Revue de presse

G. Biard : "La censure au nom de la sécurité" (Charlie Hebdo, 24 mai 23)

(Charlie Hebdo, 24 mai 23). Gérard Biard, rédacteur en chef de "Charlie Hebdo". 30 mai 2023

[Les éléments de la Revue de presse sont sélectionnés à titre informatif et ne reflètent pas nécessairement la position du Comité Laïcité République.]

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Lire "La censure au nom de la sécurité".

"[...] Le 13 mai, le maire de Carnac (Morbihan) a été contraint d’annuler un concert qui devait se tenir dans une église – avec l’approbation de l’évêché et du comité paroissial –, sous la pression des inté­gristes de Civitas, qui l’avaient décrété « profanatoire » et s’étaient regroupés à une quarantaine devant l’édifice en hurlant des « Christus vincit  ! » (« le Christ vainc ») et autres « Arrière, Satan  ! », tout en menaçant les spectateurs – une élue municipale a été giflée par l’un de ces nervis de Dieu.

Le 27 avril, c’était à Lyon que l’extrême droite catholique obtenait, par les mêmes méthodes d’intimidation, l’annulation d’un concert de DJ et de rappeurs qui devait se tenir à la basilique de Fourvière. Spectacle lui aussi validé par les autorités ecclésiastiques, mais accusé de promouvoir « la pornographie, le sadomasochisme et l’idéologie woke », dixit Aurélien Chabrier, délégué départemental de Reconquête  ! et ardent défenseur du lieu « sacré ». Plus tôt en avril, à Metz, l’artiste et icône LGBT Bilal Hassani avait lui aussi renoncé à se produire dans une église… désacralisée ­depuis cinq cents ans.

Comme on le voit, la « rue » d’extrême droite commande. De plus en plus souvent, elle fait annuler des concerts, sabote des expos, menace des maires… Est-ce mieux sur le trottoir d’en face  ? Pas vraiment. La conférence que devait donner l’anthropologue ­Florence ­Bergeaud-Blackler le 12 mai à la Sorbonne, autour de son dernier ouvrage consacré aux Frères musulmans, a été « suspendue » – quel merveilleux euphémisme -par la direction de l’université, qui craint des « perturbations » et a invoqué « des raisons de sécurité ». La chercheuse au CNRS, accusée d’« islamophobie », a reçu des menaces de mort et est placée sous protection policière.

De même, quiconque voudrait assister à un débat ou à un colloque auquel participeraient les pédopsychiatres Caroline Eliacheff et Céline Masson, autrices du livre La Fabrique de l’enfant-transgenre (Éditions de l’Observatoire), devenues en quelques mois l’incarnation du démon aux yeux des transactivistes, a tout intérêt à vérifier qu’il sera bien maintenu. Là aussi, les annulations pleuvent, à Paris, à Lyon, à Lille… Toujours pour « raisons de sécurité ». Les mêmes « raisons » qui ont privé de concert les spectateurs de Carnac, de Lyon, de Metz…

Mais de quelle sécurité parle-t-on, quand elle dépend du bon vouloir de l’extrême droite ou de militants radicaux utilisant des méthodes de miliciens et manipulant comme personne la puissance de feu des réseaux sociaux  ? Ce type de sécurité a un nom : ça s’appelle du racket. Et toujours plus d’institutions, d’élus, d’organisateurs d’événements, y cèdent, sans penser aux conséquences de cette capitulation. À combien de concerts, de conférences, d’expositions, de films, de livres, nous faudra-t-il renoncer à l’avenir  ? [...]"



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