Revue de presse

"Un conseil national pour « labelliser » les imams français" (la-croix.com , 19 nov. 20)

20 novembre 2020

[Les éléments de la revue de presse sont sélectionnés à titre informatif et ne reflètent pas nécessairement la position du Comité Laïcité République.]

"Le Conseil français du culte musulman (CFCM) a présenté à Emmanuel Macron, mercredi 18 novembre au soir, son projet de conseil national des imams, qui vise notamment à lutter contre les dérives d’imams « autoproclamés ».

Mélinée Le Priol

Labelliser la formation des imams et certifier ces cadres religieux – autrement dit, les autoriser à exercer sur le sol français. Telle est l’« immense responsabilité » que le président Macron avait confiée, lors de son discours du 2 octobre sur le séparatisme, au Conseil français du culte musulman (CFCM), sommé de mener à bien sa mission dans les six mois « au plus tard ». « C’est une pression immense que nous allons exercer sur eux, parce que nous n’avons pas le droit d’échouer », avait prévenu le chef de l’État.

L’annonce de ce mercredi 18 novembre est-elle une conséquence de cette « pression » ? C’est en tout cas à l’Élysée, où les dirigeants du CFCM se rendaient pour la quatrième fois depuis la rentrée, que le projet d’un conseil national des imams a été présenté à l’exécutif. Une « bonne nouvelle » pour plusieurs observateurs du culte musulman, dont certains se sont toutefois dits surpris que l’annonce survienne déjà – et qui plus est, aussi tard dans la soirée.

Volontiers comparée au conseil de l’ordre des avocats, cette nouvelle instance pourra délivrer aux imams une carte officielle, et leur retirer cet agrément en cas de manquement à une charte et à un code d’éthique qui restent à élaborer. En fonction de leur rôle (imams dirigeant la prière, imams prêcheurs et imams conférenciers), différents niveaux de connaissance du français et de diplômes seront exigés, pouvant aller jusqu’à des formations universitaires.

Pour le gouvernement, l’enjeu est au moins double. D’abord, compenser la suppression des « imams détachés », annoncée en février et qui devrait être effective en 2024, afin de lutter contre l’influence étrangère. Ces imams (300 par an) sont en effet envoyés en France par la Turquie, l’Algérie et le Maroc et rémunérés par ces pays. D’autre part, un tel label visera à éviter les dérives, parfois dramatiques, d’imams « autoproclamés ».

Car du théologien bardé de diplômes au simple fidèle investi par sa communauté, les imams exerçant en France n’étaient jusqu’ici pas tenus de suivre une formation spécifique. Cette question, comme celle de leur statut juridique, est l’un des dossiers les plus épineux – et récurrent – de l’islam de France.

D’ici deux semaines, les dirigeants du CFCM reviendront à l’Élysée. Ce sera cette fois pour présenter la « charte des valeurs républicaines » sur laquelle ils devront eux-mêmes s’engager, là encore à la demande du gouvernement. « Ingérence », voire « gestion coloniale » du culte musulman par l’État ? Les accusations n’ont pas manqué de circuler sur les réseaux sociaux jeudi 19 novembre.

« Ce n’est peut-être pas agréable, puisque l’on n’exige pas cette charte des autres cultes », reconnaît Ghaleb Bencheikh, président de la Fondation de l’islam de France. « Mais un engagement net des imams français en faveur de la liberté de conscience et de l’égalité entre tous les humains est évidemment nécessaire. » Quant à la fraternité, troisième volet du triptyque républicain, Ghaleb Bencheikh assure qu’elle est déjà rappelée « à profusion » par la tradition musulmane.

Mercredi soir, le chef de l’État a estimé que parmi les neuf fédérations membres du CFCM, trois n’ont « pas une vision républicaine », notamment le Milli Görüs, proche de la Turquie, et les Musulmans de France, ancien UOIF, proche des Frères musulmans – fédérations que le président a invitées à « sortir de ces ambiguïtés ». « Nous sommes parfois victimes d’une certaine image, à des fins politiques », se défend auprès de La Croix Ahmed Jaballah, ancien président de l’UOIF.

Cette fédération controversée est, en tout cas, concernée au premier chef par le dossier actuel, ayant ouvert la voie à la formation d’imams sur le sol français avec l’Institut européen des sciences humaines (IESH) de Château-Chinon en 1992. Une autre antenne a ensuite ouvert à Saint-Denis, dirigée par Ahmed Jaballah et visée au début de l’été par une enquête financière sur son fonds de dotation.

Liés aux différentes fédérations du CFCM, une poignée d’instituts privés existent aujourd’hui en France (lire ci-dessous), même si les imams passent encore le plus souvent par des universités islamiques à l’étranger. Tout l’enjeu, pour le CFCM, est désormais d’harmoniser ces formations françaises pour mettre sur pied un « cursus commun » fait de passerelles et d’équivalences, qui permettra la certification des imams. Au-delà des vœux pieux, le pari est de taille pour le culte musulman de France, miné depuis des décennies par ses guerres intestines et ses divisions.

La formation des imams en France

L’Institut européen des sciences humaines, qui dépend des Musulmans de France, a une antenne à Château-Chinon (205 étudiants en face-à-face) et une autre à Saint-Denis (un millier d’étudiants, dont environ 70 se destinent à l’imamat).

L’Institut Al-Ghazali dépend de la Grande Mosquée de Paris. Il dispose d’une antenne à Paris, et de deux autres, plus récentes, à Lille et aux Mureaux. Au total, une soixantaine d’étudiants s’y préparent à devenir imams.

Le Rassemblement des musulmans de France, proche du Maroc, a ouvert récemment un centre de formation à Rennes.

L’Union des musulmans de France a pour projet d’ouvrir un centre à Évry.

L’Institut français de civilisation musulmane a ouvert à Lyon en 2019, mais des cours n’y sont pas encore dispensés.

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