Comité Laïcité République - La laïcité n’est pas une opinion, c’est la liberté d’en avoir une

Lire "« Sensibilités » : Les Monthy Python chez les woke".

"Imaginez une société où tous les concepts plus ou moins fumeux de ce qu’on appelle aujourd’hui le « wokisme » sont adoptés et mis en pratique à grande échelle. Plus question d’offen­ser qui que ce soit, de quelque façon que ce soit. Tout n’est que « respect », « safe places », « sensibilité  », « inclusion », «  diversité », « identité »… Le dernier livre de Tania de Montaigne ressemble à un roman dystopique. Mais, dès la première page, on réalise que chaque situation, bien que poussée jusqu’à l’absurde le plus comique, résonne comme une réalité contemporaine. Toute ressemblance avec des faits réels et des personnages existants est bel et bien établie.

Tout commence avec la tentative d’assassinat d’un écrivain célèbre, lardé de coups de couteau par un illuminé «  offensé ». Les avis sont unanimes : cette tentative d’assassinat relève « de la légitime défense ». Le responsable de cette attaque est l’écrivain lui-même, coupable d’avoir écrit ce livre si controversé, qui a heurté la foi de millions de personnes. Pour que plus-jamais-ça, une jeune responsable marketing d’une maison d’édition venant de faire son entrée en Bourse décide de rédiger une charte, qui s’appliquera dans son entreprise, mais aussi partout où les êtres humains de bonne volonté souhaitent bâtir un monde meilleur où plus personne ne sera choqué.

Ça tombe bien, sa maison d’édition s’appelle Feel Good. Article 1 de la charte Feel Good : « Que chacun puisse se sentir BIEN, confortable. » Article 2 : « Éviter tout sujet en lien avec une religion. » Article 3 : « Éviter les mots et idées PROBLÉMATIQUES. » Article 5 : « Vérifier qu’il y a un lien biologique direct entre l’auteur et le sujet traité […]. » Article 14 : « Ne blesser personne, satisfaire tout le monde. »

Succès immédiat. Tout le monde est emballé. Enfin presque. Certains y voient une dangereuse autoroute vers un totalitarisme soft, fait d’autocensure et d’épuration généralisées. Mais ces ­esprits chagrins sont vite écartés, et la charte Feel Good peut poursuivre son bonhomme de chemin salvateur, nouveauté après nouveauté, vers un monde où tout n’est que bonté et bienveillance. Article 16 : « Dans le cas d’un dialogue avec une personne issue d’une minorité ayant souffert de discrimination en raison de sa couleur, son origine, son milieu social, son poids, sa taille, sa sexualité, son sexe, son genre, sa maladie physique ou psychique, veiller à appliquer le protocole suivant :
Écouter la personne avant de donner votre avis.
Saluer la richesse et la valeur de son expérience.
Saluer la beauté et la grandeur de sa culture.
Demander à la personne si elle est d’accord avec vos arguments.
Demander une seconde fois.
Remercier la personne de vous accorder de son temps.
S’engager à s’améliorer. »

Cela met-il fin aux inégalités, aux violences, au racisme, au machisme, à l’homophobie, aux injustices  ? Bien évidemment non, quelle idée. Il s’avère que ça en rajoute même une couche, puisque chacun ne se préoccupe plus désor­mais que de son propre « bonheur », se foutant éperdument de ce qu’il peut se passer ailleurs que dans la périphérie proche de son nombril.

Parce qu’il serait dommage de ne pas rire de tout ceci malgré le sinistre de la situation, Tania de Montaigne s’amuse à porter jusqu’à l’incandescence les aberrations de ce « nouvel ordre mondial », né dans l’esprit quelque peu troublé d’une jeune femme qui n’a pas résolu certains problèmes avec sa maman. Car, comment peut-il en être autrement, on s’aperçoit bien vite que ça ne tourne pas rond du tout dans la tête de cette acharnée du Bien et de la Pureté. Si l’on voulait sous-titrer Sensibilités, ce pourrait être : la comédie tragique de la bonne conscience."