(Le Figaro, 30 août 23). Jean-Eric Schoettl, ancien Secrétaire général du Conseil constitutionnel, ancien membre du Conseil des sages de la laïcité. 30 août 2023
[Les éléments de la Revue de presse sont sélectionnés à titre informatif et ne reflètent pas nécessairement la position du Comité Laïcité République.]
"[...] Le port de l’abaya conduit l’élève qui la revêt à se faire immédiatement reconnaître par son appartenance religieuse. Or, comme le souligne la circulaire du 18 mai 2004, prise pour l’application de la loi du 15 mars 2004, et comme l’a précisé à nouveau la circulaire signée en novembre 2022 par le précédent ministre de l’Éducation, les signes et tenues interdits par la loi sont ceux dont le port conduit « à se faire immédiatement reconnaître par son appartenance religieuse ». La loi interdit le port de tenues qui ont comme objectif de manifester ou de revendiquer une appartenance religieuse, même sans prosélytisme. C’est le cas avec l’abaya, cette ample robe si visible qui nous vient du Moyen-Orient et dont les caractéristiques sont plus conformes encore que le hidjab aux préceptes coraniques. Le verset 59 de la sourate 33 ne recommande-t-il pas au Prophète, comme l’explique la philosophe Razika Adnani, de demander à ses femmes de ramener sur elles leurs djalabib, pluriel de djilbab (d’où le terme djellaba), qui désigne une robe longue et ample ?
Faire de l’abaya une simple tocade « culturelle » ou la mettre sur le compte de la crise d’adolescence, c’est nier qu’elle manifeste l’adhésion à un islam politique qui poursuit un projet hégémonique. La multiplication des abayas et des qamis procède non d’un caprice juvénile ou d’une mode, mais d’une volonté organisée d’entrisme pour investir la place stratégique que constitue l’école.
Ajoutons qu’une abaya ou un qamis sont immédiatement reconnaissables. Point besoin, comme le prétendait Pap Ndiaye, d’« éditer un catalogue d’une centaine de pages avec des formes de manche et de couleurs ».
Que la loi de 2004 interdise l’abaya à l’école publique ne fait donc aucun doute. La note de service de l’actuel ministre de l’Éducation nationale ne fera que tirer les conséquences nécessaires de la loi et de l’évidence des faits. Les juristes qui distillent ce doute jouent aux idiots utiles de l’islamisme, tels ceux qui soutiennent que l’interdiction ne peut être générale et doit être prononcée « in concreto », selon l’intentionnalité qui peut être raisonnablement prêtée à l’élève. Mais ce « cas par cas » est justement ce dont ne veulent plus les responsables des établissements scolaires, car il les met en danger à de multiples titres : face aux élèves, face aux familles, face à leur hiérarchie, face aux médias et face au juge. [...]
Pas de « cas par cas », donc, sur le principe de la prohibition de l’abaya et du qamis dans l’enseignement public. Une modulation va cependant de soi au niveau des sanctions : l’intention provocatrice devra alors en effet être prise en compte. Pour autant, l’exclusion définitive ne doit pas être écartée au motif que cela « pousserait certains élèves vers un enseignement confessionnel intégriste ». On l’avait dit pour la loi de 2004, et cela ne s’est pas produit. En tout état de cause, mieux vaut que les élèves radicaux (souvent issus de familles elles-mêmes radicalisées) se trouvent concentrés dans des écoles confessionnelles (ou qu’ils soient scolarisés à domicile) plutôt que de les laisser endoctriner et intimider leurs camarades dans l’enseignement public. [...]"
Voir aussi dans la Revue de presse le dossier Voile, signes religieux à l’école dans Atteintes à la laïcité à l’école publique dans la rubrique Ecole,
dans les Documents Loi du 15 mars 2004 sur les signes religieux à l’école, Circulaire d’application de la loi sur le port de signes religieux à l’école (Ministère de l’Éducation nationale, 18 mai 2004), Circulaire relative au plan laïcité dans les écoles et les établissements scolaires (Ministère de l’Éducation nationale, 9 novembre 2022) dans Signes religieux à l’école (note de la rédaction CLR).
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