Tribune libre

La présidente de l’Unef Sorbonne est trop jeune pour nous berner (K. Slougui)

par Khaled Slougui, consultant formateur, président de l’association Turquoise Freedom. 11 juin 2018

L’étudiante est trop jeune pour nous rouler dans la farine ; et ce n’est pas à un vieux singe qu’on apprend à faire la grimace. Et pour cause : sa sémantique est celle des salafistes.

"Il n’y a pas qu’un" ; on voudrait nous faire accepter la remise en cause de l’universalité des principes (liberté, égalité, laïcité..). En effet, les salafistes ont pour stratégie de tout relativiser, c’est leur façon de semer le doute, tant et si bien que tout ce qui relève des valeurs communes est battu en brèche.

Régis Debray en parle très bien dans son livre Allons aux faits : s’instaure un « tout se vaut, donc rien ne vaut » qui efface les frontières entre le vrai et le faux, le nécessaire et le gratuit, l’impératif et le facultatif. N’importe quel 2 + 2 = 5 devient une position intéressante, et le 2 + 2 = 4 une option parmi les autres.

Dans un de ses livres, Tarik Ramadan dénonce l’arrogance de l’Occident qui veut imposer sa conception de la liberté - entendez par là que la femme voilée c’est une forme de liberté, le mariage de la fille à 10 ou 12 ans en est une autre, ainsi que la polygamie... D’autres salafistes disent "Oui pour la laïcité, mais il y a différentes laïcités".

Au final, c’est la remise en cause du système de valeurs sur lequel fonctionne notre société qui est visée.

Un rapide retour sur l’expérience algérienne. Années 1970 : 0 voile à l’université ; années 2000 : 95 % de voiles à l’université. Aujourd’hui un ami vient de publier un post sur Facebook : des magasins affichent que les femmes non voilées sont indésirables. Le feu est dans la maison. Pour paraphraser Alfred De Musset "On ne badine pas avec la laïcité".

Par ailleurs, pour qui est rôdé dans l’analyse du discours, forme et contenu, il est évident que celui de cette jeune fille a été appris par coeur ; il est loin d’exprimer et signifier une liberté de ton qui d’ailleurs n’est pas permise chez les islamistes. Pour l’exemple, dans une de ses déclarations sur le voile, Marwan Muhammad du CCIF reprend, mot pour mot, celle de Tarik Ramadan dans le livre Mon intime conviction, fût-elle très ambigüe comme d’habitude : "Il est anti-islamique d’imposer le voile à une femme et c’est une atteinte aux droits de l’Homme que de lui imposer de l’enlever". C’est, pourrait-on dire, le ni-ni à la sauce salafiste. Cette façon de diffuser la doctrine rappelle étrangement la pratique des sectes.

Au plan théorique, c’est ce qu’on appelle le relativisme culturel. Moi, je dis, je persiste et signe : respecter toues les cultures, oui ! Tout respecter dans ces cultures, non ! Mille fois non ! Car admettre la différence, cela ne signifie non plus s’interdire tout jugement sur des pratiques attestant un pouvoir de domination ou d’assujetissement, pour parler comme Henri Pena-Ruiz.

Enfin, cette jeune étudiante ne maîtrise pas son sujet ; elle ne sait pas si elle est syndicaliste, auquel cas son rôle est de défendre tous les étudiants(es). Ou si elle est militante féministe, et alors elle défend les femmes, certaines femmes, celles qui portent le voile, pas celles qu’un de ses mentors, Hani Ramadan considère « comme une pièce de monnaie qui circule de main en main ».

A l’image de ses gourous, et fidèle à la doctrine, elle est dans le « il n’y a pas qu’un seul féminisme ».

Au bout du compte, il semble plus plausible que cette étudiante était en service commandé ; d’autres l’on fait avant elles dans d’autres domaines : tester la résistance de la République.

Contrairement à ce qu’elle prétend, son voile n’a qu’un seul sens, le sens politique.

Khaled Slougui



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