Revue de presse

"Hamon fait entrer le voile à l’école !" (J.-P. Brighelli, lepoint.fr , 15 mai 14)

Jean-Paul Brighelli, enseignant, essayiste, auteur notamment de "La Fabrique du crétin" (Gawsewitch, 2005) 16 mai 2014

"Benoît Hamon détricote tranquillement l’oeuvre de Vincent Peillon. Hier, les rythmes scolaires, aujourd’hui, la laïcité.

[...] Benoît Hamon amende, d’une façon lourdement significative, l’une des rares décisions cohérentes de l’ex-pensionnaire de la Rue de Grenelle.

Dans une interview sur BFM [1], le tout nouveau ministre de l’Éducation nationale vient d’accéder à la demande des groupes les plus revendicatifs (et, osons le dire, les plus extrémistes) et d’accepter que, cas par cas, les chefs d’établissement, les directeurs d’école agréent les demandes des accompagnatrices bénévoles des sorties scolaires qui souhaitent porter un voile islamique. Bravo. Il sera donc dit aussi que je finirai par regretter Luc Chatel, qui avait eu la bonne idée de sortir en mars 2012 une circulaire sans ambiguïté pour expliquer que l’école, y compris hors les murs, était et restait le lieu laïque qu’avait autrefois défini Jean Zay.

Et à propos de Jean Zay, justement, nous sommes assez nombreux à nous être réjouis de la décision de faire entrer au Panthéon l’ancien ministre de l’Éducation nationale assassiné par la Milice en 1944 - quelles que soient les réticences de certains. Mais la politique de Hollande, c’est le dieu Janus, à double face. D’un côté, on flatte les laïcards de toutes obédiences (en particulier celle de la rue Cadet). De l’autre, on donne des gages à tout ce que l’intolérance et la superstition offrent de plus hypocrite - des jeunes femmes voilées envoyées comme des missiles sur les terrains d’exercice de la démocratie.

Début janvier, le président de la République, lors de la cérémonie de voeux aux corps constitués, a benoîtement expliqué que, sur la question des sorties scolaires, il était inutile de proposer une nouvelle loi : la circulaire Chatel de mars 2012 "continuera d’être appliquée par les professionnels de l’éducation, comme ça a été le cas jusqu’ici, c’est-à-dire avec discernement et de manière apaisée" [2]... Et pour apaiser, comptez sur Hamon, qui a entendu le sous-texte de l’oracle élyséen et en a tiré les conséquences : désormais, ce seront les chefs d’établissement qui décideront, au cas par cas, de la politique à mener - pas de vagues, et dans les quartiers difficiles (entendons : à large majorité musulmane), on accédera à la demande des associations - celles-là mêmes qui avaient interpellé le Défenseur des droits, qui avait saisi à son tour le Conseil constitutionnel. Lequel avait coupé la poire en deux - les sages ont adopté la nouvelle mode schizophrénique.

Hurlements des laïques et des associations proches des "frères". À peine installé, Benoît Hamon s’occupe à détricoter l’oeuvre (?) de son prédécesseur : d’abord les rythmes scolaires (gardons, mais pas trop - fausse coupe), puis désormais la laïcité, à géométrie variable.

Il devrait se renseigner - il ne connaît rien à l’éducation. Pour toute sortie, on enseigne aux élèves que les règles de l’établissement s’appliquent à l’extérieur tant qu’ils sont dans une activité scolaire. Et les parents seraient autorisés à enfreindre les lois que leurs enfants sont tenus de respecter ? Revoilà Janus, et la schizophrénie mortelle dans laquelle nous entraîne une politique de Gribouille. La laïcité n’est pas aménageable : elle est, ou elle n’est pas. Toute concession est un anéantissement. Encore un effort, et elle ne sera plus.

À qui ces spécialistes de la palinodie croient-ils faire plaisir ? Aux islamistes ? Donner des gages à l’intolérance se paie un jour ou l’autre. Aux pédagogues, toujours attentifs à anéantir dans l’école ce qui peut l’être, et qui protestaient mezza voce contre la trop grande rigueur de la loi de 2004 ? [...]"

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