Henri Peña-Ruiz, philosophe et écrivain, Prix de la Laïcité 2014, auteur de "Dictionnaire amoureux de la laïcité" (Plon). 10 avril 2018
"Le philosophe Henri Peña-Ruiz s’indigne de la parole présidentielle sur un supposé lien « abîmé » avec les catholiques."
"Comment réagissez-vous aux propos d’Emmanuel Macron qui évoque le lien abîmé entre l’Eglise et l’Etat ?
Je ne comprends pas de quoi veut parler le président de la République. On se demande de quelle blessure l’Etat se serait rendu coupable à l’encontre de l’Eglise catholique. Quel lien abîmé faudrait-il réparer ? La loi de 1905 ne supposait ni hostilité ni divorce entre l’Etat et l’Eglise. Il faut revenir à l’étymologie, le mot vient du grec ekklêsía qui signifie l’assemblée des fidèles qui partage une même croyance. Le rôle de l’Eglise est d’organiser cette assemblée autour de cette foi, en défendant au besoin son point de vue éthique. La loi de 1905 a simplement redéfini le rôle de l’Etat et celui de l’Eglise, les réassignant à leur place. Auparavant, vous aviez un parti clérical qui voulait imposer les croyances des uns à l’ensemble de la société. La laïcité posée dans les termes de la loi de 1905 n’est pas antireligieuse, elle a d’ailleurs été portée par des croyants, par des déistes, par des agnostiques comme par des non-croyants.
Quelle est la place des Eglises et des autorités religieuses dans le débat bioéthique ?
Elles ont leur place, toute leur place. Je vous donne deux exemples. Monseigneur Lustiger était très opposé à la pilule du lendemain. Il refusait, et c’est son droit, l’idée même que des couples fassent l’amour sans avoir la procréation comme objectif. Bien, il l’a dit, il a été entendu et les représentants du peuple en ont décidé autrement. Dans la bataille pour le mariage pour tous, les catholiques ont été entendus, ils ont pu manifester leur opposition avec véhémence. Le Parlement a décidé que Marianne devait permettre à deux personnes qui s’aiment d’établir entre elles une relation durable sans se préoccuper de leur sexe. Ça n’empêche pas les catholiques pratiquants de respecter les préceptes de l’Eglise. Les représentants du peuple se sont prononcés, l’Eglise doit s’y plier.
La situation a pu être vécue violemment par les pratiquants…
Peut-être, c’est une autre question, mais l’Etat n’a pas à s’excuser parce que le lien avec l’Eglise catholique aurait été « abîmé ».
Philippe Douroux
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Lire "Henri Peña-Ruiz : « L’Etat n’a pas à s’excuser vis-à-vis de l’Eglise »".
Lire aussi Un président de la République a pour devoir de ne reconnaître aucun culte (CLR, 10 av. 18), le discours de Macron aux évêques (9 av. 18) : “Le lien entre l’Eglise et l’Etat s’est abîmé, il nous importe à vous comme à moi de le réparer” (la-croix.com , 10 av. 18), « L’État chez lui, l’Église chez elle » (GODF, 10 av. 18), "Jupiter ventre à terre vers les curés" (ADLPF, 9 av. 18), "En marche… arrière, vers la reconnaissance des cultes ! Emmanuel Macron reçu par les Évêques de France" (Ufal, 8 av. 18), Emmanuel Macron chez les évêques lundi 9 avril, « dans l’octave de Pâques, la plus grande fête chrétienne » (la-croix.com , 4 av. 18), Sarkozy au Latran (20 déc. 07) : “L’instituteur ne pourra jamais remplacer le curé ou le pasteur” et Sarkozy à Riyad (14 jan. 08) : Dieu, “rempart contre l’orgueil démesuré et la folie des hommes” (note du CLR).
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