Remise des Prix le 21 octobre 2013

Prix de la laïcité 2013. Discours d’accueil de Patrick Kessel, Président du Comité Laïcité République

22 octobre 2013

Patrick Kessel

Mes premiers mots s’adressent au Maire de Paris, Bertrand Delanoë, et à la première adjointe, Anne Hidalgo, pour les remercier d’accueillir la 8e édition de remise des Prix de la Laïcité, organisée par le Comité Laïcité République.

C’est grâce à Anne Hidalgo que nous nous retrouvons à nouveau dans cette somptueuse salle des fêtes de l’Hôtel de ville de Paris pour cette manifestation qui constitue désormais un rendez-vous quasi-institutionnel de tous les laïques.
Le soutien d’Anne Hidalgo est pour beaucoup dans cette heureuse tradition. J’ai la chance de te connaître depuis longtemps, de t’avoir vue à l’oeuvre dans d’autres fonctions importantes, notamment lorsque tu étais directrice de cabinet de la Ministre de la formation professionnelle. Tu as toujours été une amie de la laïcité, de la liberté de conscience, de l’égalité des droits.
Nous savons qu’avec Anne, Maire de Paris, la laïcité sera bien présente à l’Hôtel de ville. Aussi te souhaitons-nous bonne chance pour cette élection et formulons-nous le voeu que pour la prochaine édition de la remise des prix de la Laïcité, tu nous accueilleras comme Premier magistrat de la capitale.

Je souhaite également saluer la présence de Pierre Schapira, adjoint au Maire, chargé notamment des affaires internationales, et présenter les excuses de Claudine Bouygues, également adjointe au Maire, et de Pierre Bergé, membre fondateur du CLR, retenu à l’étranger.

Et saluer Boualem Sansal, le courageux et talentueux écrivain algérien, auteur de nombreux ouvrages et lauréat de plusieurs prix littéraires, qui a accepté cette année de présider le Jury du Prix de la Laïcité.

Je souhaite tout particulièrement la bienvenue à Manuel Valls, ministre de l’Intérieur, qui a accepté depuis quelques semaines notre invitation et a tenu à honorer son engagement en dépit du climat délétère des derniers jours et des attaques violentes dont il a été l’objet. Si l’on peut comprendre une réaction d’émotion solidaire chez certains jeunes et la nécessité de sanctuariser l’enceinte scolaire, on ne peut que regretter le tohu-bohu politicien qui affaiblit la République.
Fils de déporté dont une partie de la famille a été raflée par les nazis et leurs serviteurs, j’entends dénoncer les amalgames insupportables qui, renvoyant à la rafle du Vel d’Hiv, se sont crus autorisés à mettre sur le même plan la police républicaine et celle de l’Etat français en 1942 ! [1]
Le Président de la République a tranché, rappelant que « les valeurs de la République, c’est le respect de la loi ».

A vous tous, chers amis, bienvenue.

Vous êtes plus de 400 à vous être inscrits, parfois venus de loin, de nos régions mais aussi de Belgique, de Suisse, d’Allemagne, d’Algérie, de Tunisie, du Maroc, du Congo, du Québec. Le Parlement est largement représenté ainsi que le mouvement laïque dans presque toutes ses composantes.

Je ne peux tous vous saluer mais je souhaite signaler la présence ou présenter les excuses de :

Jean-Michel Baylet, ancien ministre, président du Parti Radical de Gauche ; Bariza Khiari, vice-présidente du Sénat ; Christian Bataille, député, président de la Fraternelle parlementaire ; Françoise Laborde, sénatrice ; Odile Saugues, députée ; Anne-Marie Lizin, ancien ministre, ancienne présidente du Parlement de Belgique ; Alain Vivien, ancien ministre ; Jacques Toubon, ancien ministre ; André Henry, ancien ministre ; Michel Hannoun, ancien député ; Dominique Nimi-Madingou, ancien ministre du Congo,
Daniel Keller, Grand Maître du Grand Orient de France, accompagné de Pierre Hubert Goutierre et Jean-Pierre Leguay, Eric Garnier, Alain Simon, Christophe Devillers, Phillipe Foussier (ancien président du Comité Laïcité République), tous conseillers de l’Ordre ; des anciens Grands Maîtres Gilbert Abergel, Philippe Gugliemi, Jean-Michel Quillardet, Guy Arcizet, José Gulino ; Jean Pierre Cordier et Jean-Pierre Catala qui président respectivement le rite écossais et le rite français ; Catherine Jeannin-Naltet, Grande Maîtresse de la Grande Loge Féminine de France, Denise Oberlin ancienne présidente ; et des représentants des autres obédiences maçonniques que je ne peux tous citer.

Parmi vous, de nombreux responsables et militants des associations laïques :
Sihem Habchi, ancienne présidente de Ni Putes Ni Soumises ; Cindy Leoni, présidente de SOS Racisme ; Michèle Vianès, présidente de Regards de femmes.
Sont représentés : le Comité d’action laïque de Belgique, la CNPL, la Libre Pensée, l’UFAL, SOS Racisme, Ni Putes Ni Soumises, la Ligue de l’Enseignement, La Licra, L’Observatoire international de la laïcité contre les dérives communautaires, l’association Egale, la Ligue du droit international des femmes, Laïcité-Libertés, Libres Mariannes, Solidarité laïque, l’Association des Libres Penseurs
et des personnalités engagées sur nos chantiers communs : Catherine Kintzler, Louis Astre, fondateurs du CLR [2], Malika Sorel, Alain Seksig (président de la mission Laïcité du Haut conseil à l’intégration), Natalia Baleato, directrice de la crèche Baby-Loup et lauréate l’an dernier du Prix national de la Laïcité, et l’avocat de Charlie Hebdo dans l’affaire des caricatures et de la crèche Baby Loup, Richard Malka,

Je souhaite enfin présenter les excuses de : Elizabeth Badinter, ancienne présidente du jury du Prix de la Laicité, si injustement prise à partie pour son engagement en faveur de la laïcité, et à laquelle je souhaite que nous témoignions notre solidarité et notre amitié ; André Bellon, ancien député ; Jean-Pierre Changeux, ancien président du jury ; Jean-Luc Romero, président de l’Association pour le Droit de mourir dans la dignité ; Yvette Roudy, ancienne ministre ; Michel Charasse, Albert Memmi.

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Il y deux ans, nous faisions le triste constat d’une laïcité malmenée, vilipendée, détournée [3]. Et ce, au moment où le pays en a le plus besoin.

Nous avions constaté la montée des communautarismes qui fragilisent le tissu social et le très inquiétant hold-up de l’extrême-droite sur la laïcité. Nous avions peut-être tort d’avoir raison trop tôt.

Nous avions dénoncé le lourd bilan du quinquennat précédent :

  • les manipulations visant à vider la loi de 1905 de son contenu,
  • les discours de Latran ou de Riyad qui plaçaient l’instituteur en-dessous du prêtre,
  • la loi Carle aboutissant à la parité du financement public entre écoles publiques et confessionnelles quand il y a encore 500 communes en France sans école publique,
  • les reculades sur les lois bioéthiques ou encore sur le droit à mourir dans la dignité.

Il y a un an, ici-même, nous formulions des voeux pour que l’élection présidentielle soit l’occasion d’un ressourcement républicain [4]. Nous nous sommes félicités de la campagne présidentielle de François Hollande et de son discours du Bourget, célébrant les retrouvailles de la Gauche et de la Laïcité.
Depuis des années, une partie de la Gauche avait fait preuve d’atermoiements coupables à l’égard du communautarisme et de peu d’intérêt pour une Laïcité pourtant inscrite dans son histoire et sa culture. C’est pourquoi le Comité Laïcité République, et un très grand nombre de républicains laïques, l’avons soutenu.
Depuis, le nouveau Président n’a pas manqué, à plusieurs reprises de décliner son attachement à la laïcité qui, seule, permet un véritable vivre-ensemble fondé sur la citoyenneté de femmes et d’hommes libres et égaux en droit, quelles que soient leur naissance, leur couleur, leurs convictions philosophiques et religieuses.

Si la proposition d’inscrire dans la Constitution les principes de la loi de séparation n’a malheureusement pas été concrétisée, le gouvernement a tenu bon sur le mariage pour tous, résistant aux lourdes pressions de l’Eglise.
Face aux mêmes intimidations, il a fait voter la très importante révision des lois sur la bioéthique levant certains des dogmes qui entravaient la recherche.
Il a mis en place l’Observatoire de la Laïcité.
Vincent Peillon a promulgué la charte de la laïcité à l’école publique, initiative salutaire. Certes, sa portée est surtout pédagogique et symbolique. Elle mériterait d’être confortée. Mais ne boudons pas notre plaisir, voilà bien longtemps qu’un ministre de la République ne s’était aussi fermement engagé concrètement en faveur de la laïcité.

Si nous tournons notre regard vers un proche avenir il conviendra de se donner les moyens de faire respecter la laïcité dans le service public. Ensuite d’aborder, la question de la laïcité dans les universités et les entreprises privées. Même si ces dernières relèvent du Code du travail, les 12 propositions de la mission laïcité du HCI, méritent d’être analysées, débattue, et non rejetées sans discussion. Elles ne visent pas à stigmatiser mais à assurer la paix sociale sur les lieux de travail. Je souhaite saluer l’animateur de cette commission, Alain Seksig, injustement pris à parti.

D’autres dossiers nous attendent parmi lesquels :

  • le droit à mourir dans la dignité,
  • le financement public des écoles, la loi Carle ayant aggravé la loi Debré,
  • le Concordat pour lequel le collectif des associations laïques a proposé une transition concertée afin d’aller vers le retour au droit commun.

Il est essentiel que les débats puissent s’ouvrir démocratiquement, sans passion, sans tabou, sans culpabilité et permettent de lever la confusion qui s’est installée dans les têtes. Confusion qui se révèle tout particulièrement à l’occasion de « l’affaire Baby Loup ».
Au-delà du cas de cette crèche, la question qui est posée est celle-ci : comment garantir à la petite enfance les mêmes garanties de liberté de conscience qu’à l’école publique ? Une circulaire interministérielle proposée par certains nous paraît insuffisante pour empêcher la banalisation de telles situations. D’autant qu’elle sera interprétée comme un encouragement par les communautaristes les plus radicaux et exploitée par une extrême-droite qui se nourrit des faiblesses de la République.
La question relève davantage du choix politique que du Droit comme en témoignent les conclusions provisoires mais contradictoires auxquelles aboutissent le Président de la Cour d’Appel et le Président de la Cour de Cassation. Et si la Cour d’Appel ne validait pas le 27 novembre prochain la décision de licenciement, le Comité Laïcité République et le Collectif des associations laïques estimons qu’il conviendrait de légiférer, comme l’avait envisagé lui-même le Président de la République dans une déclaration télévisée (déclaration de François Hollande : « Je pense que la loi doit intervenir » - 28 mars 2013 en direct au journal de 20h de France 2 [5]).
C’est d’ailleurs le choix d’une très large majorité de Français qui, selon un sondage que vient de publier l’institut BVA, sont 87 % à donner raison à Baby Loup et 84 % à se prononcer en faveur d’une loi interdisant les signes religieux ou politiques dans les entreprises privées.
En attendant, je souhaite avec vous, rendre hommage ici à Natalia Baleato et à son équipe, à leur courage et à leur dignité. Quand on pense que l’ancienne militante anti-fasciste, prisonnière des geôles de Pinochet, s’est vu traitée de « raciste » par des militants communautaristes, qu’elle a été menacée physiquement, on se dit que la confusion est implantée dans les têtes.

Ce n’est pas en faisant preuve d’hésitation et en tergiversant avec la laïcité, moins encore en composant de fait avec le communautarisme que l’on s’opposera efficacement au Front National [6] qui monte, qui monte, se banalise et récupère électoralement des voix venues de tous les horizons.

A ceux qui pensent qu’il n’y a pas de problème de laïcité dans notre pays, il faut expliquer que la laïcité constitue le meilleur rempart contre l’extrême droite et le racisme. Parce qu’elle fonde une communauté de destin, une Fraternité citoyenne.
Il faut dire qu’elle ne pose aucun problème à l’immense majorité des Français musulmans qui ne demandent qu’à être traités comme les autres citoyens, en égaux. Et que face au racisme dont ils sont parfois victimes, la République doit être implacable. La racisme n’est pas une opinion mais un délit. Il doit être sévèrement réprimé.

Les choix que fera notre pays sont d’autant plus importants que l’exemple de la République française est observé de près au-delà des frontières de l’Hexagone. La laïcité n’est pas franco-française. Ses valeurs sont universelles. Elle est un message de fraternité adressé à tous les peuples.

Il y a un an, nous formulions des voeux pour que le printemps arabe ne se perde pas dans l’hiver islamiste [7]. Nous ne sommes pas rassurés. Il s’en faut de beaucoup.
On pourrait citer tant d’exemples, où la liberté de conscience et l’égalité entre hommes et femmes sont menacées, écrasées. Le jury du Prix 2013 s’en est ému et a souhaité que nous rendions un hommage tout particulier au grand pianiste turc Fazil Say, contraint à l’exil pour ne pas abandonner sa liberté de conscience.
Le jury a également voulu exprimer notre totale solidarité avec le doyen de l’université de Tunis, Habib Kazdaghi dont chacun ici connaît le courageux combat.
Au-delà de cet hommage, nous voulons dire aux femmes tunisiennes que les associations laïques ici représentées sont toutes à leur côté dans le combat courageux qu’elles mènent afin que la République tunisienne garantisse l’égalité des droits entre hommes et femmes.

Un mot enfin du Prix de la Laïcité. Dans le passé, le grand prix international et le grand prix national ont été décernés notamment à Chadortt Djavan, Caroline Fourest et Famietta Vener, Isabelle Adjani, Gorgio Napolitano (président de la République italienne), Guillaume Lecointre et Natalia Baleato.

Le jury, indépendant, a été présidé tour à tour par Elisabeth Badinter, Pierre Bergé, Jean-Pierre Changeux, Odile Saugues et l’an dernier par Charb, directeur de Charlie Hebdo que je salue. Cette année, c’est Boualem Sansal qui a bien voulu assumer cette responsabilité. Qu’il en soit remercié ainsi que tous les membres du jury.

Avant de lui laisser le soin de présenter les lauréats, et après avoir remercié les personnels techniques de la Mairie, mes amis du CLR, en particulier notre secrétaire général Jean Farnier, le moment est venu de donner la parole à notre invité.

Pour défendre et promouvoir la laïcité, il faut le talent d’intellectuels, la plume d’écrivains, la pugnacité de militants souvent anonymes qui font le boulot au quotidien. Mais il faut aussi des voix politiques, fermes et courageuses.
Manuel Valls a été un des premiers à soutenir l’équipe de la crèche Baby Loup. Il a témoigné de son intérêt pour les propositions de la commission laïcité du HCI. Il a accepté notre invitation. Au nom du Comité Laïcité République, je le remercie et lui cède la parole.

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