bien au-delà, cette Journée de la femme musulmane a fait pschitt ! Elle ne risque pas, cette femme musulmane-là, de sortir des stéréotypes, puisqu’on l’y assigne. Une vaste opération en trompe-l’oeil, pour défendre le statut l’infériorisation rétrograde et obscurantiste des femmes au nom d’une religion, et le faire accepter par notre société, au nom d’un droit à la différence qui bafoue les libertés élémentaires de l’Homme et surtout, de la Femme.

Guylain Chevrier

[1Ce n’est pas un poisson d’avril : RTL publie bien un site "RTL Girls" (note du CLR).

[3Coran, Sourate IV, 34. Source : Oumma. "Les hommes ont autorité sur les femmes, en raison des faveurs qu’Allah accorde à ceux-là sur celles-ci, et aussi à cause des dépenses qu’ils font de leurs biens. Les femmes vertueuses sont obéissantes (à leurs maris), et protègent ce qui doit être protégé, pendant l’absence de leurs époux, avec la protection d’Allah. Et quant à celles dont vous craignez la désobéissance, exhortez-les, éloignez-vous d’elles dans leurs lits et frappez-les. Si elles arrivent à vous obéir, alors ne cherchez plus de voie contre elles, car Allah est certes, Haut et Grand !"


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