29 avril 2010
Décidément la Belgique nous surprendra toujours. D’abord le 16 juillet 2009, au moment où à Paris se met en place la mission sur le voile intégral, notre amie la sénatrice indépendante Anne-Marie Lizin, membre éminent de la Ligue du Droit International des femmes, reprend l’idée au vol et dépose au Sénat une résolution visant à interdire la burqa en tout lieu. Rebondissant sur ce texte, des élus libéraux déposent une proposition de loi, d’abord au Sénat, puis voyant que l’affaire risque de s’enliser, à la Chambre des députés. Le texte n’y va pas par quatre chemins, même si le mot burqa n’est pas prononcé, il est stipulé que les personnes qui « se présenteront dans l’espace public le visage masqué ou dissimulé, en tout ou en partie, par un vêtement de manière telle qu’ils ne soient plus identifiables » seront punis d’une amende et/ou d’une peine de prison de un à sept jours. Le texte précise qu’il faut entendre par « espace public » l’ensemble des rues, chemins, jardins publics, terrains de sports ou « bâtiments destinés à l’usage du public où des services peuvent lui être rendus » La proposition bénéficie du soutien des cinq partis de la coalition. Et sans coup férir voilà que la commission de l’Intérieur approuve le texte à l’unanimité ! Reste à le faire voter en séance plénière.
Les Belges vont-ils nous coiffer au poteau ? Il semble bien que oui, car côté français, après avoir fait un travail remarquable, la mission patauge en fin de parcours. A l’approche des élections régionales, sous prétexte que Copé a voulu aller plus vite que la musique en déposant une proposition de loi, sans attendre la remise du rapport de la mission, les socialistes quittent la mission en parlant de récupération politicienne. Et tout le monde, médias, partis, intellectuels, d’y aller d’une petite phrase assassine du style : « il y a des choses plus importantes » « les préoccupations des Français sont ailleurs » « on va stigmatiser les musulmans » « ce sera inapplicable » « on va se faire épingler par la Cour Européenne ». Au total les régionales se traduisent par une abstention record et une remontée spectaculaire du FN… Au lieu de foncer, le gouvernement encore sonné par son échec, ébranlé par les arguments de certains juristes, demande l’avis du Conseil d’Etat, renouvelant ainsi l’erreur de Jospin, lorsqu’il était ministre de l’éducation nationale et qu’il avait été confronté à la première crise sur le voile. Egal à lui-même le Conseil d’Etat prend son temps avant de répondre de façon alambiquée, découpant l’espace public en rondelles selon qu’il lui semblerait ou non judicieux d’interdire… Et chacun de louer la grande perspicacité des sages… Alors loi d’interdiction générale ou non ? Proposition de loi ou projet de loi du gouvernement ? Procédure d’urgence ou non ? L’Elysée, sentant que l’affaire est mal partie et que son électorat attend plus de fermeté, reprend la main. On semble parti pour une procédure d’urgence appliquée à un projet de loi d’interdiction générale précédée par une résolution. C’est peu dire que les protestations de tous côtés se font des plus véhémentes.
Côté belge, alors que tout était prêt pour une confirmation du vote de la Commission à la Chambre des députés, patatras, l’actualité des querelles linguistiques fait irruption sur la scène nationale et le gouvernement présente sa démission au Roi. Plus personne ne parierait un sous sur le passage de la loi. La aussi le bruit assourdissant des « il a tout de même des choses plus importantes » envahit l’espace médiatico-politique. Il faut dire que c’est de l’avenir de la Belgique, de la future présidence de l’Union, de la dissolution de la Chambre, de l’envie de vivre ensemble des Belges dont il s’agit.
Mais voilà, il se trouve qu’au milieu de ce grand désarroi, quelques femmes et hommes politiques, parmi lesquels, naturellement Anne-Marie Lizin, nous donnent une leçon de capacité de conviction et d’action. La fenêtre de tir était on ne peut plus étroite. Il reste une dizaine de jours avant la dissolution de la Chambre. Or la Chambre des députés a voté le texte ce soir à l’unanimité moins deux abstentions. Faut-il encore que le texte passe au Sénat dans les plus brefs délais avant que le couperet de la dissolution ne tombe. L’ « évocation » du texte par le Sénat requiert les signatures de 15 Sénateurs. Cette étape est acquise. Il faut donc désormais limiter la période de débat au Sénat à quelques jours. Aucune raisons de ne pas y arriver, selon des sources bien informées !
Ainsi il y a toutes les chances pour que la Belgique soit le premier pays en Europe à franchir le pas de l’interdiction totale du voile islamique.
Comité Laïcité République
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