Revue de presse

“Statistiques ethniques : les enjeux du débat” (Le Figaro, 17 mars 09)

20 mars 2009

"En décembre, le président Sarkozy s’est prononcé contre mais, face à la complexité de la question, a nommé Yazid Sabeg commissaire à la Diversité et l’a chargé d’un rapport sur le sujet. Vendredi, Yazid Sabeg devrait dévoiler son plan et proposer que l’on modifie la loi pour compter les Noirs et les Arabes.

Jusque-là, la France tentait de garantir à chacun l’égalité de traitement. Dans l’idéal, ce système donne sa chance aux meilleurs, quelle que soit l’origine ou la couleur de peau. La réalité est plus mitigée. Au nom de ces difficultés, certains demandent que l’on garantisse non plus l’équité du processus de recrutement, mais son résultat. Afin de refléter, dans les entreprises, l’administration ou à la télé, la composition ethno-raciale de la société. Dans l’absolu, il faudrait alors imposer quelque 10 % de Beurs et 5 % de Noirs dans les grandes écoles, sur le petit écran, dans l’entreprise, en politique. Une méthode aux résultats rapides, mais brutale en période de crise. Qui risque de dresser « Benoît contre Mohammed », selon les termes du président.

Dès lors, d’autres spécialistes proposent des statistiques ethniques, « pour faire le point », sans quotas. Une mesure en demi-teinte qui pourrait favoriser l’étiquetage communautaire, sans résoudre les discriminations, rétorquent leurs adversaires. L’opinion, elle, reste attachée au modèle français qui considère des individus et non des communautés. Près de 55 % des Français interrogés dans un récent sondage ne croient pas à l’efficacité de ces mesures.

Le Conseil constitutionnel comme la commission présidée par Simone Veil refusent d’ailleurs ce dénombrement des minorités, sans base scientifique, et n’ont autorisé que ponctuellement des études de ressenti encadrées par la Cnil. Cependant, à gauche, comme à droite, les partis semblent acquis à l’idée qu’il faudra compter.

• Pourquoi compter ? Il y a quinze ans, la France opposait encore avec fierté son modèle de métissage à la ségrégation américaine. Aujourd’hui, les immigrés maghrébins sont trois fois plus au chômage que les nationaux. Pour certains, la cécité raciale ferait le lit de la discrimination. Refuser de compter reviendrait à cautionner. [...]

• Qui compter ? Faut-il dénombrer les Noirs, les Arabes, les Asiatiques, les Blancs, les musulmans, les juifs, tous ceux qui s’estiment discriminés ou juste les minorités visibles ? Quid des Kabyles ou encore des harkis ? « Tant d’années à tenter de se fondre dans la masse des Français, pour finalement cocher la case arabe serait douloureux », assure Charles Kerchouche, fils de harki. Les métis devront-ils, à l’américaine, se considérer comme Noirs ? Les opposants au comptage ethno-racial regrettent cette prime à « ce qui sépare, à la différence, qui va devenir le facteur explicatif pour tout et va figer des races pour longtemps », insiste le délégué à l’égalité des chances des ultramarins, Patrick Karam.

• Comment compter ? Chaque méthode présente vertus et effets pervers. Yazid Sabeg propose que les salariés volontaires déclarent anonymement s’ils sont arabes, noirs... Cela donne l’avantage d’éviter un fichier ethnique. Mais reste en revanche une estimation assez floue, sans référentiel, et renvoie à « une appartenance communautaire ». Si les Africains et leurs descendants semblent prêts à se déclarer « Noirs, car on ne risque pas d’être pris pour des Blancs », assure Louis-George Tin, du Cran, les Maghrébins se montrent très réticents. Ils redoutent d’être renvoyés sans cesse à leur origine.

Pour éviter l’assignation communautaire, le Haut Conseil à l’intégration, tout comme la communauté des chercheurs, proposent la méthode géographique. Elle constate un parcours et repose sur la statistique publique. L’Insee peut, d’ores et déjà, recenser la nationalité et le lieu de naissance des individus et de leurs parents. Cela permet de faire émerger des statistiques sur la deuxième génération, de suivre son parcours scolaire et professionnel et d’adapter les politiques publiques. Tandis que la troisième génération retourne à l’anonymat de l’intégration."

“Statistiques ethniques : les enjeux du débat”.


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