22 octobre 2014
"Faute de subventions pourtant promises, la crèche, ouverte 24 heures sur 24, pourrait bien fermer. Sa marraine est en colère.
Baby-Loup a survécu à six ans de bataille judiciaire, pour avoir licencié une salariée voilée. La justice lui a donné raison en juin dernier. La crèche pensait renaître à Conflans-Sainte-Honorine (Yvelines), ville voisine de Chanteloup-les-Vignes où elle ne pouvait rester en raison des menaces pesant sur son personnel. Mais, six mois après sa réouverture, elle pourrait fermer définitivement. Le 29 septembre, le maire de Conflans a divisé par quatre la subvention promise. Endettée par les travaux d’aménagement, la crèche ouverte 24 heures sur 24 ne peut plus payer ses équipes. Une situation grave que dénonce la philosophe Elisabeth Badinter, marraine de Baby-Loup.
ELLE. Baby-Loup paie-t-elle son engagement en faveur de la laïcité ?
Elisabeth Badinter. J’en suis sûre. La défense de la laïcité telle que la pratique la crèche a provoqué d’importantes divisions, y compris au sein de la gauche et de l’extrême gauche. En posant comme condition, pour accueillir des enfants de multiples confessions, la neutralité religieuse, la direction de l’établissement a été accusée par certains d’être « sectaire ». On lui a collé, à tort, l’étiquette de « laïque intégriste ». Pour éviter ces polémiques, les membres du gouvernement ont gardé le silence et rares sont ceux qui ont soutenu la crèche. Aujourd’hui, elle continue d’en payer le prix. On étouffe Baby-Loup dans le silence.
ELLE. Existe-t-il une volonté politique de fermer Baby-Loup ?
Elisabeth Badinter. En 2013, l’ancien maire PS de Conflans-Sainte-Honorine a proposé de l’accueillir au sein de sa commune et a promis 400 000 euros de subventions. Le nouveau maire UMP n’a accordé que 90 000 euros, ce qui ne permet pas à la crèche de fonctionner. Il justifie sa décision par un « souci d’équité » avec les autres crèches municipales, mais aucune autre ne rend le service que rend Baby-Loup aux familles. Or les salaires du personnel ne pourront pas être payés ce mois-ci. Ce serait épouvantable que là où les islamistes intégristes ont échoué, les Républicains bon teint mettent fin à ce projet formidable.
ELLE. Baby-Loup a pourtant été célébrée comme pionnière et modèle. Que s’est-il passé ?
Elisabeth Badinter. Je suis la marraine de Baby-Loup depuis sept ou huit ans, bien avant le débat sur la laïcité. Si je l’ai soutenue, c’est parce que ce projet était éminemment féministe et il l’est toujours. Sans Baby-Loup, des mères qui travaillent en horaires décalés – infirmières, salariées de la restauration... –,devraient rester chez elles. Sans Baby-Loup, leurs enfants seraient trimballés à droite, à gauche quand elles sont de nuit ou commencent très tôt le matin. Cette crèche, ouverte 7 jours sur 7, leur garantit l’indépendance économique et l’assurance que leurs petits sont pris en charge de manière formidable. En arrivant à Conflans, l’équipe a repensé les lieux, imaginé un jardin… Baby-Loup aurait dû servir de modèle et essaimer ailleurs. Je suis surprise que le ministère des Droits des femmes et celui de la famille n’aient pas soutenu la crèche.
ELLE. Qu’espérez-vous en prenant la parole aujourd’hui ?
Elisabeth Badinter. Un sursaut des municipalités, du conseil général, de la Caf et de tous ceux qui défendent le modèle de cette crèche unique en son genre en répondant à l’appel aux dons qu’elle va lancer."
Lire aussi Pétition : "Mobilisons nous pour la crèche Baby Loup" (avaaz.org , 8 oct. 14) (note du CLR).
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