Revue de presse

P. Weil : « Une mise en cause de la séparation des pouvoirs » (slate.fr , 21 juil. 17)

Patrick Weil, historien, spécialiste des questions d’immigration et de de citoyenneté, chercheur au CNRS. 24 juillet 2017

"[...] En France, le sentiment de révolte existe aussi et il s’est révélé par le fait que les candidats des partis classiques n’ont pas été qualifiés pour le second tour de cette élection. Mais la situation a été différente car le « populisme » a été divisé en trois. Il y a eu d’un côté le « populisme » de Marine Le Pen, que je qualifierais de populisme anti-inégalités, raciste anti-musulman ; de l’autre, le populisme de Mélenchon, un populisme anti-inégalités, mais anti-raciste, républicain et laïque. Et puis il y a eu un candidat populiste anti-égalitariste –il a ouvertement et régulièrement attaqué l’« égalitarisme »– à savoir Macron, qui a été élu sur un programme que l’on peut qualifier, à la suite de Philippe Frémeaux, de populisme d’extrême centre.

M. Macron a été élu sur une révolte anti-régulation du marché du travail, ou sur l’idéal de l’enrichissement personnel. Il a réuni d’abord autour de lui des individus, une couche sociale, au coeur du pouvoir économique du pays, qui a le sentiment que son potentiel individuel est brimé et bridé par « trop de régulation » ou trop d’égalitarisme ou d’impôts. Cette division des colères, le fait que nous n’avons eu ni Thatcher ni Reagan, expliquent que le populisme quasi-raciste de Trump, victorieux aux Etats-Unis, n’a pas connu le même succès en France.

Pour les raisons qui viennent d’être mentionnées, il semble que nous vivons une période dangereuse pour les droits et libertés, et en particulier des libertés et droits des étrangers. Les systèmes institutionnels et contre-pouvoirs des deux États sont-ils bien armés pour faire face à ce recul des libertés ?

Ce qui me frappe, c’est qu’à l’arrivée au pouvoir de Trump et de Macron, les premières mesures visent les étrangers. Une façon rapide et « facile » de signifier sa prise de pouvoir dans l’Etat, et le « changement » –dans le sens d’un durcissement– avec le pouvoir précédent.

Les mesures prises par Donald Trump à l’égard des « musulmans » sont assumées, avec une outrance verbale certaine. Il y a une forte dimension de mise en scène car les pouvoirs conférés à l’exécutif américain lui auraient permis d’arriver aux mêmes fins sans faire autant de bruit. En effet, octroyer un visa n’est pas une obligation, et il n’y a pas de recours contre les refus de visa aux États-Unis, alors qu’il y en a en France.

Trump aurait pu ordonner aux consulats américains de certains pays de forts contrôles et restrictions dans l’octroi de visas sans pour autant décréter leur arrêt complet. D’autant que le système de contre-pouvoirs a immédiatement fonctionné. Le lendemain même de l’executive order de Trump, un juge fédéral l’a suspendu –dans le cadre d’une procédure inimaginable en France. Depuis une récente décision de la Cour suprême, M. Trump peut mettre en oeuvre une partie de sa politique. Mais la bataille juridique est loin d’être achevée. En fait, Trump a surtout cherché à faire de la politique bien plus que d’appliquer l’ordre lui-même, pour donner à son électorat l’impression qu’il applique le programme pour lequel il a été élu et de ce point de vue, il y a réussi.

En France, à l’inverse, nous avons un président moins provocateur, aimable dans son apparence, souriant et ouvert à l’accueil des réfugiés à Bruxelles ; mais dans la pratique, sur le terrain, à Calais et dans sa région, ce sont des droits fondamentaux qui sont bafoués par le pouvoir exécutif, et, comme le défenseur des droits Jacques Toubon l’a souligné, les récentes attaques sur les migrants à Calais s’apparentent à une remise en cause, d’une violence inédite, de la dignité des personnes. Même sous le quinquennat de Nicolas Sarkozy il n’y avait pas eu un tel déferlement de violence. Cette volonté de « régler le problème » de l’immigration par une rationalité d’Etat technocratique et inhumaine nous fait revenir au temps de M. Giscard d’Estaing deuxième période. Et encore ! Même sous Giscard d’Estaing, les personnes n’avaient pas fait l’objet d’une telle violence sur le plan physique.

Pourtant s’ils voulaient vraiment changer la et de politique, les nouveaux dirigeants politiques pouvaient choisir de le faire justement à Calais. Plutôt que de dire aux gens « Je vais régler le problème » comme si le pouvoir technocratique pouvait changer la géographie physique et humaine de la France et de l’Europe, il faut affronter la réalité de la situation et dire la vérité aux citoyens. On ne va ni supprimer la Manche, ni faire rentrer de force le Royaume-Uni dans l’espace Schengen ! Calais restera donc longtemps la frontière de Schengen avec le Royaume-Uni, sa première voie d’accès.

Ce n’est pas la peine de mettre non plus en cause les Britanniques : ils n’y sont pour rien, pas plus que les Calaisiens d’ailleurs. Ce n’est pas cependant aux habitants du Calaisis de payer les coûts d’une situation géopolitique dont ils ne sont pas responsables. Il faut donc bâtir une solidarité nationale, mais également et surtout une solidarité européenne. Car s’il y a une cause au phénomène, c’est la défaillance –pas si importante que cela d’ailleurs– de l’application des accords de Schengen et de Dublin.

Il faut donc qu’à Calais les Etats concernés de l’espace Schengen soient présents et parties prenantes aux décisions sur les migrants. On peut donc mieux réguler, mais il faut dire la vérité et dire aux Calaisiens qu’il y aura toujours des arrivées de migrants dans le Calaisis, comme dire aux Américains qu’ils auront toujours le Mexique à leur frontière.

Continuer comme aujourd’hui dans le déni et le mensonge, c’est politiquement entretenir le Front national. Du point de vue du droit, on laisse se perpétuer des traitements inhumains et dégradants sur le sol de France, comme l’a constaté la justice. Et ce que les juges ont constaté s’apparente à une atteinte à l’article 16, le plus important de nos institutions, celui de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen. Celui-ci énonce, pour mémoire, que « toute société dans laquelle la garantie des droits n’est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n’a point de Constitution. » À Calais, c’est la garantie des droits qui est en cause, or elle est au fondement de l’existence même de toute constitution ; pas simplement de la République, car il faut rappeler qu’à l’époque de l’adoption de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, nous étions en monarchie et les rédacteurs de la déclaration ne pensaient pas que nous en sortirions. Hannah Arendt disait qu’à ce moment de notre histoire l’homme avait été déclaré souverain en droits et le peuple souverain en matière de gouvernement.

Cet article s’applique donc, je dirais, à toute démocratie même censitaire, à tout régime politique qui ne soit pas despotique, qui s’appuie sur l’existence de droits individuels inaliénables. Cet article au fondement de toute constitution est aujourd’hui en cause.

Quid de la séparation des pouvoirs, le deuxième volet de cet article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen. N’y a-t-il pas un affaiblissement des contre-pouvoirs, qui profite au pouvoir exécutif ?

Il y a aujourd’hui un affaiblissement des contre-pouvoirs, mais aussi, et c’est différent –car c’est inconstitutionnel–, il y a une mise en cause de leur séparation. La présidentialisation de notre régime politique a été renforcée par l’élection du président au suffrage universel. Celle-ci n’était pas inéluctable, Lionel Jospin avait réussi à incarner une lecture parlementaire du régime de la Ve qui était très populaire auprès du peuple français. La réforme du quinquennat et l’inversion des calendriers électoraux lui a porté le coup de grâce. Il m’est toujours incompréhensible comment Lionel Jospin a décidé en fin de mandat de se faire hara-kiri, et de détruire ce qui était un fondement référentiel des valeurs de la gauche, à savoir le collectif, le parlementaire et le rejet du despotisme.

Dans le nouveau régime quinquennal, la majorité parlementaire vient conforter le président élu d’autant qu’elle lui doit en partie son élection. Dans un régime à ce point centralisé en faveur du président de la République, un certain contre-pouvoir existait encore chez le parlementaire qui cumulait les mandats, un mandat de député avec une mairie par exemple. On peut légitimement être opposé au cumul des mandats sur le principe mais, si on est attaché d’abord aux contre-pouvoirs, un maire député ou sénateur était une puissance, un contre-pouvoir. À partir d’aujourd’hui, cela n’existe plus, et le pouvoir d’État se trouve renforcé. On a des parlementaires d’autant plus alignés qu’ils n’ont pas de mandat exécutif local.

Mais comme si toute cette concentration du pouvoir ne suffisait pas, voilà que le nouveau Président « partage » une dizaine de ses conseillers avec le Premier ministre dont la légitimité vient pourtant de l’Assemblée nationale, pas du Président. C’est inédit et je ne suis pas sûr que cela soit conforme à la Constitution et au principe de séparation des pouvoirs [1]. Dans le même ordre d’idées, il est également inédit que le président du groupe parlementaire de la majorité ait été choisi explicitement par le président de la République avant même que les parlementaires n’aient eu à ratifier ce choix, à main levée. Enfin, les traditions démocratiques et républicaines ont été bafouées quand l’opposition s’est vue refuser, pour la première fois depuis cinquante ans, une juste représentation dans les différents postes à responsabilité de l’Assemblée nationale.

Un pouvoir se met en place qui a empaumé les Français désireux d’abord de trouver plus de liberté d’entreprendre, puis d’échapper au danger du Front national. Ils se retrouvent avec, à la tête du pays, un homme qui représente le cœur de la haute administration. Cette haute administration nous a dirigés depuis très longtemps, mais toujours par l’intermédiation politique. Désormais, elle a conquis le pouvoir direct.

Comme les animaux de La Ferme des animaux de George Orwell, certains de ces fonctionnaires formés et recrutés pour servir en ont eu marre de servir ou de prendre le temps de se former au métier politique et aux processus démocratiques. Ils ont décidé de renverser leurs patrons politiques, de gauche, de droite, puis du centre, tous perçus et construits comme vieux et hors d’usage. Pour accéder au pouvoir, ils avaient dû les rallier en se séparant, les uns allant vers la gauche, les autres vers la droite ou le centre. Grâce à Macron, dans l’extase de l’« en même temps », formule clef de leur formation commune, celle de Sciences Po Paris, ils peuvent enfin tous se retrouver.

Les voilà donc au pouvoir. Peuvent-ils réussir à réformer la France avec les Français et faire vivre les institutions républicaines dans leur lettre et leur esprit ? Je le souhaite, pour mon pays. J’ai malheureusement quelques craintes. J’ai pu à quelques occasions depuis vingt ans voir de près fonctionner le pouvoir d’État. C’est à son sommet que réside le problème majeur. Pas chez les fonctionnaires de terrain, policiers, enseignants, inspecteurs des impôts qui connaissent le plus souvent bien leur métier, qui ont plein d’idées de réformes à accomplir et qui enragent des ordres et des contrôles absurdes qu’ils subissent trop souvent. Je ne mets pas en cause ici des individus ou des personnalités qui peuvent être exceptionnels et avoir choisi le service public dans ses plus hautes dimensions. Je mets en cause une formation et son monopole d’exercice du pouvoir.

Un de mes collègues, que je ne citerai pas sans son autorisation, m’a dit un jour que l’élite anglo-américaine avait décidé que pour avoir la légitimité de lui succéder, ses enfants devaient apprendre des choses. À l’inverse, l’élite française a décidé que pour avoir la légitimité de lui succéder ses enfants devaient apprendre à parler des choses. La particularité française, ce n’est pas d’avoir des partis politiques de gauche et de droite, des syndicats, des journaux, des débats, c’est que le monopole du pouvoir d’État a été assuré indirectement jusqu’à aujourd’hui, directement maintenant par une seule formation intellectuelle pour le moins contestable. On est arrivé là jusqu’à l’extrême d’un pouvoir.

Et quid de la séparation des pouvoirs aux États-Unis ?

La situation est différente. Elle est consubstantielle à l’État fédéral. La constitution américaine a été conçue pour éviter toute concentration. Aux États-Unis, ce qui se passe, c’est que le président Trump paralyse en pratique l’État fédéral. Il prend de nombreuses initiatives mais elles sont bloquées en raison de la résistance au Sénat et à la Chambre qui vient des Démocrates bien sûr, mais aussi des Républicains. Mais il faut remarquer que la paralysie voire la destruction du pouvoir fédéral est au programme de certains Républicains ; qu’aussi le contrôle de la Cour suprême est pour eux prioritaire et Trump les satisfait. Reste l’international, les traités, où le Président dispose de beaucoup de pouvoirs. Trump accélère le déclin du statut de puissance de référence que détenaient les États-Unis depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Mais il y a toujours eu une tendance à l’isolationnisme aux Etats-Unis qui pourrait permettre à certains de se satisfaire, voire de théoriser cette évolution.

Que faire, alors, en France, pour remédier aux déséquilibres institutionnels et politiques qui viennent d’être décrits ?

D’abord saisir toutes les occasions des projets et des propositions de loi pour renforcer la démocratisation et l’équilibre des pouvoirs.

C’est par exemple une bonne initiative que de chercher à moraliser la vie publique, mais c’est bizarre de ne viser en priorité que les parlementaires, dans la mesure où ceux-ci n’ont désormais que trop peu de pouvoir. J’ajoute que les parlementaires ne doivent pas qu’être contrôlés, mais également protégés dans leur liberté de vote. J’ai été frappé, au moment où je me battais contre la déchéance de nationalité, par les pressions incroyables exercées sur les parlementaires. Je ne peux m’empêcher de remarquer à cet égard que la loi de 1905 prévoit que l’on peut condamner pénalement une personne physique lorsque celle-ci fait pression sur autrui pour le forcer ou l’empêcher d’exercer un culte [2].

De la même façon, devrait être pénalement répréhensible et réprimé le fait de faire pression sur les parlementaires pour les obliger à voter dans telle ou telle direction. Il faut que leur liberté de conscience soit assurée ! Il faudrait également et surtout veiller à empêcher les tentatives d’influence qui peuvent exister sur toutes les autorités, que ce soit l’exécutif, le Conseil constitutionnel –je pense ici à la pratique des « portes étroites » [3] – ou d’autres. Il y a toute une réflexion à mener sur la manière de rendre plus transparents ces processus d’influence. Il faut garantir la liberté de la presse en garantissant l’indépendance des rédactions ou bien, comme le propose Bruce Ackerman, en créant un financement de la presse sur la base des consultations des articles par internet et de leur qualité, appréciée par les lecteurs [4].

Surtout, il ne faut pas se résoudre, même dans les cinq prochaines années, à l’absence de séparation des pouvoirs et à l’absence de pouvoir du Parlement. D’abord, le Parlement qui vient d’être élu est sans doute plus divers que ce que souhaitait le président de la République. Il y a un groupe socialiste dont la majorité des membres ont été élus contre des candidats En Marche ; il y a un groupe communiste indépendant de M. Mélenchon ; il y a un groupe de droite républicaine qui, là encore, ne dépend pas de M. Macron. Il y a donc, en plus de Mme Le Pen et M. Mélenchon, des partis classiques qui ont un avantage sur les autres, c’est que leurs candidats ont été choisis par des militants dans le cadre de sections locales, d’une vie démocratique interne, certes insuffisante. Ces partis sont en crise, ont besoin de se rénover. Mais ils représentent des traditions démocratiques et des bases pour l’alternance. Évidemment, les élus de la majorité En Marche ont un handicap du point de vue de leur liberté de parlementaire : ils ont été choisis directement par une sorte de conseil d’administration, comme dans une entreprise, leur sigle porte les initiales du président de la République et on leur a imposé leur président de groupe.

Mais après tout, ces nouveaux députés sont désormais des élus de la nation. Ils détiennent les pouvoirs que la Constitution leur octroie. Ils ont le pouvoir de faire la loi et de contrôler le gouvernement. Certains d’entre eux vont vite se rendre compte qu’ils ne feront peut-être qu’un mandat ; dès lors, ils auront envie d’exister et de dire et faire ce qu’ils pensent dans le cadre de ce mandat. Ceux qui voudraient faire plus qu’un mandat peuvent aussi se rendre compte que, par leur présence sur le terrain et leur personnalité, certains élus survivent à toutes les vagues et tous les reflux politiques. Je pense ici à André Chassaigne dans le Puy-de-Dôme, à Delphine Batho dans les Deux-Sèvres, à Jérôme Lambert en Charente ou encore à Jean Lassalle. Certains élus qui ont gardé leur liberté de conscience et qui travaillent dur le terrain ont été réélus. Bref, du Parlement peut venir un premier rééquilibrage du pouvoir.

Je crois aussi que la situation actuelle ouvre une opportunité en ce qui concerne la réforme de nos institutions. Avant, quand on parlait de VIe république ou de nouvelle lecture des institutions de la Ve, cela ne venait que de la gauche. Désormais, c’est une idée qui peut être partagée avec la droite et le centre. La droite comme la gauche se retrouvent aujourd’hui dans l’opposition, il y a là occasion de se réunir et réfléchir –entre républicains– à la manière de mieux organiser la séparation et l’équilibre des pouvoirs. De quelles réformes peut-il s’agir ? Sans changer de Constitution, l’on peut envisager, par exemple, la proportionnelle intégrale ou de décaler à nouveau les mandats parlementaire et présidentiel, en fixant la durée du mandat législatif à quatre ans. Il y a beaucoup de démocraties européennes dans lesquelles le mandat parlementaire n’est que de quatre ans : c’est le cas du Portugal ou de la Finlande, qui élisent leur président au suffrage universel direct comme en France, mais qui élisent des députés dont le mandat est plus court. Beaucoup d’autres pistes peuvent être ouvertes.

Enfin, si l’on se place du point de vue d’une gauche social-démocrate qui est celle à laquelle j’appartiens, ou plus largement d’un point de vue républicain, l’objectif principal est de penser une nouvelle régulation du monde alors que celle créée après la Seconde Guerre mondiale arrive à bout de souffle. Les institutions créées en 1945 ne fonctionnant plus, des thématiques telles que la gestion du réchauffement climatique, la régulation de la finance internationale, la lutte contre la corruption et la fraude, la lutte contre la prolifération nucléaire, par exemple, doivent être gérées au niveau global. Le niveau européen est insuffisant ! Il y a certes des politiques qu’il est pertinent de gérer au niveau régional comme la lutte contre certaines formes de dumping social à travers des règles de protection des marchés, l’agriculture, l’université ou la protection des droits de l’homme via la Convention européenne des droits de l’homme, mais aussi les inégalités économiques et sociales.

Dans les thématiques ayant vocation à être gérées au niveau européen, je pense par exemple que l’on doit mettre en oeuvre un système européen universitaire : Erasmus marche bien pour les étudiants mais ce qui ne marche pas, ce sont les universités elles-mêmes. Les universités sont en crise partout en Europe, bien que cela soit des crises différentes pour chaque pays. Plus largement, il faut donc repenser les niveaux géographiques pertinents, étant entendu –c’est mon point de vue– que l’espace démocratique de base est celui où l’on peut se parler et se comprendre, parler la même langue, où l’on peut prendre les décisions importantes : c’est l’Etat-nation. À l’inverse des États-Unis, l’Europe n’est pas composée d’États où les gens parlent les mêmes langues, donc l’État-nation reste pour l’Europe l’échelon démocratique de base. C’est au niveau de la France et de chaque État que l’on doit concevoir l’élection de dirigeants qui, en notre nom et sous notre contrôle, font monter aux étages supérieures ce qui est de la compétence de l’Europe ou du monde.

Enfin, il faut repenser la formation des élites. La démocratiser et la diversifier. Savoir parler des choses et savoir les choses, ce n’est pas pareil et je pense que nous souffrons énormément de l’absence de valorisation donnée à la connaissance scientifique ou à la connaissance issue des sciences humaines et sociales. Il faut supprimer le monopole de Sciences Po Paris, voire de l’ENA, dans le recrutement de l’élite d’État. Il faut de la diversité des formations et des expériences à la direction de l’État. Même si on ne supprime pas l’ENA, car il faut une école de formation à la gestion de l’État, il faut changer le mode et le contenu des concours de recrutement et la scolarité pour les ouvrir à la diversité des formations scientifiques et littéraires. Angela Merkel est docteure en physique et en est fière. En Allemagne, aux États-Unis ou en Italie, quand on est docteur, on le porte sur sa carte de visite. En France, on le cache comme si on avait passé des années à ne rien faire. Cette absence de valorisation de la formation scientifique et de ce que signifie le travail scientifique est l’une des clefs du retard que la France accuse sur certains de ses voisins européens dans la compétition internationale et dans la réussite de nos politiques publiques."

Lire « C’est au sommet du pouvoir d’État que réside le problème majeur ».

[1Cf. sur ce point la décision n° 2012-654 DC du 9 août 2012 du Conseil constitutionnel et le commentaire d’Olivier Beaud, « Le Conseil constitutionnel et le traitement du président de la République : une hérésie constitutionnelle », Jus Politicum, n° 9, 2013.

[2Article 31 de la loi de 1905.

[3Cf. Thomas Perroud, « Pour la publication des “portes étroites” devant le Conseil constitutionnel et le Conseil d’Etat », Recueil Dalloz, 2015.

[4Bruce Ackerman, « Using the internet to save journalism from the internet », in Arguing about justice. Essays for Philippe Van Parijs, 2011.



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