Revue de presse

Abayas à l’école : "Les froussards de la République" (Gérard Biard, Charlie Hebdo, 14 juin 23)

(Gérard Biard, Charlie Hebdo, 14 juin 23). Gérard Biard, rédacteur en chef de "Charlie Hebdo". 14 juin 2023

[Les éléments de la Revue de presse sont sélectionnés à titre informatif et ne reflètent pas nécessairement la position du Comité Laïcité République.]

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Lire "Les froussards de la République".

"[...] Frères musulmans, salafistes, prédicateurs, « influenceurs » communautaires et autres prosélytes barbus plus ou moins camouflés ont trouvé la parade pour contourner la loi de 2004 sur les signes religieux à l’école : convaincre les ados de porter abayas et qamis, tenues qui, certes, ne répondent pas directement à des prescriptions religieuses, mais sont portées par des musulmans très dévots, dans des pays ou des régions où l’islam est religion d’État, voire davantage. Une façon d’affirmer ostensiblement son « identité » religieuse en faisant un bras d’honneur, très ostensible lui aussi, à la loi et à ceux qui voudraient qu’on s’y conforme.

Ce n’est pas religieux, c’est la culture, la pudeur, la mode dans le quartier, le chauffage qui ne marche pas alors j’ai froid… Le phénomène du « vêtement ample » se multipliant et s’accélérant, pour très vite devenir récurrent, le ministre de l’Éducation nationale a décidé de s’y attaquer en fin d’année dernière, via une circulaire… laissant aux chefs d’établissement et aux professeurs le soin d’estimer l’« intentionnalité religieuse » de la tenue et d’agir en conséquence. Et bon courage.

Six mois plus tard, les résultats sont là : abayas et qamis fleurissent plus que jamais dans les cours de récré. Profs et chefs d’établissement – du moins ceux qui ne prêchent pas une « laïcité ouverte » ou ne sont pas tétanisés par un sujet aussi « sensible » – courent comme ils peuvent derrière des gamins manipulés par des stratèges du prosélytisme religieux, qui ont toujours un coup d’avance et manient comme personne le chantage à l’« islamophobie ». Quant à l’État, il considère malheureusement trop souvent qu’il a mieux à faire.

Pour mémoire, entre l’« affaire du foulard » de Creil, en 1989, et l’adoption d’une loi sur les signes religieux à l’école, il s’est passé quinze ans. Quinze ans de tergiversations et d’arguments dilatoires – « ça ne concerne que quelques élèves », « on stigmatise et on discrimine toute une population », « on a le droit de s’habiller comme on veut »… – parce qu’on a refusé d’admettre que l’école était, déjà, en première ligne face à une offensive politico-­religieuse parfaitement orchestrée, qui n’a fait que s’intensifier depuis.

On a laissé s’installer un débat vicié, accréditant l’idée que la laïcité n’allait plus de soi, ni à l’école ni ailleurs. Dans cette débâcle organisée, la gauche a malheureusement joué un rôle déterminant, abandonnant l’un de ses combats – un de plus – à l’extrême droite, ravie de l’aubaine et pas gênée d’incarner la défense de la République, aussi aberrant que cela puisse paraître.

Par calcul, par peur, par paresse, mais par idéologie aussi, on a délibérément laissé la main aux religieux, qui dictent désormais à leur aise les termes du débat et contraignent les tenants de la raison et de la loi civile à la défensive perpétuelle. L’école n’est hélas que l’un des nombreux symptômes de la plaie mystico-totalitaire qui ronge notre contrat social."



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