Edito

Antoine Sfeir, un humaniste laïque nous a quittés (P. Kessel, 2 oct. 18)

par Patrick Kessel, président d’honneur du Comité Laïcité République. 2 octobre 2018

Notre ami Antoine Sfeir, journaliste et éminent politologue franco-libanais, nous a quittés après une longue lutte contre la maladie. Spécialiste reconnu du Proche et du Moyen-Orient, véritable passeur entre l’Orient et l’Occident, auteur d’une vingtaine d’ouvrages sur le monde arabe et l’islam, fondateur des Cahiers de l’Orient, collaborateur de nombreux journaux et invité régulier des médias audiovisuels, Antoine Sfeir ne fut pas qu’un éminent spécialiste du monde arabe, il fut aussi un humaniste, un universaliste et un laïque convaincu.

Intuitif, Antoine fut un des premiers à craindre que les « printemps arabes » ne débouchent sur les « tempêtes du désert ». Comme il fut, dès 2003, parmi les premiers à mettre en garde contre Tariq Ramadan, un « spécialiste du double langage » et à dénoncer l’influence salafiste sur une partie de la jeunesse française.

Né en 1948 à Beyrouth dans une famille chrétienne maronite, ouvert aux différentes cultures qui baignent les terres levantines, il subit tôt les affres de l’intolérance. A 28 ans, jeune et brillant journaliste de L’Orient-le-Jour, quotidien francophone de Beyrouth, il est enlevé et torturé par des milices. Bien que les stigmates n’aient jamais quitté son visage, il demeurera toute sa vie un homme opposé à la violence, un partisan du dialogue, de la concorde dans une région où les haines entre nations, entre cultures, entre communautés semblent irréconciliables.

Cette capacité d’écoute, cette volonté de compréhension, sa gentillesse naturelle, ne l’empêchaient nullement de dénoncer avec la plus grande fermeté la montée de l’obscurantisme sous toutes ses formes et de mettre en garde contre l’islamisme en particulier. Franc-Maçon, Antoine voulait croire en la capacité des hommes à bâtir une société universaliste, plus juste et plus éclairée, garantissant à chaque femme, à chaque homme la pleine liberté de conscience et l’égalité des droits.

Antoine Sfeir fut également un défenseur de la laïcité, intervenant en ce sens à l’occasion de nombreuses conférences et colloques. Membre du Comité Laïcité République (CLR) depuis sa création, il présida en 2007 le jury qui, chaque année, décerne le Prix de la Laïcité. Cette année-là, le Grand prix international fut remis à un ministre danois d’origine syrienne, menacé de mort avec sa famille pour avoir courageusement soutenu les dessinateurs danois qui avaient osé caricaturer le prophète. Nos amis de Charlie Hebdo à leur tour le paieraient du prix de la vie.

Antoine était un humaniste au plein sens du terme, un ami qui nous manque déjà.

Patrick Kessel


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