Revue de presse

Tunisie : Habib Kazdaghli, "un homme d’honneur" (marianne.net , 25 oct. 12)

28 octobre 2012

"Habib Kazdaghli, dont le procès, qui devait s’ouvrir ce 25 octobre à Tunis, est reporté au 15 novembre, a fait plus pour l’honneur de son pays que la désolante armada de fanatiques qui trahissent en toute impunité la révolution de jasmin. Comme Marianne s’en est fait souvent l’écho, le doyen de la faculté des lettres, des arts et des humanités de la Manouba est poursuivi par une étudiante en niqab. Elle retourne contre cet homme paisible les accusations de violence dont il est en réalité la victime depuis le 28 novembre 2011.

Rappelons les faits : un groupe de salafistes, dont certains pourvus d’un brillant CV de djihadistes sont sortis de prison au lendemain de la révolution, avait décidé de transformer la faculté des lettres en symbole du nouvel ordre islamiste. L’enjeu ? Imposer la présence des étudiantes intégralement voilées, ces Belphégor de la négation du visage et de l’altérité, en salles de cours et en examens. Habib Kazdaghli s’en est tenu au règlement intérieur de l’université et à la déontologie des enseignants, hommes et femmes. Il a résisté, appuyé par son équipe pédagogique, mais désavoué par les pouvoirs publics, notamment l’inénarrable ministre de l’enseignement supérieur, Moncef Ben Salem, membre peu diplômé mais très agité de la faction ultra-salafiste du parti Ennahda. [...]

Habib Kazdaghli est cependant devenu en quelques mois l’une de ces figures nationales dont une résistance a besoin pour se fortifier et se définir. L’embarras de la police, qui ne recevait aucun ordre de protection des universitaires et d’intervention contre les commandos salafistes, a braqué les projecteurs sur l’indulgence du pouvoir pour les provocateurs et leur violence. Mois après mois, la chronique de la Manouba, dans sa solitude et sa détermination, dans ses appels de détresse, ses SOS à la raison tunisienne et humaniste, est devenue le premier miroir d’une réalité inquiétante.

Les assauts contre le bureau du doyen, les agressions contre Kazdaghli et ses enseignants, le « sit-in » salafiste pour lequel il faudrait inventer un nom moins paisible que cet aimable vocable, les locaux souillés par l’occupation des étudiantes en niqab et leurs mâles défenseurs au rez de chaussée, les menaces de mort placardées sur les murs : tout cela a progressivement quitté la rubrique fait-divers pour devenir en Tunisie un fait national, la preuve de la force des idées contre la faiblesse de la bêtise, fût-elle drapée comme toujours dans sa cape sombre de fureur légale et illégale.

Habib Kazdaghli, par sa ténacité, transformait la manipulation intégriste en démonstration humaniste. Sa simple présence, ses mots toujours clairs, son attachement à l’éthique de l’enseignant scandaient le rappel des valeurs profondes du pays. Qui ne veut envoyer son fils, sa fille à l’université en Tunisie ? C’est précisément le statut de chômeur des jeunes diplômés qui a déclenché la révolte contre la dictature de Ben Ali. Les enseignants sont aimés dans ce pays. Quel humble paysan, quel père de famille écrasé de dettes, acharné à rêver un avenir pour son enfant, appuierait ceux qui menacent d’égorger des professeurs ?

L’électro-choc devint général le 7 mars 2012 quand les salafistes arrachèrent au fronton de la Manouba- toujours en pleine impunité- le drapeau national pour le remplacer par le chiffon noir qui prétend imposer le sabre et la charia. La jeune fille qui se précipita pour défendre l’étendart tunisien, fut jetée à terre et violentée par les fous d’Allah, ennemis des femmes, des lumières et de la vraie révolution. Désormais héroïne populaire, Khaoula Rachidi, deux jours plus tard, était reçue et décorée par le président tunisien Moncef Marzouki. Il ne pouvait faire moins, le peuple tremblait de colère contre les barbes noires et d’amour pour Khaoula et son drapeau.

Il devenait donc clair, au fil des saisons, que la Manouba incarnait « le » combat de la Tunisie contre ses dévoreurs d’espérance, ses voleurs de feu spirituel, ses détrousseurs de dieux.

Vinrent plus tard l’incendie des œuvres d’art de la Marsa, le procès de la jeune fille violée par les flics, l’attaque contre l’ambassade des Etats-Unis, les harcèlements de journalistes, l’obsession néo-totalitaire des pseudo-démocrates islamistes au pouvoir, bref la litanie d’une post-révolution qui ne chante pas.

Mais, au départ de cette prise de conscience désormais internationale des dangers qui menacent la Tunisie vivante et claire, il y a, comme toujours, quelqu’un qui a dit non.

C’est l’honneur d’un homme, Habib Kazdaghli."

Lire "Tunisie : un homme d’honneur".



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