Revue de presse

« Tous les Français se sentent concernés par l’affaire Baby Loup » (liberation.fr , 17 oct. 13)

La Cour rendra son arrêt le 27 novembre. 17 octobre 2013

"Lors de la nouvelle audience devant la cour d’appel de Paris, les avocats de la crèche de Chanteloup-les-Vignes se posent en défenseurs de « l’universalisme contre le multiculturalisme ».

Sur le banc de la partie civile, premier rang, côté droit de la salle, il y a l’ancienne éducatrice maternelle Fatima Afif, coiffée de son foulard islamique, quelques proches, et son avocat, Me Michel Henry. Ils tiennent sur un seul banc et deux chaises. Sur le banc de la défense, premier rang à gauche, les avocats de la crèche Baby Loup, emmenés par Me Richard Malka. Derrière, la directrice, Natalia Baléato, et des employés de la crèche de Chanteloup-les-Vignes. Au balcon, les journalistes.

Et puis, remplissant le reste de la salle, les nombreux soutiens à la crèche de Chanteloup-les-Vignes (Yvelines). Lors des audiences précédentes, il y avait la philosophe Elisabeth Badinter et l’ancienne présidente de la Halde, l’UMP Jeannette Bougrab. Signe des crispations politiques autour de « l’affaire Baby Loup », ce jeudi, les personnalités présentes étaient… le philosophe Alain Finkielkraut et l’éditorialiste Elisabeth Levy, figures de la scène néoréac. Au vu de l’importance prise par l’affaire, en face de tout ce monde, siégeaient le président et le procureur général de la cour d’appel de Paris.

La Cour, qui rendra son arrêt le 27 novembre, réexaminait le dossier Baby Loup sur le fond après trois précédents procès. L’affaire avait commencé en 2008 quand, de retour d’un congé parental de cinq ans, Fatima Afif, s’était fait licencier pour faute grave pour avoir refusé d’ôter son voile au travail. L’éducatrice (et directrice adjointe) de la crèche avait en réalité préalablement tenté de négocier une rupture conventionnelle avec sa directrice, Natalia Baléato. Se la voyant refusée, elle s’était présentée voilée lors de son premier jour de reprise. Et était licenciée dans la foulée. En 2010 et 2011, les prud’hommes de Mantes-la-Jolie et la cour d’appel de Versailles avaient donné raison à la crèche.

Mais, en mars dernier, la cour de cassation avait cassé cet arrêt, rappelant que la loi de 1905 n’imposait la neutralité qu’à l’Etat et ses agents. Autrement dit, une structure privée – Baby Loup est une association – ne peut imposer à ses salariés de cacher leurs convictions religieuses. Les seules restrictions possibles à ce principe (définies par le code du travail) peuvent être notifiées dans un règlement intérieur et reposer sur des motifs précis. En mars, la cour de cassation avait estimé que le règlement intérieur de Baby Loup n’était justement pas assez précis.

Ce jeudi, le procureur général de la cour d’appel a développé un raisonnement inverse, estimant que la nature particulière du travail dans cette crèche, « l’éveil de très jeunes enfants », peut justifier d’imposer la neutralité à ses salariés, notamment dans « le contexte hautement multiculturel » du quartier défavorisé de La Noé de Chanteloup. [...]

Sur le banc de gauche, on avait cependant prévu d’élargir le débat. Richard Malka, qui rappelle la nécessité de légiférer sur cette question, donne le ton, s’adressant à la cour : « Votre décision sera inscrite dans l’histoire de la laïcité en France. » Pour l’avocat de Baby Loup, la cour doit juger ici « un débat de société », explique-t-il en préambule de sa plaidoirie, ajoutant : « Tous les Français se sentent concernés par cette affaire. »

Sur le banc de droite, on voudrait circonscrire le débat à celui posé initialement devant le tribunal des prud’hommes de Mantes-la-Jolie en 2010 : celui d’un licenciement abusif. « Madame Afif n’a jamais voulu faire de son affaire autre chose que ce qu’elle est. Elle conteste son licenciement. Elle n’a jamais recherché le moindre soutien, n’a jamais répondu à la moindre interview », tente d’expliquer son avocat, Michel Henry. Il explique que le débat de société doit se trancher « ailleurs ». Et, entre le banc de gauche et le banc de droite, on s’accuse mutuellement de « radicalisation ».

Pour l’avocat de Fatima Afif, ce sont « la crèche Baby Loup et sa directrice madame Baléato (qui) ont connu ces dernières années un processus de radicalisation ». Me Michel Henry dénonce « l’instrumentalisation des soutiens et des médias ». Il raille son confrère du banc d’en face, Me Richard Malka, « qui tourne en boucle sur l’affaire sur France Info ». Et Natalia Baléato « qui se prend pour une Jeanne d’arc de la laïcité ». Richard Malka ne rejette pas totalement la comparaison pour sa cliente. « Elle a un point commun avec Jeanne d’arc qui a été brûlée pour hérésie. Son hérésie à elle, c’est la laïcité. » Dans son dossier, l’avocat de la crèche, explique avoir une pile de mains courantes et de plaintes suite « aux menaces, agressions et insultes » dont sont victimes depuis l’affaire les employés de la crèche et particulièrement Natalia Baléato. Crèche qui a d’ailleurs décidé de déménager dans la commune voisine, plus cossue, Conflans-Sainte-Honorine, d’ici la fin de l’année. « Le communautarisme a gagné à Chanteloup-les-Vignes », dénonce l’avocat.

Pour Richard Malka, l’enjeu du procès est celui « du choix entre deux sociétés : une société différentialiste et multiculturaliste, et la société universaliste héritée des Lumières qui correspond à notre modèle républicain ». « Si la République cède à Chanteloup, elle cédera partout ». Il parle du « fascisme vert ». Et cite un sondage du Parisien où 74% des Français considéreraient que l’islam est incompatible avec les valeurs de la République. Derrière, assis sur son banc, Alain Finkielkraut opine du bonnet."

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