Revue de presse

« Voile islamique : la pluralité des musulmans déboussole la gauche française » (A. Erchadi, Le Figaro, 6 oct. 22)

Armand Erchadi, enseignant-chercheur en littérature comparée à l’université du Luxembourg. 11 octobre 2022

[Les éléments de la revue de presse sont sélectionnés à titre informatif et ne reflètent pas nécessairement la position du Comité Laïcité République.]

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"[...] Que montre Cherchez la femme ? D’un côté, un Français d’origine iranienne de la classe moyenne, fasciné par le soufisme - le mysticisme musulman, quiétiste et étranger à tout prosélytisme agressif - mais résolument laïque et attaché aux libertés individuelles ; de l’autre, un Français d’origine maghrébine vivant dans un quartier populaire, exprimant sa haine de la culture et de la sociabilité à la française et cédant à la tentation de ce qu’on appelle aujourd’hui le séparatisme. Or c’est précisément cette contradiction qu’est venue révéler l’affaire Mahsa (Jina) Amini et le massacre en cours de manifestants pour « la femme, la vie et la liberté » en Iran.

En Occident, et plus particulièrement en France, une partie importante de la gauche se trouve en difficulté : alors qu’elle soutenait autrefois le combat des femmes pour leurs libertés dans les pays musulmans - c’est encore le cas au PCF, mais guère plus ailleurs à gauche, chez les Verts ou à La France insoumise - elle en est venue, par électoralisme autant que par l’influence d’une vision identitaire de la politique importée des pays anglo-saxons, à défendre le voile islamique, la mode modeste et les revendications communautaires des musulmans les plus traditionalistes.

D’un côté, défendre le voile en Occident, de l’autre, le dénoncer en Orient.

La contradiction est frappante, mais elle doit être expliquée. Sociologiquement, les musulmans en France sont plus jeunes, plus pauvres et plus portés à voter à gauche que le reste de la population ; issus pour la plupart d’anciennes colonies françaises, ils éprouvent plus fréquemment une forme de rancœur envers leur patrie d’accueil, en même temps l’ancien État colonial, ce qui est source d’une dissonance cognitive et d’une souffrance bien réelles, et hélas non réglées à ce jour, alors que nombre de familles musulmanes sont françaises depuis des générations. À l’opposé, la première vague d’immigrés iraniens en Occident, consécutive à la révolution de 1979, est constituée d’individus éduqués, membres de la classe moyenne, admiratifs de la France des Lumières et de la Révolution française et profondément anticléricaux.

De fait, Algériens, Marocains, Tunisiens, Turcs, Iraniens, etc. ont beau avoir la même peau mate, ils n’ont ni la même culture, ni les mêmes attentes, ni la même histoire, ni le même rapport à l’islam. La complexité ne s’arrête pas là, nul groupe ne se résume à une caricature communautaire : un monde sépare le Franco-Algérien admirateur de Kateb Yacine - l’un des plus grands auteurs de la seconde moitié du XXe siècle - ou de Kamel Daoud, de celui dont les lectures se résument aux sites de propagande intégriste et aux appels à la haine sur Twitter et Instagram.

La gauche américanisée et anti-universaliste, après avoir abandonné valeurs et principes au profit d’une vision simpliste et fragmentée de la société, se trouve soudain fort dépourvue lorsqu’elle réalise que tous ceux qu’elle perçoit comme des « bronzés » n’ont pas vocation à subir le joug des traditions théologico-politiques - et qu’ils peuvent au contraire aspirer à l’émancipation, à l’égalité et au progrès. L’antiracisme autoproclamé de cette gauche déboussolée se retourne ainsi paradoxalement en un néo-racisme qui fige les individus dans une identité particulière et les assigne à résidence. Étrange retour de l’obscurantisme.

Alors, que faire ?

Tout simplement revenir aux traditions fondatrices de la République en France : être intransigeant sur les libertés individuelles, piliers de la loi de 1905 (article premier : « La République assure la liberté de conscience. ») et refuser toute stigmatisation de la foi des musulmans de France ; mais, tout autant, réaffirmer l’universalité, fondée en raison, des principes de 1789, qu’aucune particularité économique, sociale, culturelle ou géographique ne saurait atténuer ou remettre en cause. [...]"

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