Revue de presse

"Dessiner, créer, libérer  !" (Riss, Charlie Hebdo, 14 déc. 22)

Riss, directeur de "Charlie Hebdo". 14 décembre 2022

[Les éléments de la revue de presse sont sélectionnés à titre informatif et ne reflètent pas nécessairement la position du Comité Laïcité République.]

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Lire "Dessiner, créer, libérer  !"

"Que peut-on faire pour aider les Iraniens dans leur lutte  ? C’est la question qu’on se pose souvent à Charlie Hebdo depuis le début de cette révolte qui a commencé par la contestation des femmes contre le port du voile et contre le pouvoir religieux de Téhéran. Finalement, la seule chose que nous savons faire, c’est dessiner et caricaturer. On s’est donc dit que notre manière à nous de soutenir, au moins moralement, ceux qui, à l’heure où nous écrivons ces lignes, sont peut-être en train de se faire tuer, c’est de dessiner pour eux. Et plus particulièrement de dessiner contre ceux qui les oppriment. Charlie a donc lancé un concours, ouvert aux dessinateurs professionnels du monde entier, pour caricaturer, ridiculiser et faire tomber de son piédestal le Guide suprême de la République islamique d’Iran, Ali Khamenei, et avec lui tous les mollahs sous ses ordres.

D’abord parce qu’il a une bonne tête à caricaturer, avec ses petits yeux noirs de serial killer et sa barbiche de Père Noël malhonnête. Et puis surtout parce qu’il incarne tout ce que nous combattons, à savoir cette prétention qu’ont les religieux de diriger notre vie, de dire ce qui est autorisé et ce qui ne l’est pas. Car ce que nous contestons avec la plus grande force, c’est l’autorité morale dont ils se prévalent. Qui sont-ils pour nous dire ce qui est permis ou pas  ? Qui sont-ils pour nous donner des ordres et nous menacer quand on les conteste  ? Rien  ! Ils ne sont rien que des personnages souvent banals, voire médiocres, qui se cachent derrière un Dieu dont on n’est même pas sûr qu’il existe, et cela pour commander nos existences.

L’enjeu de ce qui se passe en Iran est non seulement de voir les Iraniens redevenir libres, mais aussi de remettre en question le rôle du religieux dans la vie publique partout dans le monde. Ce qu’ont dû supporter les Iraniens depuis l’arrivée de ces mollahs à la tête de leur pays, en 1979, est certainement difficile à imaginer pour nous qui vivons dans une démocratie pépère, où on peut s’exprimer et écrire librement, et s’habiller et se coiffer à notre guise, même si c’est parfois très moche.

Notre soutien, par le biais de ce concours, est certainement modeste, mais la somme de milliers de petits gestes donne parfois la force de faire des miracles. Et puis, cette fois, on ne pourra pas nous accuser de blasphémer – même si cela nous a toujours laissés indifférents – puisque Ali Khamenei n’est pas un prophète, mais seulement un petit vieux de 83 ans qui fait chier 84 millions d’Iraniens.

De ce concours, il n’y aura rien d’excep­tionnel à gagner, ni Ferrari, ni 70 vierges, ni place à la droite de Dieu, mais, plus modestement, la satisfaction d’avoir contribué à soutenir moralement ceux qui luttent, en Iran et aussi partout ailleurs dans le monde, contre l’arbitraire religieux. Accessoirement, une sélection des dessins les plus marquants sera publiée dans Charlie et sur le site.

Car ce qui se passe là-bas aura des conséquences bien au-delà des frontières du pays. Bannir la religion de ­l’espace public pour la cantonner à la sphère privée reste une idée extraordinairement moderne et subversive. Le printemps arabe avait pour objectif de se débarrasser des autocrates et autres présidents à vie. Le résultat n’a pas toujours été convaincant, car si on élimine des tyrans politiques sans s’être débarrassés au préalable des tyrans religieux, on reste toujours aussi prisonnier qu’avant. Peut-être aurait-il fallu écarter d’abord les despotes religieux pour que tombent ensuite les dictateurs politiques  ?

C’est pourquoi les événements qui secouent l’Iran sont d’une importance considérable, non seulement pour ses habitants et pour beaucoup de citoyens du Moyen-Orient, mais aussi pour nous, en Europe, où nos dirigeants politiques ont parfois du mal à admettre que l’emprise du spirituel sur nos sociétés menace leur légitimité ainsi que toutes nos libertés."



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